« What Happens after 90 seconds? »
[Qu’est-ce qui arrive après 90 secondes?]

Lorsqu’un groupe d’amis découvre comment conjurer les esprits à l’aide d’une mystérieuse main hantée, ils deviennent accros à ce nouveau frisson, et l’expérience fait le tour des réseaux sociaux. Une seule règle à respecter : ils ne doivent pas tenir la main plus de 90 secondes. Lorsque l’un d’entre eux l’enfreint, ils vont être rattrapés par les esprits, les obligeant à choisir : à qui se fier, aux morts ou aux vivants?

Précédant de peu sa sortie en salles le vendredi 28 juillet dernier, les deux réalisateurs australiens, en l’occurrence les frères Michael et Danny Philippou, ont fait escale à Montréal pour présenter, en avant-première canadienne, leur film au sein du légendaire public du festival Fantasia. Cette expérience s’est révélée à la hauteur des espérances, et ma confiance en les productions A24 (un gage de qualité) reste intacte.

La bande-annonce semblait augurer un récit redondant, évoquant une éventuelle trame de possession à la manière d’Evil Dead, voire un récit plus soporifique à la façon de The possessed. Cependant, le film se situe bien au-delà de ces prémisses attendues. Talk to Me, c’est un film qui s’appuie sur la fascination contemporaine pour la communication avec les esprits à travers l’utilisation d’un artefact surnaturel en forme de main humaine qui se distingue par sa capacité à évoquer une réalité tangible et saisissante. Les réalisateurs, les frères Danny et Michael Philippou, reconnus pour leur travail sur YouTube dans le domaine de l’horreur, réussissent à échapper aux artifices couramment employés dans le cinéma d’épouvante américain, préférant une approche plus viscérale et authentique.

C’était pas mal le pied!

Le film réussit à capturer une certaine authenticité, un réalisme cru, en mettant en scène des jeunes adultes qui ont grandi en symbiose avec les réseaux sociaux actuels. Pour eux, la possibilité de communiquer avec les morts à travers cette main mystérieuse s’apparente à un défi comparable à une tendance TikTok ou à une échappatoire à leur routine plutôt terne et sans saveurs. Cette immersion dans l’environnement et les préoccupations existentielles des personnages se réalise sans l’usage excessif d’artifices typiques du genre (jumpscare, musique stridente), ce qui renforce l’immersion et la crédibilité du récit.

Le film s’articule autour des expériences liées à cette main surnaturelle. Les réalisateurs alternent habilement entre le point de vue de celui qui vit l’expérience et celui de l’observateur, créant des perspectives nouvelles et en constante évolution. Le malaise grandit en tandem avec l’insouciance des personnages, qui se retrouvent confrontés à des dangers défiant les limites de l’exploration humaine, ce qui inévitablement conduit à une tragédie.

La première demi-heure du film se démarque comme l’un des sommets du cinéma d’horreur de cette année. Les manifestations surnaturelles sont présentées de manière saisissante, souvent violente, et sans rentrer dans les clichés. Chaque séquence surprend par son caractère imprévisible. Cependant, à mesure que l’histoire progresse, le film se détourne de l’aspect novateur des interactions avec la main pour se concentrer sur des thèmes plus conventionnels de deuil et de résolution de conflits intérieurs.

Bien que le film continue à exceller dans la caractérisation des personnages et la réalisation soignée, il perd en surprise au fur et à mesure qu’il évolue vers une trame plus psychologique. Les spectateurs familiers avec le genre pourraient trouver la direction de l’intrigue prévisible et sa symbolique moins subtile. Malgré ces réserves, Talk to Me reste une bonne proposition, offrant une rare combinaison de qualités cinématographiques et une immersion convaincante dans un univers oscillant entre la vie et la mort. Bien qu’il ne puisse prétendre au statut de chef-d’œuvre absolu, il réussit tout de même à captiver et à divertir avec son approche réaliste.

En ce moment dans les salles de cinéma québécoises.

Talk to me était présenté à Fantasia, le 23 juillet 2023.

Bande-annonce