HEY VIKTOR - Une

Hey Viktor! — Il n’y a pas de fumée sans feu

« Hey Viktor! »

Vingt-cinq longues années après avoir été sous les feux des projecteurs, l’ancien enfant acteur Cody Lightning tente de relancer sa fortune avec une suite autoproduite de Smoke Signals (1998).

Alberta / Arizona

Un mot, une phrase ou une expression, il n’en prend souvent pas bien plus pour forger une réputation ou créer de la popularité. Pour Cody Lightning, « Hey Viktor! » fut le catalyseur de son estime personnelle en tant que personnalité publique, un catalyseur qui depuis les 20 dernières années ne s’est jamais transposé en d’autres choses. Néanmoins, qu’arrive-t-il lorsque cette réputation tombe doucement dans l’oubli faute d’avoir été renouvelée?

Hey Viktor - Alberta Arizona
Cody Lightning

Hey Viktor! est un mockumentaire hommage à un étendard de la cinématographie autochtone. En 2018, la bibliothèque du Congrès des États-Unis intègre l’œuvre comme trésor national, la considérant culturellement, historiquement et esthétiquement significative. Bien sûr, en bon dominant, les États-Unis nomment le film Phoenix, Arizona le privant de son titre original Smoke Signals (mais c’est peut-être une discussion pour une autre fois. Quoi que…) même si le film est aussi en territoire Canadien, c’est eux qui décident. 

Une production signée Miramax en 1998 qui garde les droits d’auteur d’une œuvre créée presque entièrement (si ce n’est pas totalement) par des autochtones en terre autochtone. Qu’on le veuille ou pas, il reste que ce sont les Premières Nations qui accueillirent les colons ici et pas l’inverse (vous saviez que Miramax avait été fondé par les Weinstein? Oui, oui celui-là). Les redevances vis-à-vis de la propriété intellectuelle sont très importantes, n’allez pas croire que je m’en fou, bien au contraire. Cependant, à qui revient vraiment la propriété de cette dernière?

La foudre ne frappe jamais deux fois au même endroit… par hasard!

Tout le monde aimerait pouvoir être payé à ne rien faire — « c’est mon argent, c’est mon film » —, mais qui a le crédit d’une idée? L’Histoire tend à montrer que celles et ceux qui s’efforcent à la développer finissent par en être les détenteurs. L’œuvre de Cody Lightning dévoile avec de subtiles litotes la triste réalité du monde de Hollywood. Comment les Premières Nations ne peuvent-ils pas avoir le droit à une suite pour l’un des ouvrages les plus importants de leur culture moderne? Rien ne les empêche de faire un film à proprement parler, mais ils ne peuvent pas utiliser le même titre ou les mêmes noms pour les personnages. Une impasse à première vue, jusqu’à ce que l’on puisse se rendre compte qu’il y a quelques moyens pour se libérer de ces chaînes invisibles.

HEY VIKTOR - La foudre ne frappe

Lorsqu’une œuvre est appelée à changer à cause de peccadilles bureaucratiques quelconque, on peut toujours opter pour la suite spirituelle; Hey Viktor! s’inscrit dans cette catégorie. J’ai été émerveillé par le concept qui se regarde sans cesse comme une réflexion dans un palais des miroirs. Le récit du mockumentaire tourne autour de Cody Lightning aux prises avec des difficultés qu’il a sans doute dû lui-même rencontrées dans la création de ce projet (je parle dans la vraie vie, pas dans le film). Je trouve ça beau quand on élabore sur un sujet plus ou moins facile à aborder à l’aide de paraboles ou encore mieux la réflexivité.

La réflexivité est une chose qui par l’entremise d’une symbolique définie fait référence à elle-même, et donc, révèle sa plasticité. La représentation la plus commune de la réflexivité est d’une certaine manière le selfie inventé par un peintre en 1656. Pour les Ménines de l’artiste Diego Vélasquez, c’est d’y apercevoir ledit peintre en train de peindre la toile au loin comme s’il observait la scène à travers un miroir — car comment aurait-il pu peindre des gens de face de dos? (on dirait une blague de RRRrrrr!!! d’Alain Chabat) — de ce fait, observer le tableau nous révèle comment l’artiste s’y est pris ou à peu près.

Élargir ses horizons

Un des points faibles selon moi se trouve dans la caricature grotesque du personnage de Cody Lightning (à qui on souhaite d’être à des années lumières de son personnage) tout au long de l’histoire omettant la petite rédemption à la fin. J’ai rit bien évidemment que je m’y suis plu, mais les blagues du style « je suis un déchet humain » devenaient vite lassantes; ce n’est pas comme si le film n’aurait pas pu fonctionner sans un personnage pipi-caca. Il en va de même pour certains autres personnages un peu répétitifs dans leur humour comme le personnage de Reggie, interprété par Conway Kootenay, ou Chomsky, interprété par Phil Burke. Ce ne sont pas en eux-mêmes des échecs lamentables, je trouvais simplement que pour une œuvre qui voulait jouer sur plusieurs dimensions, certains personnages semblaient n’en posséder qu’une. 

HEY VIKTOR - Élargir ses horizons

Dans l’idée d’une suite spirituelle, ce mockumentaire relate comment l’idée de faire un Smoke Signals II finit par donner le titre Fire Sign; c’est là que se prête bien l’expression « il n’y a pas de fumée sans feu ». C’est une belle leçon de vie que de montrer comment certains culs-de-sac ne sont en fait que des indications qu’il existe un meilleur chemin à emprunter. N’est-ce pas merveilleux de voir comment la résilience de l’âme humaine se manifeste à travers l’adversité? Dans mon cas, je dirais qu’il est toujours inspirant de se faire raconter une histoire en montagnes russes; un état précaire plongeant dans les abysses pour ensuite se propulser du fond du baril jusqu’à la surface avec, pourquoi pas, une vrille au passage.  

La partie documentaire est très bien réussie. J’entends par là que je ne connaissais pas Smoke Signals avant de voir Hey Viktor! . Lorsque je le visionnai pour la première fois, je n’avais jamais entendu ni paroles ni murmures sur ce film. J’étais tout à coup saisi par l’impression que Hey Viktor! n’était pas entièrement que fiction; et j’ai senti (c’est purement subjectif peut-être, mais voilà) qu’il y avait une quantité abondante d’amour sincère entourant ce qu’était Smoke Signals pour un simple mockumentaire. L’authenticité de la chose, doublée de ma propre ignorance envers un pilier cinématographique, créée de toutes pièces par les Premières Nations me firent verser des larmes de joie et de reconnaissance de m’avoir ouvert les yeux. 

Je termine en mentionnant qu’il serait davantage impératif pour nous et les générations futures d’augmenter notre niveau de partage et de communication. Ironique de dire cela à notre ère, mais soyons franc, qui nous parle ou veille à nous enseigner ce qui se passe du côté des autochtones? Je n’avais jamais eu vent d’une œuvre semblable que ce soit au secondaire ou au cégep ou même à l’université! Je ne comprends pas trop, aurais-je dû me prendre un cours spécialisé en culture canadienne à un point ou à un autre dans mes études pour que l’on me dise ce qui se fait dans le pays où je vis par ceux qui nous y accueillirent? Ne faisons pas l’autruche, il n’y en a pas au Canada!

Je vous conseille fortement de regarder Hey Viktor!. Toutefois un petit conseil à Cody Lightning (avouons-le, on aimerait tous un nom comme ça) en lien avec les quelques faux pas mentionnés auparavant. Une sage collègue nommée Solenne m’a souvent dit : « Trop c’est comme pas assez »; mais je traduis, car elle a l’habitude de le dire en anglais 😉.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Hey Viktor!
Durée
102 minutes
Année
2023
Pays
Canada
Réalisateur
Cody Lightning
Scénario
Cody Lightning et Samuel Miller
Note
7.5 /10

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Fiche technique

Titre original
Hey Viktor!
Durée
102 minutes
Année
2023
Pays
Canada
Réalisateur
Cody Lightning
Scénario
Cody Lightning et Samuel Miller
Note
7.5 /10

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