« Why can’t you just choose me? »
[Pourquoi ne peux-tu pas me choisir moi?]

Après six ans passés dans la nature sauvage du Yukon avec ses grands-parents, Cea Sunrise Person, quatorze ans (Amanda Fix), retrouve sa mère, Michelle (Sarah Gadon), à North Bay. Ce n’est pas seulement la première fois que Cea vit dans une ville, mais la première fois qu’elle vit seule avec sa mère, sans qu’aucun terrible petit ami ne l’en empêche. C’est ce que Cea a toujours voulu. Mais quand Michelle commence à sortir avec son patron marié, Cea se rend compte que même si l’environnement est différent, peu de choses ont changé. Alors, lorsqu’elle apprend l’existence d’un concours de mannequinat, qui enverrait la gagnante à Paris avec des promesses de carrière glamour, elle décide de passer une audition. Michelle est dédaigneuse; le mannequinat représente tout ce que leur famille de la contre-culture déteste dans la société moderne. Mais Cea y voit une bouée de sauvetage; une opportunité de subvenir aux besoins de sa mère, afin qu’elle n’ait plus besoin de fier à des hommes peu fiables.

Basé sur les mémoires de Cea Sunrise Person, North of Normal, de Carly Stone, suit l’enfance non conventionnelle de Cea Sunrise Person dans la nature, sa relation compliquée avec sa mère adolescente perpétuelle, fumeuse de pot, et son incroyable chemin vers une version de la normalité.

Quand la fille est plus responsable que sa mère

North of Normal présente deux personnages féminins forts,  exprimés de manière totalement différente, infiniment entrelacés l’un avec l’autre, définis à jamais l’un par l’autre, qui forcent la réflexion sur les enjeux d’éducation, de liberté et de responsabilité.

Le film de Carly Stone ramène la fameuse dichotomie entre l’enfant qui doit être responsable et mature pour compenser le comportement irresponsable et immature du parent. On voit souvent ce comportement de « mauvais parent » donné à un homme. Mais ici, on le place sur une femme qui a eu un enfant beaucoup trop jeune – pour ne pas dire qu’elle n’aurait peut-être pas dû en avoir du tout.

Les premières images du film laissent croire qu’on s’attardera plutôt sur le père de Michelle qui décide de s’exiler au Yukon avec sa famille après avoir appris que son adolescente est enceinte. Mais rapidement, l’attention se tourne sur Michelle et son attitude d’éternelle adolescente alors qu’elle devrait être en charge d’élever sa fille.

La relation mère-fille est traité, ici, du point de vue de l’abandon et de la recherche constante du rôle de mère que cela crée chez l’enfant. Cea a beau savoir que sa mère ne cesse de l’abandonner au profit d’une séquence interminable d’homme, elle continue de l’aimer et de chercher à avoir sa parcelle d’amour parentale qui lui est due. Le long métrage montre aussi qu’au-delà de la pureté et du bien que procure cette idée de partir vivre dans la nature, ce n’est pas une solution qui puisse régler le manque de jugement.

Mouvements

Toute cette famille, mais particulièrement Michelle et Cea, vie dans un grand chaos. Il n’y a pas de règles clairement définies si importantes pour un enfant, il n’y a pas de modèle représentant la responsabilité dans la vie de la fillette et il n’y a que très peu d’espoir d’un futur radieux pour Cea.

Pour montrer tout ce chaos, le film est principalement tourné avec une caméra en mouvement constant, probablement à l’épaule. Rare sont les moments où la camera se calme, sauf à deux ou 3 reprises, alors que Cea se retrouve dans un temps de calme mental, par exemple lorsqu’elle relaxe avec une amie. Même la scène dans laquelle l’adolescente entre à l’école secondaire de Thunder Bay est tournée avec une caméra instable. Et pour cause, puisque rapidement Cea se fait expulser, elle qui n’a jamais vraiment appris à composer avec la présence parfois agressante des autres élèves, puisqu’elle n’a jamais été à l’école.

Un peu plus…

Le côté visuel du film est complété par une image très brute, naturelle, qui montre comment la vie de cette jeune femme est terne. Son seul rêve est de pouvoir découvrir Paris seule avec sa mère le temps d’un petit voyage. On pourrait surtout dire que son unique rêve est d’être, pour une seule fois, la priorité de sa mère.

North of Normal est un film très réaliste, pas très joyeux, mais bien écrit et bien dirigé. Bien que peu de spectateurs risquent de se retrouver dans les personnages, on se laisse facilement embarquer dans les émotions de Cea. Et pour un parent qui, comme moi, se questionne tout le temps à savoir s’il est un bon parent, ce film donnera de l’espoir. Celui de croire qu’au fond, il y aura toujours de pires parents. 😉

Voici donc un film canadien qui prouve qu’il se fait du très bon cinéma anglophone dans ce grand pays.

Bande-annonce