«Tu fais pas une concession pour moi ?»
Dog et Mirales, amis d’enfance, vivent dans un petit village et passent la majeure partie de leurs journées à traîner. Mirales a pris l’habitude de taquiner Dog, plus que de raison. Cet automne-là, Dog rencontre Elsa avec laquelle il vit une histoire d’amour. La distance qui s’installe entre les deux jeunes hommes va leur permettre de grandir et de trouver leur place.
L’expression « chien de la casse » provient de l’argot, désignant une personne vindicative, voire violente, pour qui la fin justifie les moyens. Il est intéressant de constater que le terme de « chien », exemple même de l’animal docile, est la plupart du temps utilisé de façon familière lorsqu’il est associé à d’autres noms. Antoine Mirales, personnage ambigu par excellence, incarne la pugnacité symbolisée par cette expression, à l’opposé de Dog, renfermé et taiseux.
Antoine Mirales et Dog, interprétés respectivement par Raphaël Quenard et Antony Bajon, sont amis depuis le début de leur adolescence. Maintenant adultes et proches de la trentaine, ils habitent dans un petit village du sud de la France. Ces deux « adulescents » passent de nombreux moments auprès de leur bande d’amis, à discuter, promener Malabar, le chien d’Antoine, ou jouer au foot. La vie quotidienne pourrait sembler paisible, si leur relation amicale n’était entachée du penchant d’Antoine à humilier Dog, ne cessant de lui faire des remarques blessantes, parfois offensantes.
Primé au Festival Premiers Plans d’Angers en 2023 et porté par un certain bouche-à-oreille, ce premier long-métrage de Jean-Baptiste Durand se révèle très prometteur. Le réalisateur, formé aux Beaux-arts, a travaillé avec précision la palette des couleurs du film, du choix des habits des comédiens à la façade des maisons du village. Les deux personnages principaux sont écrits avec finesse, loin des stéréotypes parfois véhiculés autour d’une certaine jeunesse vivant en campagne. Si l’univers pour Antoine lui semble restreint, il est cependant curieux et pugnace, appréciant la littérature et les bons mots. Ne sachant parfois que faire de son énergie ou de ses envies, il déambule dans les rues du village et donne son avis sur des sujets divers et variés. Il aime passer du temps avec Dog, quant à lui très réservé, mais il est très dur avec lui. La rencontre d’Elsa, jeune femme ayant quitté Rennes à la suite de ses études en Lettres, va permettre d’apporter un éclairage sur cette relation toxique, au sein de laquelle Antoine et Dog sont englués. Galatea Bellugi interprète ce personnage, qui va temporiser la relation entre les deux jeunes hommes.
Dog va se rapprocher d’Elsa et entamer une relation avec elle, ce qui lui laissera moins de temps avec Antoine. Possessif et insatisfait, ce dernier ressent d’autant plus sa solitude par l’absence de Dog, et accepte difficilement la présence de la jeune femme. Il exprime davantage sa colère, dénigrant son ami et se montrant parfois détestable. Raphaël Quenard interprète avec une grande finesse ce personnage ambivalent, conscient de la réalité au sein de laquelle il évolue, passant d’une présence parfois drôle et charismatique à de la colère empreinte de mépris. Intelligent mais insatisfait, Antoine semble emmuré dans ses contradictions. Il souhaite changer le comportement de certaines personnes autour de lui alors qu’il ne semble pas avoir d’objectif précis pour lui-même. Dog et Antoine vont se distancier mais resteront liés par une relation indéfectible. L’amitié est ici traitée comme un lien de sang, fraternel, malgré la violence qui en émane parfois.
Jean-Baptiste Durand réalise un premier film tout en subtilité, des scènes de bandes aux règlements de compte entre « chiens de la casse », détournant certains clichés sur les habitants de la campagne. Si les films sur la banlieue constituent maintenant un genre en soi en France, rares sont ceux retraçant une enfance, une adolescence ou une vie adulte au sein d’un petit village de campagne sans les stéréotypes habituels. Anthony Bajon, Raphaël Quenard et Galatea Bellugi offrent des interprétations plus que convaincantes. Le prisme de la relation amoureuse est déplacé vers la relation amicale, voire fraternelle, qui constitue le centre du récit. Des rendez-vous dans le centre du village aux balades avec Malabar, des scènes de groupe aux propos emportés d’Antoine Mirales, ce premier long-métrage parvient à mettre en images une certaine ambiance rurale teintée à la fois de nostalgie, d’amitié et de déceptions.
Bande-annonce
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