Années 1990, Banpo Town, Chine rurale.
Le corps d’une femme est retrouvé au bord d’une rivière. Ma Zhe, chef de la police criminelle, mène l’enquête pour meurtre qui mène rapidement à une arrestation évidente. Alors que ses supérieurs tiennent à lui communiquer leur succès, plusieurs indices poussent Ma Zhe à enquêter plus en profondeur sur les comportements cachés de ses concitoyens.
Si l’idée que l’on se fait du cinéma chinois moderne est surtout constituée de gros blockbusters tentant d’imiter le cinéma hollywoodien avec une petite touche de propagande communiste, il existe cependant, tout comme à Hollywood, des cinéastes à part du système. Ils sont connus comme les cinéastes de la sixième génération. Contrairement aux réalisateurs de la cinquième génération, qui se sont tournés vers un style plus classique et souvent basé sur les grandes valeurs chinoises, la sixième génération se concentrait plutôt sur un style plus simple et réaliste, souvent avec des petits budgets et traitant de sujets comme la société chinoise actuelle et ses parias. Ces cinéastes ont aussi beaucoup subi la censure du gouvernement chinois, malgré leur succès dans les festivals internationaux.
Parmi les réalisateurs connus de la génération, il y a Jia Zhangke, qui a eu l’honneur de devenir un habitué de la Sélection officielle du Festival de Cannes avec des films comme Still Life, A Touch of Sin ou Ash is the Purest White, ainsi que Diao Yinan, qui a gagné l’Ours d’or à la Berlinale de 2024 avec son film policier Black Coal, Thin Ice. Le réalisateur Wei Shujun suit la voie de ce dernier avec son propre film d’auteur qui traite d’une enquête policière, Only the River Flows, qui a fait partie de la section Un Certain Regard au 76ᵉ Festival de Cannes.
Basé sur la nouvelle Mistakes by the River du célèbre auteur chinois Yu Hua (dont le roman To Live a connu une adaptation renommée réalisée par Zhang Yimou en 1994), le film suit un policier enquêtant sur une série de meurtres dans un petit village. Mais si un suspect est vite trouvé, le détective commence à avoir des doutes sur l’affaire, ce qui va le perturber.
Avec son enquête son meurtre inhabituel, ses policiers sous pression, son petit village campagnard en pleine reconstruction et ses habitants qui gardent plusieurs secrets, Only the River Flows fait penser à Memories of Murder. La comparaison ne se fait pas seulement parce que ce sont des films d’enquête, mais parce qu’ils partagent tous les deux une ambiance similaire, notamment concernant leur paysage de campagne et l’utilisation de la pluie à chaque mort.
Cependant, le film de Wei Shujun prend une autre direction. En effet, à sa deuxième moitié, l’histoire semble se désintéresser de son enquête de base et préfère se pencher sur la psychologie de son personnage principal, qui semble de plus en plus être affecté par sa recherche de la vérité. Cette approche est la principale qualité du film, amenant aussi le spectateur dans une direction inattendue en plus de renforcer l’ambiance particulière du long-métrage. C’est d’autant plus le cas avec le choix audacieux de filmer entièrement le film en 16 mm, donnant un grain et une image brouillée à cette histoire remplie de flou tout en rappelant les premières œuvres des cinéastes de la sixième génération.
Cela amène notamment une scène de rêve. Il s’agit de la meilleure scène du film, proposant une mise en scène inventive et démontrant une véritable sensation de rêve. La scène ajoute un plus valu au long-métrage, même si, honnêtement, elle semble sortir un peu de nulle part.
Le problème du film est aussi son approche. Malgré son originalité, elle peut nous faire décrocher de l’histoire, surtout quand on voulait voir une enquête policière à la base, et amène beaucoup de choses qui rendent le résultat confus. Surtout la fin, dont plusieurs spectateurs risquent d’en ressortir en se demandant ce qui vient de se passer.
La démarche de Only the River Flows est louable et plutôt intéressante. Cependant, elle peut aussi rendre les spectateurs perplexes face au long-métrage. N’empêche qu’avec ce troisième long-métrage, Wei Shujun a le potentiel d’avoir une grande carrière dans le milieu.
Bande-annonce
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