« Les derniers tests montrent une perte de sensibilité significative. »
La vie toute tracée de Thelma prend un détour tragique lorsqu’un accident plonge son fils Louis, 12 ans, dans le coma. Déterminée à le réveiller par tous les moyens, elle va faire le pari fou d’accomplir une par une les « 10 choses à faire avant la fin du monde » qu’il avait inscrites dans son journal intime, pour lui montrer tout ce que la vie a de magnifique à lui offrir. Mais ce voyage dans les rêves de son adolescent l’amènera bien plus loin que ce qu’elle imaginait… jusqu’à raviver son propre goût à la vie.
Les différences entre le cinéma américain et européen sont parfois cinglantes (dans ma tête en tout cas). L’histoire de Thelma, interprétée par Alexandra Lamy, en est un bon exemple. Une femme ordinaire avec son emploi en jeu et mère d’un jeune adolescent qui représente toute sa vie; puis, un chauffard lui enlève; le petit est dans le coma. Aux États-Unis, c’est le genre de prémisse qui amène une personne à prendre les armes; s’emportant dans le désir de vengeance. On s’imagine le scénario du genre : déterminée à retrouver qui a fait ça peu importe ce qu’il en coûte; ou bien l’opération est trop dispendieuse, mais un vieux contact lui propose un contrat autant payant que dangereux (et pour rire, à la fin du film, on verrait le chauffard faire partie de la bande des mécréants et se prendre une raclée!)
La Chambre des Merveilles, réalisé par Lisa Azuelos, amène son public bien loin des clichés des poursuites en voiture et des coups de poing au visage, sans pour autant que le film ne nous épargne de ceux propres à son genre; c’est-à-dire, le drame sentimental. Les pleurs, les ralentis après avoir entendu l’accident, l’amie dont l’enfant ne survit pas, etc. Le film a son charme et amène le public à s’attacher au personnage du fils de Thelma, Louis, interprété par Hugo Questel, qui ne fait qu’accroître sa tridimensionnalité, même s’il est dans le coma et qu’on parcourt les pages de son journal (c’est tout de même ironique, je viens de dire que le meilleur personnage est dans le coma, oups, pas mon intention).
Le scénario et les motivations de Thelma restent tout de même laborieux à suivre. J’ai personnellement du mal à comprendre comment une mère se dit que si ELLE fait la liste des trucs que son fils veut faire alors que son fils est dans le coma, cela le réveillera de sa torpeur. À moins qu’on ait oublié de mentionner que le film est inspiré d’un conte Disney, les petits garçons ne reviennent pas d’un coma parce que quelqu’un d’autre fait quelque chose pendant qu’elle ou il n’est pas là. Je comprends le sentiment rattaché au processus d’acceptation qui est différent pour chaque individu, mais, malgré tout ça, l’histoire ne fait pas plus de sens (même qu’une madame dit que les enfants et leur mère partagent un lien psychique, histoire de lui garder les pieds sur terre).
Si cette année on pouvait faire la remise du prix « privilège blanc », La Chambre des Merveilles serait sûrement gagnante du trophée. Au départ, Thelma a des allures de femme forte : elle est seule, elle élève seule son enfant, etc. Cependant, on découvre vite comment elle n’est pas la personne normale que l’on croit, elle cache sous sa peau l’âme d’une Karen! Si vous croyez qu’utiliser n’importe quelle excuse pour lâcher le boulot n’est que par faute de circonstance, attendez bien de voir le reste (le lire en tout cas).
Donc, Karen (euh Thelma) devient tout autre une fois que son fils subit l’accident quasi fatal, alors qu’elle était au téléphone avec le travail pour être partie avant la fin de son shift pour aller chercher son fils (abat le patriarcat!). Rendue à l’hôpital, elle ne veut pas partir de la chambre même si c’est pour son bien, elle finit par troquer un baiser sur le front de son fils. Le comble reste à partir du moment où elle trouve le journal intime de son fils avec le chapitre « 10 choses à faire avant la fin du monde » ( rien dans cette phrase ne va ensemble). Là, elle fait un tour sur elle-même avec des sons de Woody Woodpecker (ouin, désolé les plus jeunes).
Elle se rend au Japon pour demander l’autographe du dessinateur préféré de son fils dans un voyage autour du monde au nom de la santé de son fils (et sur le bras de sa mère). Elle exige et se tape des tantrums dignes des enfants gâtés. Elle veut voir le manager et tout, hurlant avec un ton de détresse, cherchant l’empathie de ceux qui l’observent sans la trouver. Ensuite, c’est de plonger avec les baleines, — « vous avez pas votre permis, madame » —, mais vous savez bien qu’il en faut davantage pour abattre une bête pareille; elle se plaint de nouveau invoquant, implorant la sororité et le peu d’humanité restante en ce bas monde de la laisser nager avec les satanés cétacés (c’est assez).
London Grammar reprend Midnight Call avec émotion et donne une profondeur différente à la version originale par Kavinsky; mémorable chanson thème de Drive. Les lieux sont magnifiques et le montage lui-même n’est pas sans quelques bonnes impressions. Malheureusement, Thelma n’est pas un personnage attachant ou qui incite à la sympathie. Enfant au seuil de la mort ou pas, elle ne fait que chialer, se plaindre et exiger. À ce point, l’intérêt pour le film s’estompe comme la vie hors du corps du petit Louis que l’on tenterait de réanimer en sautant dessus à pied joint.
Je retourne au ridicule que d’essayer de jouer avec ma corde sensible pour justifier un personnage qui, malgré les tentatives de le rendre altruiste, fini par paraître égocentrique. Pour un film qui se veut enchanteur, La Chambre des Merveilles se termine sur une note sombre et fade. Essaye-t-on de justifier les entorses aux règlements parce que la situation en est littéralement une de vie ou de mort? Les adultes ne sont-ils pas ceux qui se doivent de montrer l’exemple aux enfants; alors en ce cas, ne serait-ce pas quelque peu maladroit de raconter une histoire centrée sur une dame qui se plaint pour obtenir ce qu’elle veut? C’est comme un « Karen’s wetdream » où elle a la raison parfaite pour faire une scène chaque fois qu’elle le peut.
À l’époque où nous sommes rendus, il serait bien avenant d’être prudent à ne pas faire l’éloge du privilège et de pointer du doigt ce qui ne nous sied pas immédiatement comme si tout existait dans le seul but de brimer notre existence ou que l’on s’en révolte. La patience est une vertu et son fruit se récolte en période difficile. En cela, je veux dire que j’ai du mal à croire que son fils ait repris conscience parce que Thelma a complété sa liste; il se serait réveillé tôt ou tard même sans qu’elle ne voyage ou foute sa vie professionnelle en l’air. S’il y a bien une leçon à tirer de tout ça, c’est que même si l’attente est par moment insupportable, mieux vaut prendre le temps de ne pas perdre la tête.
Au risque de déplaire, je me plairai quand même à vous donner un petit brin d’humour à vous mettre sous la dent, tout en illustrant ce que je ressentais durant mon visionnement et le point que j’essaie de faire passer.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième
J’ai trouvé que c’était un très bon film. J’ai également apprécié le jeu d’actrice d’Alexandra Lamy, qui retransmet beaucoup d’émotions à travers l’écran. J’avoue que je n’ai pas vraiment suivi son évolution depuis Un Gars, Une Fille, mais j’ai été agréablement surpris.