« L’absurde, c’est la raison lucide qui constate ses limites. » – Albert Camus
Muni d’une simple pelle, l’artiste Victor Pilon accomplit l’inimaginable en déplaçant 300 tonnes de sable au cours d’une performance physique et psychologique de plus de 180 heures en plein cœur du Stade olympique de Montréal.
Inspiré par Le Mythe de Sisyphe d’Albert Camus, ce tour de force acclamé est magnifiquement capturé dans un film événement qui nous rappelle avec émotion que derrière chaque tragédie humaine se profile un voyage aussi libérateur que salutaire.
L’incroyable puissance du cinéma
Présenté en tant que film de clôture en présence du réalisateur et artiste Victor Pilon, Sisyphe est un magnifique témoignage de la puissance du cinéma.
Alors que ce film d’une heure ne montre qu’un homme qui transporte du sable d’un point A à un point B, encore et encore, le spectateur se retrouve coincé dans une expérience hors du commun. Quoi de plus ennuyant que de regarder un homme transporter du sable, vous me direz? Ce qui a commencé par une curiosité un peu mesquine de ma part s’est révélé être une expérience intense.
Je l’admets, lorsque j’ai décidé de voir ce film, je l’ai fait un peu en me disant que ce serait tellement mauvais que ça valait la peine de le voir. Dieu que je me suis trompé, et que je suis heureux que ce soit le cas. LE tout commence plutôt lentement, nous montrant l’artiste qui débute tranquillement son défi tant artistique, que physique, que mental.
Tranquillement, le rythme change et les plans s’enchaînent avec une belle variété. Parfois au loin, parfois rapproché, on assiste à ce moment unique. Par moment, on découvre certains spectateurs, sur place, qui regardent, ou contribuent à faire de l’œuvre de Pilon ce qu’elle est.
L’image d’une beauté surprenante misant sur une simplicité d’une grande efficacité – un fond perdu dans la noirceur, une lumière qui n’illumine que le parcours reliant les 2 tas de terre – nous rappelle que ce défi est celui d’un seul homme, mais qu’il est aussi celui de tout le monde.
Pourquoi dis-je que le cinéma est puissant? Parce qu’il permet de montrer quelque chose comme un homme qui déplace du sable pour le rendre passionnant, envoûtant, percutant.
Superbe collaboration
Mais ces images ne seraient pas aussi puissantes sans le magistral apport musical des Dear Criminals. Des pièces comme Where we started, Stay tonight, ou encore, Wasteland ajoutent au sentiment de lourdeur que représente une telle performance.
Rappelons que l’artiste aura parcouru pas moins de 600 km, tout en déplaçant 300 tonnes de sable. Le tout en créant une œuvre artistique singulière amenant une réflexion sur la vie.
Par moment, l’homme s’arrête pour effectuer des mouvements qui pourraient être une chorégraphie de danse, par moment il s’agenouille comme pour marquer son chemin de croix. Et parfois, un spectateur vient, prend sa pelle le temps de déplacer 1 ou 2 pelletées de sable, puis la lui rend. Des moments intenses qui représentent l’entraide dont les humains sont parfois capables.
Comment ne pas ressentir le poids que représente cette épreuve lorsqu’on entend les Dear criminals chanter « Just stay tonight, before we fade away » ou encore « It’s gonna take a while, it’s gonna take a while. »
Honnêtement, on aurait de la difficulté à imaginer une meilleure association.
Un peu plus…
Une réalisation magistrale à la hauteur d’une performance spectaculaire, accompagnée par les notes du groupe montréalais Dear Criminals. Que dire de plus?
Il est difficile de rendre juste à ce type d’œuvre puisque comme ont dit « une image vaut mille mots ». Et comme ce film contient quelque 115 200 images, vous imaginez la quantité de mots qu’il me faudrait pour l’illustrer…
S’il y a un message à retenir, c’est d’aller voir ce film. J’ai été profondément touché. Peut-être le serez-vous aussi.
