Les feuilles mortes - Une

[FNC] Les Feuilles mortes – Une si belle tristesse 

« — Tiens, mon numéro.
— Je connais pas ton nom.
— Je te le dis la prochaine fois. »

Les feuilles mortes - affiche

6 ans après son dernier long métrage L’autre côté de l’espoir (2017), Aki Kaurismäki revient avec Les Feuilles mortes. Auréolé d’un prix du jury au dernier Festival de Cannes, ce petit bijou laconique relatant la rencontre improbable de deux âmes esseulées et désabusées de la vie par hasard dans karaoké à Helsinki. 

Pour retour aussi, Aki Kaurismäki ne change pas de formule qu’il ne cesse pourtant de réinventer au fil de sa filmographie (que je vous encourage à aller voir). Une obsession du cadre, une mélancolie maladive, une rareté des dialogues à l’humour noir grinçant le tout condensé dans des histoires relatant le portrait de gens simples (et oubliés) pour qui l’amour est très souvent salvateur. 

The dead don’t die

Les feuilles mortes n’est pas un film, c’est une fresque sociale, un tableau contemporain des relations humaines. Une fresque aussi mélancolique que poétique où la brutalité de la vie ordinaire se conjugue à des répliques d’un humour aussi noir que grinçant. 

Les feuilles mortes ce sont Ansa (Alma Pöysti) et Holappa (Jussi Vatanen), ouvriers malmenés, suivant le sens du vent qui les emmènera à se rencontrer. Ansa et Holappa, traînent comme des âmes en peine d’un petit boulot à un autre ainsi que leur salaire si ridicule que les 10 euros pour la demi-heure de connexion internet paraissent être une fortune pour Ansa. Les cadres de la caméra sont toujours en train de les isoler, voire de les piéger, dans un décor dépouillé. 

Les feuilles mortes - The dead do net die
Holappa (Jussi Vatanen) et Ansa (Alma Pöysti)

Comme les petites gens, les deux protagonistes ont intériorisé leurs conditions jusqu’à refouler leurs propres sentiments et mal-être.  Ansa pensent que les porcs valent mieux que les hommes et Holappa entérine sa situation dans l’ivresse. 

In fine, ce sont des prototypes de l’absurdité de la vie actuelle, les piégeant dans un cercle vicieux souligné par l’omniprésence des informations sur la guerre en Ukraine. 

Pourtant, face à ce constat amer, Kaurismäki privilégie les ressorts comiques avec des dialogues très premier degré aussi incisifs que percutant par leur humour noir transformant certaines scènes en gags.

***Dans un bar*** 

Huotari (une connaissance) : Qu’est-ce que t’as ?
Holappa : Je suis déprimé.
Huotari : Pourquoi tu es déprimé ?
Holappa : Parce que je bois trop.
Huotari : Alors pourquoi tu bois ? 
Holappa: Parce que je suis déprimé 

***Holappa arrivant en retard à son travail*** 

Le patron : vous êtes en retard de 4 minutes, ce n’est pas la première fois!

Holappa : On est lundi! 

Le patron : D’accord vous pouvez y aller

Eternal sunshine of a shitty life 

Certes, le film évoque un contexte triste, mais réussit à faire émerger une histoire d’amour. Un amour où les gestes inhabituels se multiplient, où Holappa perd le numéro d’Ansa aussitôt donné. 

Un sentiment inhabituel qui fait réapprendre aux personnages à aimer, essayant de se frayer un chemin dans leur résignation morne comme la poignée de main qui prend le dessus sur le baiser au sortir du cinéma que Kaurismäki bourre de référence cinématographique pour le plus grand bonheur des cinéphiles lui donnant un quasi-statut de refuge. 

Une relation qui se cherche, comme l’un cherche le regard de l’autre dans des cadrages asymétriques les esseulant bien qu’il puisse les unir. Des cadrages soulignant encore que le vide sentimental à remplir et le chemin qu’ils doivent parcourir.  

Les feuilles mortes - Eternal sunshine

On assiste à une relation qui vacille face aux aléas sombres de la vie et le hasard des évènements dépouillés par la mise en scène et accentués par la rareté des dialogues. 

Des dialogues transformant l’humour noir en un humour qui devient plus cocasse et fait découvrir des personnages qui se battent pour la première fois contre cette chienne de vie.

Un film doux amer

« L’absurde, c’est la raison lucide qui constate ses limites » 

Albert Camus

Si pour Camus, la vie n’a de sens que si nous acceptons son absurdité, Kaurismäki donne sens à la vie de ses personnages en insufflant l’amour.

Les feuilles mortes n’est pas un film, c’est une fresque sociale d’une telle justesse qu’elle n’a besoin que de 81 minutes pour offrir une toile à la fois sombre dans sa condition, mais tendre dans ses ambitions. 

En somme la vie était et sera toujours faite de paradoxe, comme ces feuilles décrites comme mortes, mais qui garde des nuances de vert dans leurs pigments. 

Les feuilles mortes est présenté au FNC les 6 et 14 octobre 2023.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Fallen leaves
Durée
81 minutes
Année
2023
Pays
Finlande
Réalisateur
Aki Kaurismäki
Scénario
Aki Kaurismäki
Note
8 /10

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Fiche technique

Titre original
Fallen leaves
Durée
81 minutes
Année
2023
Pays
Finlande
Réalisateur
Aki Kaurismäki
Scénario
Aki Kaurismäki
Note
8 /10

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