« — Les films sont plus qu’un trésor. Les films sont un jardin, ça demande de l’entretien. »
« — Venir ici c’était plus qu’un déménagement, c’était une transplantation. »
Le 31 octobre dernier, je me réveillai sur une note un peu différente de ceux et celles qui se préparaient déjà pour visiter les maisons hantées. Mon périple commença dans la matinée à l’îlot Balmoral, un relativement nouvel édifice dont six des treize étages sont maintenant dédiés à l’Office National du Film ou ONF. C’est là où s’accomplit la majorité, voire la totalité, des activités rattachées à la production et la post-production; désormais un véritable étendard du rayonnement de la culture au Centre-Ville de Montréal. Je fus accueilli chaleureusement, ainsi que tous les autres journalistes présents, par Marie-Claude Lamoureux, relationniste de presse chez ONF, une parfaite représentante du dynamisme de l’équipe que nous nous apprêtions à rencontrer.
Cependant, ce n’était pas du tout ma destination. J’embarquais dans une navette pour visiter les nouveaux locaux d’archivage et de restauration de l’ONF dans Ville Saint-Laurent; un privilège extraordinaire puisque l’endroit ne sera pas ouvert au public. Suivant une rencontre agréablement détendue avec des membres de l’équipe et d’autres chanceux journalistes tels que moi-même, nous partîmes en direction de cet antre mystérieux où s’accumulent non les horreurs, mais des trésors. Déjà, durant le trajet nous eûmes la chance de nous entretenir avec le conservateur de collection, Marc St-Pierre, un être regorgeant de connaissances, qui souligne (malgré toutes les avancées technologiques dont l’ONF est précurseur) l’importance du savoir-faire humain à travers tout cela. Et c’est peu dire, car une fois sur place nous nous rendîmes vite compte que Monsieur St-Pierre n’était pas le seul passionné de l’endroit.
Toute l’équipe semble baigner dans une ambiance chaleureuse, mais cette odeur qui flotte dans l’air est aussi celle du partage de l’amour pour ce qu’ils font. Tout un chacun expert dans leur domaine, je n’en pouvais plus de voir ce que nous allions découvrir. C’était aussi un honneur d’être accompagné par presque toute l’équipe présente, un véritable Disney World, mais en mieux! Je ne suis jamais allé à Disney World, mais si vous saviez tous les frissons et l’euphorie qui me tinrent compagnie durant cette visite, vous m’y auriez cru.
Une fois à l’intérieur, il fallut pénétrer un sas pour entrer dans la partie climatisée, pressurisée, humidifiée (ou plutôt déshumidifiée) de l’édifice de l’ONF. J’avais l’impression de commencer un manège d’épouvante de foire, mais éducatif et joyeux! Un petit cours d’histoire mit en lumière la problématique de l’entreposage des films qui, à cause de l’humidité et la température, sont décomposés par des champignons; un phénomène que l’on nomme le syndrome du vinaigre. Depuis, de nouvelles méthodes d’entreposage ont été développées afin de préserver les connaissances recueillies, depuis plus de 85 ans, et pour les siècles à venir. Par exemple, l’ONF détient les seules images en mouvement de la crête de Vimy filmées dans les quelques secondes ou minutes après la bataille en 1917, images prises par l’Armée canadienne elle-même.
Dans cette idée de restauration, de préservation et d’entreposage; la numérisation s’avère la technique idéale étant donné les plus de 260,000 éléments différents à répertorier. Après avoir contemplé l’imposante collection de films que les employés de l’ONF s’attèlent à convertir en données (la voûte contient plus de 14,000 films dont environ 6,500 sont déjà numérisés en plus de près d’une cinquantaine de nouveaux films par année), nous continuâmes en nous enfonçant parmi diverses merveilles. C’était avec cette fascination spéléologique que pleuvaient nos questions dont l’équipe s’empressait joyeusement à répondre avec efficacité et précisant toujours plus (c’est à se demander s’iels ne sont pas eux-mêmes issus des plus récentes avancées technologiques).
Ils abordèrent aussi le défi de la conversion du film huit millimètres; du développement de nouvelles technologies pour emmagasiner de plus en plus de données dans le moins d’espace possible; des contraintes architecturales liées au poid à entreposer; comment on garde chaque original de chacune des copies que l’on fait; les problématiques entourant l’acquisition des droits d’auteurs pour l’accessibilité d’oeuvres âgées ou perdues et retrouvées; de leurs nombreuses implications dans diverses productions de renoms, et j’en passe. On mentionne aussi Universe, réalisé par Roman Kroitor et Colin Low en 1960; un film en noir et blanc qui aurait inspiré nul autre que Stanley Kubrick pour 2001: A Space Odyssey; et dont le narrateur fut sélectionné pour interpréter HAL 9000, j’ai nommé Douglas Rain. N’oublions pas que des images de Universe ont été utilisées en 2022 dans le film documentaire sur David Bowie, réalisé par Brett Morgen, Moonage Daydream.
Universe, Roman Kroitor & Colin Low, provided by the National Film Board of Canada
L’ONF a à cœur la propagation de la culture canadienne gratuite et accessible pour les habitants du Canada (un mot qui fait peur à bien des gens maintenant, y compris, malheureusement, de certaines sociétés d’État). Le travail que l’équipe fait en est un fastidieux, où l’on doit être prêt à affronter l’imprévisible. Iels sont expérimentés, habiles, intelligents; mais bien plus que des machines, ce sont aussi des humains merveilleux dont la ferveur saurait vous toucher droit au cœur vous aussi.
Je terminais l’article et m’apprêtais à vivre mon vrai épisode d’Halloween; un réel moment de frayeur en prenant conscience de toutes les fautes dans mon texte; toutes mes fautes. C’est ma responsabilité, je tiens à m’excuser de faire si peu attention parfois (pour ça et le reste aussi). J’admets ma confiance aveugle envers les Antidotes de ce monde; loin d’être des panacées à la minutie; et de ne pas donner un assez bon dernier coup d’œil. Je fais le serment que, dorénavant, je m’appliquerai davantage à transmettre avec amour, justesse et passion la culture d’ici et d’ailleurs, ainsi que mes pensées et mes sentiments.
Ma visite à l’ONF m’a fait réaliser; qu’importe si nous avançons dans les technologies, c’est malgré tout à soi-même que revient la tâche de s’améliorer, d’aller à la rencontre ou de s’informer. Nous avons tous un jardin intérieur qu’il faut apprendre à entretenir. Cet établissement, ainsi que toute l’équipe de l’Office Nationale du Film, ne témoigne pas du génie des machines, mais du nôtre; celui des humains; de notre potentiel de création, d’innovation, mais aussi, notre sensibilité. L’ONF a remporté plusieurs statuettes d’Or au fil du temps, mais ce sont ceux et celles qui y travaillent qui sont réellement en or!
Beaucoup de 50e anniversaire en vue pour eux dans les prochaines années gardez l’œil ouvert.
Allez voir le site de l’ONF, tout est là, vous n’avez qu’à tendre le doigt et cliquer ici ONF.
Je vous laisse sur LA vidéo qui m’a le plus marqué dans mon enfance; vidéo que je n’arrivais pas à retrouver, mais que j’ai pu grâce à Monsieur St-Pierre, sur ledit site. Merci encore à toute votre bande pour ce voyage au pays des merveilles.
Bruité par les Mimes Électriques, voici, Chaque enfant
Chaque enfant, Eugene Fedorenko, offert par l’Office national du film du Canada
© 2023 Le petit septième
Quel résumé touchant , empreint d’enthousiasme et remplis d’informations qui nourrit ma soif d’apprendre ! Merci 🎃🥳