Géographies de DAR - Une

[FIFA] Les Géographies de DAR — Tout est dans le ton

« So now I’ll mention that boy from Miramichi. The one that stuffed his pockets with poems as he hitchhiked through the dark. »
[Je vais parler de ce garçon de Miramichi. Celui qui remplissait ses poches de poèmes en faisant du pouce dans la noirceur.]

Géographies de DAR - affiche

Le captivant Les Géographies de DAR explore la vie et l’œuvre littéraire du célèbre auteur canadien David Adams Richards. Au moyen d’images saisissantes, d’entrevues pénétrantes et de lectures d’extraits de ses ouvrages, le film révèle la relation profonde qui unit les expériences personnelles de l’écrivain et Miramichi, cette région de l’est du Canada qui a façonné ses récits.

Rendre hommage

Avec son style Lynchien, si Les Géographies de DAR était un film d’horreur, les images et la musique me plongeraient dans l’ambiance avec aise. Objectivement, le documentaire est tellement beau, je suis triste de voir que même les grosses productions américaines ne semblent pas capables de rendre des images autant lyriques et poignantes. Je me suis vite retrouvé absorbé par la direction photographique complètement ahurissante accompagné par la mélodie des voix récitant par-ci par-là, des passages des livres de David Adams Richards.

Géographies de DAR - Rendre hommage - House-in-Miramichi - Une maison à Miramichi
Une maison à Miramichi – gracieuseté de ONF

Au départ, le contenu lui-même me laissait un peu sur ma faim et j’avoue que je ne saisissais pas totalement le point de ce documentaire au moment où je le regardais. La question qui m’empêchait sans doute d’apprécier l’œuvre dans sa totalité était la suivante : « Mais qui est ce David Adams Richards? ». Il ne fallut que j’ouïe seulement quelques passages de son répertoire littéraire pour me rendre compte de la profondeur de sa plume. Je découvris une prose minimaliste et précise où chaque mot pèse sur la poitrine comme un poignard qui s’enfonce lentement dans la poitrine faisant à mon avis prendre conscience de la valeur de la vie jusqu’à ce qu’on trouve la force d’extirper la lame dans un spasme de vivre (Émile Nelligan l’aurait aimé j’ai l’impression :-);-)).

Le noir et blanc soutenu tout au long du documentaire suggère un état temporel passé similairement à une œuvre post mortem. Cependant, ce cher Monsieur Richards est bien vivant (pas jeune, mais loin d’être mort à cette heure) et sans offense à son égard, ce n’est pas comme s’il était l’auteur le plus connu au Canada et qu’on ne voyait et n’entendait parler que de lui. Alors d’où venait cette urgence ou cette nécessité à immortaliser non seulement son travail, mais aussi ses témoignages (pré post mortem?)?

Si jeunesse savait

Le but n’est pas d’écrire l’Histoire, mais bien d’y participer et de la relater en y incorporant le plus de points de vue possible. Face au temps et à la connaissance, la parole de mille anonymes surpasse de loin celle d’une seule reine. Le documentaire réalisé par Monique Leblanc témoigne d’un homme qui tente de faire de son passage sur terre un qui soit significatif au-delà de ce que l’on attend de l’être humain moyen; ce personnage fictif censé représenter les individus que nous sommes face à la masse. 

Géographies de DAR - David Adams Richards - Si jeunesse savait
David Adams Richards

Malheureusement, l’approche dénature le sujet du documentaire de temps à autre en l’érigeant sans trop de modestie sur un piédestal comme étant un artiste qui va à contre-courant. Dire d’un artiste qu’il est à « contre-courant » ou à « l’avant-garde » ou en marge ou peu importe revient pour moi à des périssologies. Il en va de soi que les artistes — les vraies — ne suivent pas la mode, ce sont des explorateurs de l’éther (sans le « net »). Maladroit, mais pas inefficace; la confrontation interne que je vécus par rapport à cette pensée artistique avait sitôt fait de me donner l’envie de savoir ce que David Adams Richards a écrit.

J’ai aussi l’impression que l’angle des troubles physiques à l’enfance vis-à-vis son succès présent n’est pas vraiment un aspect que j’aurais développé. L’ère du sensationnalisme laisse doucement sa place à une ère d’humilité et de modestie. J’ai l’impression que la réalisatrice à voulu remettre la palpabilité de la souffrance des personnages des œuvres de Monsieur Richards comme un regard réflexif sur la personne qu’est l’auteur en soi. Certes, la souffrance humaine est au centre de ses écrits, mais selon l’auteur elle témoigne de la grandeur de l’humain à travers l’adversité à affronter le pire. Le documentaire est l’Art de savoir dresser le portrait réaliste de quelqu’un ou quelque chose; et non de lui donner l’aspect que l’on veut.

Rêver en couleur

Je crois que les moments les plus difficiles de nos vies auxquels nous survivons sont une preuve de notre importance à continuer sur terre. Ultimement, David Adams Richards semble bel et bien avoir quelque chose à raconter (on devrait peut-être l’écouter?); à peine quelques strophes passées et j’étais conquis. Je ne suis pas un grand lecteur, mais j’aime les livres-audio et ce film me permet d’apprécier ce côté que j’aime de la littérature, celui que j’ai depuis toujours; de me faire raconter une histoire. Qui sait, je me procurerai peut-être la collection dans un format audio moyennant qu’elle existe.

Je n’ai pas grand-chose à redire du film, car la technique est excellente. Au niveau de la production, rien n’est mauvais, au contraire même; le noir et blanc est saisissant offrant des moments contemplatifs quasiment inégalables — comme par exemple la scène montrant une vue en plongée de la surface de l’eau au ralenti — des plans tout simplement saisissants allant de pair avec les textes de l’auteur.

Géographies de DAR - Rêver en couleur - Un enfant à bicyclette sur une route de campagne
Un enfant à bicyclette sur une route de campagne – gracieuseté de ONF

Pour conclure, j’aimerais vous dire en toute honnêteté que j’ai apprécié le film, beaucoup. En fait, je crois que j’ai surtout eu un faible pour l’œuvre dans sa totalité et le sentiment d’appréciation pour un pair écrivain de talent. Le seul accroc dans ce modèle stylistique de cette robe cinématographique serait donc attribuable à la couture plutôt qu’au matériel. Comme je l’ai mentionné plus haut, un soupçon de modestie dans la réalisation aurait fait ressortir davantage la nature propre de David Adams Richards. J’espère que vous saurez apprécier le documentaire, mais surtout l’artiste à sa juste valeur.

Liste de ses ouvrages :

  • The Coming of Winter (1974)
  • Blood Ties (1976)
  • Lives of Short Duration (1981)
  • Road to the Stilt House (1985)
  • Nights Below Station Street (1988, winner of the 1988 Governor General’s Award for fiction)
  • Evening Snow Will Bring Such Peace (1990)
  • For Those Who Hunt the Wounded Down (1993, nominated for a Governor General’s Award, winner of the 1994 Thomas Head Raddall Award)
  • Hope in the Desperate Hour (1996)
  • The Bay of Love and Sorrows (1998)
  • Mercy Among the Children (2000) (co-winner of the Giller Prize)
  • River of the Broken-Hearted (2004)
  • The Friends of Meager Fortune (2006) (longlisted for the Giller Prize)
  • The Lost Highway (2007) (longlisted for the Giller Prize, Nominated Governor General’s Awards 2008 Governor General’s Award)
  • Incidents in the Life of Markus Paul (2011)
  • Crimes Against My Brother (2014)
  • Principles to Live By (2016)
  • Mary Cyr (2018)

Les Géographies de DAR est présenté au FIFA le 23 mars 2024.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
The Geographies of DAR
Durée
74 minutes
Année
2023
Pays
Canada
Réalisateur
Monique Leblanc
Scénario
Monique Leblanc
Note
8.5 /10

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Fiche technique

Titre original
The Geographies of DAR
Durée
74 minutes
Année
2023
Pays
Canada
Réalisateur
Monique Leblanc
Scénario
Monique Leblanc
Note
8.5 /10

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