10 ans! Ça pris 10 ans à Noel Mitrani (le réalisateur) pour faire Emma sou influence, le film qui, lui-même, décrit comme « en partie autobiographique, son œuvre la plus personnelle, sa psychanalyse, sa vie intérieure ». 10 ans au cours desquels le film suivit une longue gestation. Entre recherche de simplicité et de cohérence, indépendance affirmée de la part de son créateur, et financement qui s’est buté (en partie) au refus des institutions, le film put enfin voir le jour.

Le film relate l’histoire d’Emma (Natacha Mitrani), 14 ans, qui souffre de la mort de son père qu’elle aimait profondément. Elle subit l’influence toxique de sa nouvelle amie Odile (Abby Buist), qui tente de la convaincre que sa mère (Émilie Massé) a tué son père pour vivre avec son nouveau compagnon.

Le long métrage, de par ses intentions, se veut être fresque sur l’adolescence, la perte de repère et le deuil. Reflétant ainsi une galerie de personnages, aux profils très différents, Emma essaye de trouver un sens à sa vie d’adolescente, de combler le vide intérieur que son défunt père a laissé. 

Emma sous influence de sa figure paternelle

Tantôt triste, tantôt hésitante et pas particulièrement heureuse, Emma navigue comme une âme en peine, sans son papa chéri, dans son microcosme familial qui s’est reconstitué sans savoir où se placer, quitte à punir sa mère en ne lui parlant plus et quitte à se réfugier dans une amitié malsaine.

Emma se retrouve donc au centre d’une toile social, où chaque lien social influence un autre par effet domino. Le plus important est celui avec Odile, cause et conséquentes des échanges et faisant avancer l’intrigue. Amitié toxique et nébuleuses, ayant des répercussions sur la relation d’Emma avec sa mère déjà très fragile. 

D’un certain point de vue, c’est intéressant surtout que cette construction est bâtie autour d’une adolescente en pleine crise existentielle, idéalisant son père quitte à considérer toux ceux qui le critique comme des ennemies. Les personnages gravitant autour de la jeune fille ne sont pas en train de faire évoluer la vision d’Emma (sur son père, sur son beau-père, sur elle-même entre autres), ils sont en train d’imposer leur vision à Emma. Un film voulant aussi décortiquer la relation mère-fille, la perception d’une famille reconstituée via le prisme de l’enfant, comment rebâtir un lien affectif avec tous membre de la famille, simplement comment apprendre à chérir un passé pour mieux appréhender le présent. 

Les limites de l’influence

Alors oui, les intentions sont nobles et le film a des allures de quête introspective, mais les allures ne suffisent pas à donner aux thématiques abordées leur plénitude pour rendre le tout intelligible. À force de vouloir faire cohabiter plusieurs notions entre elles, celles-ci s’autodétruisent donnant un résultat brouillon. 

Le film tourne autour de cette amitié toxique qui sert de palliatif pour combler le vide chez Emma, mais pourquoi est-elle toxique déjà, qu’est-ce qui la rend toxique? Qu’est-ce qui relie Emma et Odile? Au lieu d’essayer de comprendre sur quoi se base cette amitié et pourquoi pas la déconstruire, le film la met comme simple moteur (et champs contre champs) pour faire avancer l’intrigue quand celle-ci commence enfin à avoir de l’épaisseur et une mise scène un peu bancale. 

En outre, je comprends que Mitrani a voulu asseoir une ambiance émouvante, via des plans au plus près des personnages, de longues séquences alternantes entre échanges et silence. Mais les dialogues sont beaucoup trop simplistes, on assiste à un échange basique de dialogue ne donnant ni de sens, ni de crédit aux personnages. Personnages qui auraient mérité un meilleur traitement pour qu’on s’y attache ou qu’on puisse comprendre leur motivation. Pourquoi amener Quentin pour le faire partir aussitôt? Pourquoi la mère d’Emma ne veut pas comprendre la vision de sa fille et se braque? Depuis quand Emma ne parle plus à sa mère? 

Toutes ces faiblesses font que le tout a du mal à prendre. La diégèse tend vers un film mi-contemplatif mi-explicatif qui laisse la perplexité prendre le dessus sur l’attachement ou l’empathie et empêche quelque peu d’embarquer complètement dans l’histoire.