« Ce qu’il avait au bras, ça vient pas d’une seringue. »
Kaleb (Théo Christine) est sur le point d’avoir 30 ans et n’a jamais été aussi seul. Il se dispute avec sa sœur (Lisa Nyarko) au sujet d’un héritage et a rompu tout lien avec son meilleur ami (Finnegan Oldfield). Fasciné par les animaux exotiques, il trouve une araignée venimeuse dans un magasin et la ramène dans son appartement. Il ne faut qu’un instant à l’araignée pour s’échapper et se reproduire, transformant tout l’endroit en un terrible piège en toile. La seule option pour Kaleb et ses amis est de trouver une issue et de survivre.
Avec Vermine (Infested), Sébastien Vaníček propose un film d’horreur qui joue sur la symbolique de la xénophobie, de l’intolérance en mettant en scène des araignées dans un milieu pauvre de la banlieue parisienne.
Des plans qui se resserrent, des jeux de miroirs, un montage nerveux… Avec son premier long métrage, on voit que Vaníček sait utiliser le langage cinématographique de façon efficace.
À mesure que le film avance, le réalisateur intègre de nouveaux éléments, de nouvelles tactiques et une façon de montrer l’action qui évolue. Si au début du film il mise beaucoup sur des plans longs, avec peu de mouvement, à mesure que les minutes passent, les plans deviennent plus courts, plus saccadés, pour en arriver à une caméra très active qui n’est pas sans rappeler les films de « found footage » tellement la caméra bouge dans tous les sens afin de créer efficacement un sentiment de panique.
Infested (Vernines) est le deuxième film d’horreur qui met en scène des araignées que je vois en moins de 2 semaines. Et je dois dire que si Sting était une grande déception, celui-ci est une belle surprise. Frissons et sursauts étaient au rendez-vous. Le travail sonore est superbe, avec ces petits bruits que font les créatures et qui préparent le spectateur à avoir peur.
D’ailleurs, le réalisateur a décidé que l’utilisation d’effets numériques ne serait pas suffisante pour faire un bon film. Ainsi, en plus de faire créer des araignées numériquement (il y en a beaucoup et certaines sont simplement énormes, il a tout de même voulu travailler avec de vraies araignées.
« … cela a été beaucoup plus facile que ce que je pensais, notamment grâce à la Ferme Tropicale qui connaît parfaitement ces petites créatures. Elles sont très fragiles et se fatiguent très vite. Elles ne peuvent, par exemple, courir qu’une dizaine de secondes avant d’être complètement HS. C’était donc du one shot et ensuite “au dodo” pour nos actrices. Elles ont été très généreuses! »
Sébastien Vaníček
Je partage son avis par rapport à la valeur ajoutée d’avoir de vraies bestioles sur le plateau. Je partage moins son enthousiasme quant à la générosité de ces petites bêtes. lol
Mais ce qui permet à Vermines de se démarquer des autres films du genre, c’est l’utilisation des araignées pour créer une analogie avec les humains et les banlieues parisiennes. Il exploite principalement des images liées à la xénophobie et à l’intolérance. C’est d’ailleurs dans cette vision qu’on peut souvent voir (ou avoir) des gens qui vivent dans des endroits comme les Arènes de Picasso; soit d’être de la vermine.
Une invasion d’araignées dans un grand HLM habité par des personnes cherchant à survivre offre l’occasion d’explorer une dimension politique. Le réalisateur utilise ainsi la banlieue où il a grandi, Noisy-le-Grand, en Seine-Saint-Denis. C’est-à-dire un microcosme où les gens se connaissent, s’entraident, s’apprécient et sont polis. Comme partout, il y a des familles dysfonctionnelles et des personnes qui s’écartent du droit chemin, mais dans l’ensemble, les choses se déroulent sans heurts. On voit rarement cette représentation à l’écran. Ce genre de lieu mène généralement soit à un drame urbain âpre, avec le trafic de drogue et tout ça, soit une comédie burlesque, souvent exagérée et caricaturée.
Sébastien Vaníček en fait plutôt un film qui questionne cette représentation qu’on a des gens qui habitent ces cités. Il profite aussi de l’occasion pour offrir autre chose de très rare : un film d’horreur qui met en scène des Noirs, des Maghrébins et des Asiatiques qui ne sont pas là seulement à titre de faire-valoir ou pour se faire trucider. Ils sont au centre du récit et en sont les héros, ce qui est rafraîchissant.
Le film amène aussi vers le constat que parfois, lorsqu’on fait preuve d’ouverture, on peut réaliser que « l’autre » n’est pas le méchant que l’on imaginait. Les dernières scènes témoignent d’une sérénité face à l’araignée, d’une sorte de compréhension qui remet en perspective la relation.
Il y a aussi des scènes de grand drame et d’émotion qu’on n’a pas l’habitude de voir dans le cinéma d’horreur. Une scène assez puissante s’installe au moment où l’un des personnages se fait prendre dans les filets de l’ennemi. Un peu comme si le film s’arrêtait pendant 3 ou 4 minutes pour faire un deuil avec les personnages. Une scène vraiment intéressante.
Je finirai avec un dernier point marquant du film : la communication entre les humains. La plupart des personnages du film ont du mal à communiquer les uns avec les autres, car ils ne s’écoutent pas. Et face à quelque chose qui nous est étranger, du point de vue étymologique du terme, on a tendance à être violent. C’est ce qui se passe, dans Vermines, entre deux amis qui ont arrêté de se parler bêtement; entre un frère et une sœur qui ne parviennent pas à faire leur deuil ensemble; entre les jeunes et les policiers.
On n’est pas trop loin de la réalité, n’est-ce pas?
Bande-annonce
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