ONF a Regard 2024

[Regard] ONF en compétition — Beaucoup plus qu’un 15 minutes de gloire

Le Festival Regard commence demain. Voici la distribution qu’apporte l’Office Nationale de Film à la table des courts métrages. Malgré les années qui passent, L’ONF reste un pilier de la culture canadienne tant pour sa préservation que dans sa contribution à sa continuité. 

Je ne me cacherai pas de mon admiration pour celles et ceux qui y travaillent ou participent à des projets avec l’ONF. Alors, il faut tout de même peser mon appréciation probablement, légèrement, un tantinet biaisée ou subjective. Malgré tout, pour leur faire honneur je tenterai de demeurer le plus objectif dans mes critiques.

Je vous prierais de me suivre alors que je vous amène dans un monde rempli d’imagination avec le même entrain que ce cher Capitaine Krab dans Spongebob Squarepants.

Misérable Miracle — Un mot vaut mille images

Magistral dans sa vision et son exécution, le film explore les limites du langage et de la perception, créant d’éblouissantes correspondances entre le son, le sens, le trait et le mouvement. Propulsée au-delà du papier, enveloppée par la narration fiévreuse de Denis Lavant, la poésie traque la psyché humaine aux confins de l’aliénation et de la transcendance.

Misérable miracle - Image tirée du film - Avec la permission de lOffice national du film du Canada - Miyu Productions et New Deer
Image tirée du film – Avec la permission de l’Office national du film du Canada – Miyu Productions et New Deer

Misérable Miracles est inspiré du recueil de poèmes et de dessins du même nom d’Henri Michaux. Comme un clair-obscur, le titre du film est un oxymore évoquant à la fois le meilleur et le pire de l’existence humaine. Une approche peu orthodoxe pour illustrer la plume d’un auteur tout en rendant hommage à la langue et la calligraphie française.  Cette extrapolation des mots et de leurs sens rappelle la pipe; La trahison des images, par René Magritte, suggère ce paradigme entourant la symbolique du langage en lien avec un mot, son image et le sens qu’il évoque. 

La calligraphie japonaise étant l’un des patrimoines les plus respectés dans son pays d’origine, il ne m’en fallut pas plus pour voir le sentiment derrière ce qui animait ce court métrage. Sans qu’on s’en rende compte, l’équipe de Ryo Orikasa ainsi que lui-même démontre un respect aussi profond envers l’écriture que la parole; donnant vie aux mots au fur et à mesure que la voix ponctuée de Denis Lavant récite avec un ton merveilleusement poétique, les paroles sont tracées avec une fluidité rappelant la main experte et entraînée de l’écrivain, mais aussi du dessinateur.

Cependant, même si le concept est terriblement intéressant et que l’animation est superbe; cela n’en reste pas moins que du sous-titrage animé. J’ai l’impression que les kanjis s’interprètent beaucoup plus facilement en dessins que notre alphabet. Peut-être est-ce là le défi, celui d’être capable de faire chanter l’écriture au-delà de l’habituel? Toutefois, malgré ces petits écueils, le film est loin de faillir. Grâce à lui, j’ai découvert un dessinateur et un poète de talent sans oublier que j’ai pu élargir mes horizons artistiques.

Fiche technique

Titre original : Misérable Miracle
Durée : 8 minutes
Année : 2023
Pays : Canada
Réalisation : Ryo Orikasa
Scénario : Ryo Orikasa
Note : 8/10

La fille au Béret Rouge — Hockey, métro et caribou

Une jeune voyageuse emprunte le métro de Montréal. D’une station à l’autre, elle côtoie une foule colorée, devenant l’une des protagonistes d’un spectacle insolite et musical, émaillé d’incidents cocasses et inattendus. La vitalité, la créativité et la diversité montréalaises s’incarnent dans cette animation joyeuse et chaleureuse, pleine d’humour et de bonne humeur, qui défile sur l’air de Complainte pour Ste-Catherine, la célèbre chanson de Kate et Anna McGarrigle.

La fille au béret rouge, Kate McGarrigle et Anna McGarrigle
La fille au béret rouge, Kate McGarrigle et Anna McGarrigle

Une animation simple avec une chanson accrocheuse racontent avec beaucoup de couleurs le passage de ce qui semble être une jeune Française nouvellement arrivée à Montréal. Circulant à travers le système de transport souterrain, la jeune fille au béret rouge effleure au passage le quotidien des autres usagers du métro de la métropole. Un clown charmant, un chapardeur tenace, une dame heureuse et j’en passe composent l’éventail de personnages secondaires que la jeune femme anonyme croise sur son chemin. 

Rien n’indique précisément qu’elle soit Française, mais le court métrage introduit le personnage de la fille au béret à l’aide d’une petite musique aux airs de Paris. À l’opposé du film précédent qui n’a que des mots, celui-ci n’en a aucun mis à part les paroles de la chanson qui accompagne la protagoniste durant son périple. J’en saisis par contre que la jeune femme se retrouve émerveillé devant ce pot-pourri de la culture franco-canadienne savamment représenté par le personnage qui finit par se départir de son béret rouge en le lançant dans les airs. 

Je n’ai pas vraiment autre chose à ajouter sur le film excepté peut-être un léger abus de certaines activités ou personnalités stéréotypées. Cependant, il faut tout de même reconnaître qu’il est aisé de dépeindre une grande variété de personnages et de situations en peu de temps grâce à cela. Peut-être que je juge trop hâtivement une tentative à créer une césure, une dichotomie marquée entre le personnage de la fille au béret rouge et ce qui l’entoure, mais j’en doute.

Fiche technique

Titre original : The Girl with the Red Beret
Durée : 5 minutes 35
Année : 2023
Pays : Canada
Réalisation : Janet Perlman
Scénario : Janet Perlman
Note : 7/10

Le déplacement de Hébron — Comment conscientiser contre l’inconcevable

Un documentaire percutant sur le déracinement des Inuits qui habitaient jadis le village de Hébron, réalisé par Holly Andersen. Ce court documentaire montre comment elle essaie de découvrir la vérité sur ce qui s’est passé avec ce qui reste de témoins de cet événement marquant pour la communauté. 

Bâtiment délabré et abandonné de Hebron - Image tirée du film - Avec la permission de lOffice national du film du Canada 2022
Bâtiment délabré et abandonné de Hebron – Image tirée du film – Avec la permission de l’Office national du film du Canada 2022

J’ai fait un article dernièrement sur Malartic de Nicolas Paquet. Ce sont des constatations troublantes qui m’envahissent depuis. Hebron Relocation est une autre fenêtre sur ces victimes que le gouvernement néglige. Pour Malartic c’était l’avidité et l’or; mais qu’en est-il pour le menu village de Hébron (Canada et non la Palestine) et ses habitants? Pas l’ombre d’une raison pour expliquer cela logiquement aux Inuits de la région; encore une fois, on parle de 200 à 300 foyers. L’opinion que les survivants de la relocalisation partagent entre eux, je la partage également; la seule raison apparente de déplacer un peuple de ses terres natales – sans consultation et promettant une vie plus prospère – pour les remettre dans des conditions médiocres serait celle de l’assimilation; donc à défaut de pouvoir sortir la toundra de l‘Inuit, on sort l’Inuit de la toundra. 

Certes, le nombre de survivants et/ou témoignages peut sembler restreint, mais c’est en cela que réside selon moi la tragédie derrière cette histoire. Peu de gens, ça veut souvent dire facilement oublié; la seule chose qui soit énorme c’est le niveau d’isolation social. Privés de leurs racines et de leurs terres ancestrales, leur culture est laissée là loin de sa source tel un roseau arraché du sol, condamné à sécher. La réalisatrice à tout de même su rassembler assez de témoignages pour rendre une preuve tangible de ce qui est arrivé aux habitants du Hébron.

Selon moi, il est primordial de continuer de donner une voix aux silencieux et aux oubliés en leur accordant la valeur qui leur revient. À la fin il est écrit que ce film revient à celles et ceux touchés par la relocalisation de Hébron et de Nutak; car il y a d’autres villages qui puissent avoir été effacés sans que l’on puisse le savoir de quelconque façon. N’ayez crainte, avec ce documentaire, il m’apparaît évident que le peuple ne peut que continuer de se conscientiser et s’orienter en prenant compte du passé pour créer un demain meilleur.

Fiche technique

Titre original : Hebron Relocation
Durée : 15 minutes
Année : 2022
Pays : Canada
Réalisation : Holly Andersen
Scénario : Holly Andersen
Note : 7.5/10

Se mélanger sans se diluer

Il est de notre devoir en tant que nation de s’auto-documenter et s’auto-évaluer dans un aspect d’apprentissage ainsi que de préservation de notre culture présente, passée, mais aussi future. J’ai souvent l’impression que cette idée de préservation de la culture soit constamment balayée sous le tapis. Pourtant, ce n’est pas comme si on demandait le contraire. Nous sommes là à nous insurger et à demander que l’on prenne à cœur la connaissance et sa propagation symbiotique et osmotique. 

Dans tous les cas, ce n’est pas l’ONF qui se garde de faire attention à la préservation de l’histoire canadienne. Je suis toujours surpris par le genre de projet qu’ils soutiennent rendant un niveau qualitatif artistique autant pour la production que sa conception; avec une âme, une énergie, une idée à insuffler à nous qui les regarderont. 

Pour le reste, la situation en ce qui a trait à la gestion de la culture me fait penser à cette scène de 51st State fameuse pour sa mésinterprétation de l’expression « occupe-toi de lui ». Il est clair que gagner son pain quotidien — ou simplement gagner un peu de visibilité — est ce que les travailleurs du domaine artistique recherchent avant tout, mais à quel prix? J’en reviens toujours à la même chose; la nécessité de créer est-elle le moteur principal ou y a-t-il un autre incitant au-delà de l’avancement culturel? Toutefois, là n’est pas le moment de m’évertuer sur un sujet complexe dans mes dernières lignes; il faut tout de même que vous puissiez aller voir les films par vous-même, car comme vous le savez toutes ces œuvres se retrouvent sur le site de L’Office Nationale du Film. Bon visionnement!

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