Ru - Une

Ru – Le silence du vécu

 « Quand tu apprécies les nuances du bleu du ciel, tu apprécies la vie. »

Ru - Affiche

Après une traversée périlleuse en mer et un séjour éprouvant dans un camp de réfugiés en Malaisie, la jeune Vietnamienne Tinh et sa famille arrivent au Québec où elles entreprennent leur nouvelle vie. Grâce à l’accueil chaleureux de tous, dont la famille qui les parraine, Tinh s’adapte lentement à sa réalité. Elle surmontera sa timidité pour apprendre une nouvelle langue, découvrir une nouvelle culture, s’adapter à une nouvelle vie au Québec. Ru est l’adaptation du récit autobiographique éponyme de Kim Thúy, paru en octobre 2009. Le passage à l’écran a été confié à Charles-Olivier Michaud qui revient 8 ans après sa dernière réalisation Anna (2015). 

Tantôt joyeux, tantôt mélancolique, mais doté d’une articulation en perpétuel questionnement. Le réalisateur arrive à créer un film qui fascine par son approche du phénomène d’intégration au Québec à travers les yeux d’une jeune fille.

Petit ruisseau deviendra grand

Comment une jeune fille, probablement traumatisée par la guerre, peut-elle s’intégrer dans un nouvel environnement ? Comment perçoit-elle sa nouvelle vie? Comment trouver du bonheur ailleurs que chez soi? Si le film prend des allures de drame autobiographique, Charles-Olivier Michaud insuffle à son œuvre une dimension songeuse en essayant de comprendre et d’appréhender la vision et l’évolution intérieure de son héroïne perdue entre un passé hanté et un présent compliqué. 

Ru - Petit ruisseau 1

Ce tiraillement est le socle dramatique sur lequel s’appuie constamment le récit pour s’y développer. Un récit construit comme un puzzle où chaque pièce du présent ramène le spectateur vers le passé douloureux de la famille. Un chevauchement qui trouve son point culminant dans la scène où Tinh s’apprête à rentrer à l’école, ce qui est une très bonne trouvaille visuelle.

Des visuelles évoluant en contraste entre le blanc de l’hiver canadien et les flammes destructrices de la guerre du Viêtnam. Des visuelles peignant Tinh comme un corps étranger perdu au milieu de son nouvel environnement décrit par des panneaux latéraux et la courte focale comme pour souligner son isolement ou sa réfraction à le joindre. Mais de quoi Tinh a-t-elle peur? D’oublier ses racines ou d’en créer de nouvelles?

Ru - Petit Ruisseau 2

Au-delà, de cette biographie familiale, Charles-Olivier Michaud arrive à faire évoluer son récit en une exploration du processus d’intégration québécois. Mais en abordant cette thématique sa caméra reste toujours en retrait comme afin d’observer ce cheminement et y déceler ses forces, mais aussi quelques part ses limites. Des limites soulignées par la belle musique de Michel Corriveau qui met l’accent sur les aspects psychologique et émotionnel décrits dans la mélancolie du regard de Tinh, dans le manque de connaissance de la famille qui les parraine ou dans les choix de ses parents, car « la survie implique des décisions difficiles ». Comment faire pour que la culture « exotique » québécoise devienne une partie de nous-mêmes? Comment digérer les choix difficiles? À quel moment un.e immigrant.e est-il/elle bien intégré.e? 

Si le film en général se pose ces questions (entre autres) et laisse la réponse aux spectateurs, il se les pose aussi via le spectre de l’enfance et de Tinh. Ce qui confère à l’œuvre une atmosphère flottante teintée de poésie et d’innocence déchue.

Ru peut être considéré comme une œuvre cathartique, acceptant un passé au goût amer pour construire un présent et un futur heureux et paisible. In fine, même si Tinh et sa famille sont au Québec, certains bruits leur rappelleront le Vietnam.  

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Ru
Durée
116 minutes
Année
2023
Pays
Québec (Canada)
Réalisateur
Charles-Olivier Michaud
Scénario
Jacques Davidts
Note
7 /10

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Fiche technique

Titre original
Ru
Durée
116 minutes
Année
2023
Pays
Québec (Canada)
Réalisateur
Charles-Olivier Michaud
Scénario
Jacques Davidts
Note
7 /10

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