« Ce qui caractérise l’ouvrier italien, c’est qu’il est plus souple. On lui fait faire tout ce qu’on veut. Ils n’ont aucune dignité personnelle. Ils endurent tout. Si on leur dit de rentrer à la cloche, ils courbent la tête et obéissent. »
Ce film d’animation raconte l’histoire de la famille Ughetto, vivant au nord de l’Italie dans le début du 20e siècle. La vie dans cette région étant devenue très difficile, les Ughetto rêvent de tout recommencer à l’étranger. Le fils aîné, Luigi Ughetto, traverse alors les Alpes et entame une nouvelle vie en France, changeant à jamais le destin de sa famille tant aimée. Son petit-fils, Alain Ughetto, retrace ici leur histoire, à travers un dialogue fictif entre sa grand-mère Cesira et lui.
Oscillant entre film biographique et documentaire, animation stop-motion et image réelle, ce film a un style bien à lui. On ne peut passer à côté du stop-motion qui est particulièrement exceptionnel.
Technique d’animation sous-exploitée, c’est un bonheur de voir cette forme d’animation continuer à évoluer, malgré la 3D qui continue de s’imposer dans ce genre de film. Le visuel et la fluidité des mouvements sont bluffants et on s’étonne devant certaines images qui sont à couper le souffle. La précision des détails donnée par le réalisateur, Alain Ughetto, dans la façon dont les marionnettes se déplacent et s’expriment démontre la passion qu’il avait pour ce projet. On sent l’amour et la minutie dans chacun des plans, qui pourraient être des œuvres d’art à juste titre.
Le fil qui relie le récit sont les souvenirs de la grand-mère du réalisateur, Cesira Ughetto. À travers des dialogues chargés de nostalgies et de poésies, elle retrace les différentes épreuves de la famille Ughetto. On ouvre une fenêtre sur le passé, qui ne cherche ni à magnifier le temps d’antan, ni à faire l’étalage de la souffrance de l’époque. Le regard posé sur ce passé, qui était dur, mais aussi rempli de beauté, parvient à relater les faits avec sincérité et une certaine sagesse.
Bien que le titre rappelle la discrimination faite aux Italiens de l’époque, surtout en France, ceci n’est pas une histoire sur le racisme, mais sur cette famille italienne qui a vécu du racisme au travers de leur parcours. Les agressions et/ou insultes sont bien présentes, mais le réalisateur a choisi de montrer comment les discriminations du quotidien, de voir une race de gens comme ayant moins de valeur, peuvent affecter le peuple.
Il aurait été intéressant de montrer davantage la montée du fascisme en Italie, mais comme on se concentre principalement sur la famille Ughetto, certains pans de l’histoire sont relégués en arrière-plan. Comme le film dure moins d’1h15, je crois qu’on aurait pu élaborer davantage sur les répercussions des Guerres Mondiales ou comment le fascisme a affecté les Italiens. Mais je comprends que le but du réalisateur était de raconter le chemin parcouru par sa famille avant de s’établir en France.
Dans une époque où l’immigration de masse est encore d’actualité, ce film résonne encore vrai aujourd’hui. L’idée de cette famille italienne, qui ne cherche qu’un avenir meilleur pour ses enfants et pour sa famille de s’épanouir, se retrouve dans les bagages de chaque immigrant qui décide de faire le sacrifice de commencer une nouvelle vie dans un autre pays.
Un beau récit, pour toute la famille.
Bande-annonce
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