Customs Frontline - Une

Customs Frontline — Aller au-delà des limites

« Is it more tiring to care or more tiring to not care? »
[Est-ce plus épuisant de s’en faire ou si c’est plus épuisant de s’en foutre?]

Customs Frontline - Affiche

Après avoir intercepté un cargo non autorisé et découvert tout son équipage mort, les agents des douanes de Hong Kong saisissent une cargaison d’armes illégales qui remontent à un conflit international instable. Malgré la distance des partis impliqués, ils sont loin de se douter de la proximité de l’instigateur du conflit.

Guerriers des temps modernes

Quand on pense à la Chine, on pense inévitablement à la grande muraille, au riz, mais surtout aux arts martiaux. C’est pourquoi pour nous — simples peuples de l’Ouest — il est toujours déstabilisant de voir une œuvre montrant des endroits comme Hong Kong être bien loin de ces maisons en bois et des restaurateurs ambulants qui vous lancent un baijiu et un bol de nouilles pour deux cennes (je n’ai pas fini). Une bonne chose de constater avec Customs Frontline ou Hoi Gwaan Zin Sin, réalisé par Herman Yau et écrit par Erica Li, que maintenant c’est partout pareil… j’imagine (face de bonhomme triste). N’allez pas croire que j’aurais souhaité voir la Chine encore dans la misère des temps médiévaux, bien au contraire, mais il manquait une touche de … dépaysement, si je puis dire ainsi.

Customs Frontline - Guerriers des temps moderne

Le guerrier est-il une figure révolue ou qui évolue? Depuis toujours, les histoires à propos de combattants chevronnés vouant leurs existences à défendre les opprimés (moyennant une rémunération de temps en temps) ont toujours dû faire s’élever l’âme et la conscience de leur public. N’est-il pas normal de vouloir cultiver une meilleure version de soi en ayant des modèles? Par contre, si on le voit comme cette figure inébranlable et insensible, cet archétype n’est plus exactement ce qu’il était. En effet, le guerrier moderne, l’homme viril, en est un maintenant sensible, conscient de ses émotions et souvent à risque d’être débalancé ou profondément blessé; ou l’a-t-il toujours été et tardons-nous à peine à le comprendre?

L’anglais est quasiment prédominant tout au long du film. Je dois préciser que j’adore l’aisance avec laquelle les films asiatiques incorporent des dialectes étrangers sans que cela ne pose problème au reste des personnages, mais dans ce cas-ci on ressent une certaine américanisation. Cette standardisation de la culture passe avant tout par la représentation cinématographique et/ou médiatique que l’on en fait. Les douaniers en fin de compte ne font pas qu’empêcher les matières étrangères de franchir un périmètre fictif, mais aussi à bloquer toute chose à l’interne de quitter cet endroit. À qui revient donc la tâche de la propagation des idées? Serait-ce là que le travail d’artiste commence? Sont-ce eux les guerriers des temps modernes?

25 ans depuis The Matrix

Les films d’action dont les scènes sont trépidantes par la seule présence d’une arme à feu est en soit quelque peu révolue. Dieu merci, la plupart des peuples asiatiques incorporent une touche d’art martial pour pimenter légèrement le tout. Je crois pourtant que l’effort principal d’une œuvre cinématographique se situe dans son envie de véhiculer un message. À partir de ce moment, on peut dire que l’on a un film en soi. Pour le reste, cela demeure toujours la même chose; c’est-à-dire l’exécution. L’histoire évolue autour de Chao Ching Lai, interprété par Nicholas Tse, et Cheung Wan-Nam, interprété par Jacky Cheung, deux gardes expérimentés qui se retrouvent mêlés à une affaire aux proportions mondiales.

Customs Frontline - 25 ans depuis The Matrix

L’introduction est assez fulgurante et mène à croire que la suite des événements le sera tout autant. C’est alors un choc pour nos frères d’armes lorsque leurs collègues sont tuées lors du braquage d’un cargo contenant des preuves saisies par les douanes. Cette scène marque un point d’arrêt dans la bravade des deux protagonistes ainsi que l’élan du film. Chacun aura une manière bien à lui pour faire face à cette épreuve qui les ébranle bien plus qu’ils ne l’anticipaient. La Mort reste l’adversaire que même le plus grand des guerriers ne saurait surmonter et ce peu importe qu’elle s’en prenne à lui ou à un autre. 

Le récit change de cap et offre alors diverses options en lien avec la gestion d’émotions dévorantes et nuisibles à notre bien-être comme le chagrin, la vengeance, le refoulement, et cetera. Les deux hommes finissent par échanger sur leur douleur respective et le dénouement de tout ça m’a complètement pris par surprise; j’en fus un tantinet déçu… au départ. Cependant, j’en vins à en comprendre la raison : la catharsis par la mimésis (je n’irai pas plus loin de peur de tout divulgaĉher pour les intéressés). Toujours en est-il que la détresse n’a rien de joli et qu’il ne faut jamais hésiter à chercher de l’aide.

Connaître ses limites

Le scénario peut donc facilement avoir une seconde lecture. Le récit relate la présence de conflits externes dans le monde qui amène les douanes d’un pays — dans ce cas-ci, elle représenterait notre conscience sujette aux attaques extérieures — à vouloir investiguer sur lesdits conflits. Les protagonistes découvrent alors qu’il est impossible de gérer des affaires à l’étranger alors que leur propre nation serait corrompue et possiblement un joueur dans les guerres en cours; ou si l’on préfère que notre psyché est affecté par des problèmes que nous nous refusons de voir, trop préoccupés par tout ce qui nous entoure. 

Customs Frontline - Connaître ses limites

Il n’y a pas de doute selon moi de la sagesse inhérente de l’œuvre, mais elle ralentit considérablement le flot d’un film du genre action/suspense. Néanmoins, la richesse de ces échanges profonds réside non dans leurs épanchements plaintifs, mais dans un minimalisme efficace. Cela démontre aussi que les métaphores ont plus de sens parfois que des mots précis, spécialement quand aucun amalgame de phrases ne semble satisfaisant. Une adresse que l’occident peut humblement céder aux cultures asiatiques; cette propension à saisir le sens caché derrière les actions et les paroles sans qu’on ait besoin de leur pointer du doigt.

L’action est tout au plus divertissante sans jamais vraiment nous offrir une trop grande montée d’adrénaline (que voulez-vous, on dirait bien que trop de fusils c’est comme trop de boxeurs dans un ring; ça perd de son charme). Je dédie quand même quelques points pour la scène du combat dans le petit bateau de sauvetage, c’était hélas le coït interrompu par l’éjaculation précoce, un bel effort puis un climax suivit d’une heure et plus à attendre sans rien d’incroyable. Sur ce – tant qu’à regarder le plafond – je vais aller faire mon lavage.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
海關戰線
Durée
115 minutes
Année
2024
Pays
Chine
Réalisateur
Herman Yau
Scénario
Erica Li
Note
7 /10

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Fiche technique

Titre original
海關戰線
Durée
115 minutes
Année
2024
Pays
Chine
Réalisateur
Herman Yau
Scénario
Erica Li
Note
7 /10

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