« J’aime mieux vous le dire : il n’y a rien de vraiment sexy dans ce qu’on va se raconter. C’est peut-être pour ça qu’on n’en parle jamais. »

Devant l’urgence climatique, notre plus grand ennemi est le statu quo. Porté par un sentiment d’impatience que partage l’animatrice Catherine Perrin avec plusieurs citoyens et citoyennes de différentes générations et divers milieux qui souhaitent qu’on aborde ces problèmes avec plus de courage. On se questionne à savoir pourquoi les solutions présentes ne sont pas adoptées.

L’urgence climatique ne fait aucun doute. Les projets et les entreprises qui proposent des solutions vertes susceptibles de faire une grosse différence au Québec et au Canada se heurtent à des obstacles considérables. Dans Virage vert : les règles du jeu, Catherine Perrin nous fait réaliser l’ampleur du défi.

Documentaire télé classique

On ne pourra pas dire que Virage vert : les règles du jeu révolutionne le documentaire télé. Par contre, Catherine Perrin est toujours aussi pertinente dans ses remarques et ses questionnements. Elle amène ainsi le spectateur à naviguer entre les différents problèmes et les solutions. 

Mais contrairement à ce qu’on a l’habitude de voir dans ce genre de documentaires environnementaux, celui-ci se penche plutôt sur les « pourquoi » des échecs. Pourquoi le Canada et le Québec ne parviennent pas à atteindre des cibles sommes toutes assez modestes? Pourquoi nos gouvernements ne s’impliquent pas réellement dans la lutte aux changements climatiques? Qu’est-ce que nous devrions faire en tant que société pour y parvenir?

On ne nous montre pas les destructions planétaires, les feux de forêts ou les inondations provoquées par les changements climatiques. On aborde plutôt ces questions d’un point de vue de solutions disponibles. Puis on creuse à savoir pourquoi ces solutions – qui ont parfois été implantées ailleurs – ne réussissent pas à percer le marché. 

Tout ça filmé de façon très classique, dans le modèle « entrevues en questions-réponses ».

Aborder la crise par les solutions disponibles

Ainsi, Virage vert : les règles du jeu montre que de nombreuses solutions existent, mais que notre système fait tout pour les empêcher de faire leur place. Cela donne un sentiment d’ambivalence, car d’un côté on voit que de bonnes solutions existent, mais de l’autre on comprend que le système fait tout pour empêcher que les solutions puissent être appliquées. 

Un des exemples qu’on voit dans le documentaire est celui de Brique Recyc qui traite de vieilles briques pour qu’elles puissent être réutilisées. Ainsi, plutôt que de faire transiter une quantité incroyable de camions qui transportent des briques neuves, l’entreprise propose une machine qui permet de nettoyer les briques, sur place, pour les réinstaller. Par un procédé spécifique, un laser permet d’enlever les résidus de ciment de la brique pour qu’elle soit de nouveau bonne à l’usage. Mais pour mettre sa machine en service et la vendre, le propriétaire et créateur de cette machine devait avoir l’approbation pour qu’elle entre dans la réglementation. Ce processus tout simple, qui devrait prendre quelques semaines tout au plus, aura pris plus d’un an juste pour trouver la bonne personne pour faire la demande, pour se faire dire que comme la machine touchait à deux corps de métiers (la brique est un corps de métiers et le mortier en est un autre) et, donc, on tombait dans un vide entre deux petites boîtes. Donc? Impossible d’avoir une approbation. 

Ce que montre ce documentaire, c’est que le Québec et le Canada ont tout pour faire une énorme différence sans même faire diminuer la qualité de vie de ses citoyens, mais que les gouvernements ne veulent pas s’impliquer. 

Le gouvernement à le pouvoir de créer le marché de demain, car il est aussi un consommateur de produits et services. Un consommateur qui, par ses achats, représente plus de 15% du PIB. Il suffirait donc que le gouvernement prenne la décision d’ajouter les impacts environnementaux dans ses calculs lorsqu’il signe des contrats afin de changer complètement la donne. 

Mais comme le seul critère utilisé pour choisir à qui on donne un contrat public dans notre pays est le prix immédiat, on passe à côté des meilleurs projets afin de sauver sur le montant de départ. On apprend dans ce documentaire qu’il y a une grande différence entre le prix d’un service ou d’un contrat, et son coût. Peut-être qu’il serait temps que les gouvernements réfléchissent à plus long terme que sur une vision de 3 ou 4 ans. 

Finalement, bien que Virage vert : les règles du jeu ne soit pas grandiose d’un point de vue créatif, il est un documentaire plus que pertinent, qui prouve que nous avons une grande partie des solutions à notre disposition. Il ne suffit que d’un peu de jugeote de la part de nos dirigeants coincés dans la facilité des vieilles façons de faire…

Virage vert : les règles du jeu sera diffusé le jeudi 18 avril 2024 à 20h sur ICI RDI et sur ICI TOU.TV.