On termine notre couverture du TIFF aujourd’hui.
Le dernier film du maître de l’animation japonaise Hayao Miyazaki, co-fondateur du célèbre studio Ghibli en 1985, a fait l’ouverture du TIFF en première internationale dans une salle survoltée.
Après la disparition de sa mère dans un incendie, Mahito, un jeune garçon de 11 ans, doit quitter Tokyo pour partir vivre à la campagne dans le village où elle a grandi. Il s’installe avec son père dans un vieux manoir situé sur un immense domaine où il rencontre un héron cendré qui devient petit à petit son guide et l’aide au fil de ses découvertes et questionnements à comprendre le monde qui l’entoure.
D’entrée de jeu, Miyazaki place le niveau là où on le connait avec ses chefs-d’œuvre Princesse Mononoké (1997) et Le Voyage de Chihiro (2001). Son style si reconnaissable, avec sa qualité du détail, ses paysages et ses couleurs, jongle entre l’innocence de ses jeunes personnages habités par de bonnes intentions morales et des aventures rompant avec le quotidien pour s’en aller dans le surnaturel. À 82 ans, Le Garçon et le Héron est probablement le chant du cygne de Miyazaki. L’ouverture du film dans les flammes et sirènes de la seconde guerre mondiale au Japon transporte immédiatement le spectateur dans un univers terrifiant et réaliste, avant que le fantastique ne frappe à la porte comme dans tous ses films. Ici, ce sera un curieux personnage, un petit homme qui prend la forme d’un héron parlant qui poursuit voire harcèle le jeune Mahito. Le héron le conduit à une mystérieuse tour, prétendant que sa mère est vivante et l’invite à y entrer pour la sauver. Mahito hésite, mais entre et se retrouve alors dans un monde rempli de magie.
Sur les terres du Roi et l’Oiseau de Paul Grimault (France, 1980), Miyazaki invente des mondes imaginaires surréalistes qui s’enchevêtrent, peuplés de personnages et d’animaux singuliers, parfois angoissants, parfois drôles, et où le temps se dilue et se compresse. C’est là que Miyazaki nous perd cependant, dans un scénario de plus en plus confus où la quête du jeune héros devient de moins en moins claire, où l’empathie qu’on lui connait habituellement pour ses personnages tombe dans un exercice de style un peu surfait. Le Garçon et le Héron n’est sans doute pas le meilleur Miyazaki, néanmoins c’est un film d’auteur assumé : un film d’un vieux maître qui convie sans doute pour la dernière fois sur l’écran d’images animées un délire visuel sous LSD en y conviant à la fois la mort et le rire. Ce n’est pas rien.
Titre original : 君たちはどう生きるか
Durée : 124 minutes
Année : 2023
Pays : Japon
Réalisateur : Hayao Miyazaki
Scénario : Hayao Miyazaki
Note : 7 /10
Bande-annonce
Seagrass qui a fait sa première mondiale au TIFF a été récompensé du Prix Fipresci, décerné par un jury de critiques de cinéma internationaux. Ce fut l’un de mes films préférés cette année au TIFF.
Au milieu des années 1990, une Canadienne-Japonaise aux prises avec le décès récent de sa mère amène sa famille dans une retraite de thérapie de couple. Les enfants peuvent explorer la magnifique côte du Pacifique en Colombie-Britannique pendant qu’elle et son mari peuvent travailler sur leurs problèmes. Mais là-bas, la relation entre les parents va se détériorer et affecter alors la sécurité affective de leurs deux filles.
Le premier long métrage de la Canadienne Meredith Hama-Brown scrute une famille au bord de l’implosion, auscultant la relation vide et dépassionnée des parents cherchant à renouer avec l’amour sur un champ de ruines, quand leurs deux filles, fusionnelles, tentent d’échapper à l’emprise familiale malade. Seagrass surprend par sa grâce, son écriture et sa mise en scène analytique, très européenne, voire antonionienne, combinant le désert d’une relation sentimentale qu’une thérapie bien sûr n’aidera pas à reconstruire, et l’innocence et l’énergie positive des deux sœurs dans l’élan de leur vie pleine de découvertes et d’émotions.
La qualité de la photographie de Norm Li, récompensé en 2020 au Canadian Screen Awards, filme posément dans son intimité, parfois en plan-séquence, cette famille déconnectée et crée un troisième personnage, en caméra subjective, qui rôde, comme dans les films fantastiques ou d’horreur, cherchant à dévorer et avaler le mal rongeant cette famille des plus ordinaires. Seagrass est un film indépendant aussi somptueux que déconcertant et on attend avec impatience la prochaine œuvre de cette nouvelle voix canadienne prometteuse.
Titre original : Seagrass
Durée : 115 minutes
Année : 2023
Pays : Canada
Réalisation : Meredith Hama-Brown
Scénario : Meredith Hama-Brown
Note : 8,5 /10
Bande-annonce
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