Mito Yamane (Tina Tamashiro) est une influenceuse charismatique qui jouit d’une immense popularité, et elle vit sa vie en publiant quotidiennement diverses publications sur les réseaux sociaux. Sa sœur cadette Miho (Hina Yukawa) la soutient dans les coulisses. Un jour, le responsable de l’agence d’influence à laquelle appartient Mito lui propose un projet de collaboration avec l’application “Deep Mask”. L’application est devenue très populaire et le visage de Mito s’est répandu dans le monde entier. D’un autre côté, les gens commencent à abuser du visage de Mito les uns après les autres. Mito est heureuse que même ces difficultés augmentent sa renommée. Mais…
Avec #MITO (#ミトヤマネ), Daisuke Miyazaki propose un film au rythme effréné dans lequel il questionne cette façon que nous avons de nous dévoiler au monde entier sans voir les dangers qui y sont associés.
Un réalisateur des extrêmes
#MITO est en quelque sorte une extension du précédent film du réalisateur, Videophobia. Alors que dans Videophobia le personnage voyait fuiter une vidéo de ses ébats sexuels alors qu’elle ne le voulait pas, Mito Yamane, elle, s’affiche en tant qu’influenceuse et donc, veut que son image soit partout. Même lorsque son visage est volé grâce à l’IA, elle ne s’offusque pas et dit que d’être vu de façon négative c’est quand même mieux que de ne pas être vu.
Avec #MITO, Miyazaki vise à soulever certaines questions sur un monde où l’identité et l’histoire ont disparu et dont la valeur est déterminée uniquement par le nombre de « j’aime ». Et on peut difficilement dire qu’il a tort.
Mito Yamane (Tina Tamashiro)
Il y a aussi une autre différence majeure entre ces deux films qui sont liés. Videophobia est en noir et blanc, alors que celui-ci est rempli de couleurs vives, surtout lorsque la jeune influenceuse est connectée. Sans oublier que le premier film avait un rythme lent et les sons étaient doux et calme, pendant que dans #MITO, tout va vite et le bruit est omniprésent. Juste à penser aux séquences où Yamane est en ligne. Le rose bonbon, les mots en rafale et la musique criarde qui incite les gens à acheter ou simplement à commenter, aimer et partager ne donnent aucun répit.
D’ailleurs, le réalisateur montre bien cette folie japonaise envers les idoles. Folie qui semble s’être transférée aux influenceuses. Ainsi, plusieurs séquences montrent des jeunes femmes qui hurlent et courent après Mito lorsqu’elle est dans la rue.
Un monde un peu déprimant
Derrière l’image d’une vie remplie, Miyazaki amène le spectateur à se questionner sur la valeur de ce mode de vie moderne. On ne sent pas un jugement envers les gens qui vivent ainsi, mais plutôt une sorte de désolation envers ce que ça cause à la société.
Bien sûr, chaque époque à ses insignifiances et chaque époque apporte ses nouvelles technologies qui font peur. Mais jamais les technologies ou les nouveautés n’ont eu un tel impact et surtout, jamais ça n’a offert une telle possibilité de rejoindre les masses des masses de gens.
Daisuke Miyazaki lors du Q&A après le film
Le film tente aussi de montrer la fragilité de la place des femmes au Japon. Bien que des avancées ont été faites dans les dernières années, il reste que c’est beaucoup plus difficile pour une femme de sortir du moule au Japon. Daisuke Miyazaki expliquait, après la projection du film, que les jeunes réalisatrices ont de la difficulté à poursuivre leur carrière une fois la trentaine atteinte, car les producteurs et les publicistes les traitent comme ils traitent les idoles (アイドル).
Personnellement, ce qui m’a frappé c’est à quel point cette jeune femme semble blasée. Et il semble que ce soit quelque chose qu’on voit plus avec cette jeune génération que dans n’importe quelle génération précédente. Et pas juste au Japon.
Un peu plus…
Ce long métrage a été une très belle surprise pour moi. Il y a quelques faiblesses. Le dénouement est un peu flou et les gens restent un peu mélangés. Mais sommes toutes, ce film est loin d’être le petit divertissement innocent que j’avais anticipé. Il participe à un certain débat, tout en restant un film grand public.
Donc pour quiconque à envie d’un film qui touche à un sujet très d’actualité (les influenceurs, mais aussi l’intelligence artificielle), #MITO est certainement pour vous. Et il faut s’atteler, car les premières minutes décoiffent.
#MITO est présenté au FNC les 7 et 8 octobre 2023.
