« Sometimes the worst is exactly what you should assume »
[Parfois, le pire est exactement ce que tu dois supposer.]
La soirée fut tout simplement inoubliable! Dans l’auditorium de l’Université Concordia, l’excitation était à son apogée pour cette première mondiale, car chacun attendait avec impatience la projection du film Sympathy For The Devil, réalisé par Yuval Adler (Bethléem, 2013). Malgré la déception engendrée par l’absence de la star hollywoodienne Nicolas Cage, dont la présence avait été annulée quelques semaines auparavant, l’atmosphère restait véritablement électrique.
Le réalisateur en personne, accompagné de son producteur, prit la parole pour présenter son œuvre. Tous les yeux étaient fixés sur l’écran, brillants de curiosité et d’anticipation envers ce thriller prometteur. Dans cette ambiance enflammée, les miaulements d’excitation résonnaient dans l’auditorium. Enfin, le film tant attendu a débuté, emmenant les spectateurs dans un monde captivant de suspense et de mystère.
Dans Sympathy For The Devil, nous sommes conviés à suivre l’éprouvant périple de David, brillamment interprété par Joel Kinnaman, un homme déjà tourmenté par l’angoisse alors qu’il se hâte vers l’hôpital où sa femme est sur le point d’accoucher. La douleur de la perte d’un enfant lors d’un accouchement précédent ajoute une pointe d’angoisse supplémentaire à cette situation déjà éprouvante. Toutefois, cette nuit va prendre une tournure cauchemardesque lorsque, arrivé au parking des urgences, un mystérieux inconnu (Nicolas Cage) surgit de l’ombre pour monter à l’arrière de sa voiture, braquant un pistolet sur David et le forçant ainsi à prendre le volant. Cet énigmatique étranger, ne révélant jamais son nom, énonce à David qu’il doit le conduire en un lieu secret et que, en se soumettant à toutes ses exigences, il parviendra peut-être à lui préserver sa vie.
Dès que cet intrus monte à bord du véhicule de David, nous sommes frappés par son aura très troublante. Paré de cheveux teints en rouge et arborant un manteau de sport écarlate, Nicolas Cage incarne presque une figure démoniaque. Il se délecte manifestement à tourmenter David, dont les faibles tentatives de protestation se révèlent vaines. À mesure que l’intrigue se dévoile, nous découvrons que cet homme armé n’a pas choisi David au hasard, et une grande part du suspense réside dans la révélation des motifs précis qui le poussent à désirer ardemment que David le conduise. Joel Kinnaman, quant à lui, offre une interprétation impeccable du personnage de David, un homme affaibli et harcelé, désespéré de trouver un moyen de raisonner avec un criminel qui se moque cruellement de ses tentatives pour susciter de la compassion. (Lors d’un des nombreux monologues enflammés de Cage, l’étranger raille David pour sa naïveté en pensant que parler avec compassion de sa famille aurait le moindre impact sur quelqu’un comme lui).
Le réalisateur Yuval Adler, qui signe ici son quatrième long-métrage, démontre une brillante maîtrise de l’intrigue qui maintient le spectateur en haleine tout au long du récit. Inspiré en partie par le film Collateral, le scénario de Sympathy For The Devil demeure néanmoins relativement linéaire, laissant peu de place aux surprises pour les spectateurs aguerris qui auront sans doute anticipé le dénouement bien avant son avènement.
Cependant, il est important de souligner le talent du directeur de la photographie, Steven Holleran, qui parvient avec brio à capturer l’éclat des néons de Las Vegas avant de nous emmener rapidement dans les environs désertiques, où les stations-service solitaires et les diners miteux ponctuent un paysage presque fantomatique. Ces choix visuels confèrent une dimension particulière à ce récit aux ficelles habiles, qui saura enchanter les amateurs du genre. La scène du diner, en particulier, se démarque par son intensité et son impact émotionnel.
Nicolas Cage, avec tout son génie artistique et son exubérance, livre une performance qui transcende les conventions, élevant ainsi le film à un niveau supérieur et insufflant une intensité remarquable à l’intrigue. Les fervents admirateurs de Cage apprécieront fort probablement ces moments où il se laisse aller. Son interprétation magistrale confère une profondeur unique au personnage qu’il incarne, créant ainsi une expérience cinématographique empreinte d’originalité et de subtilité. La conviction ardente du personnage, sa certitude que son destin est étroitement lié à celui de David, ajoute une tension permanente au récit. L’angoisse qui en découle s’insinue dans chaque scène, créant une atmosphère chargée d’émotions fortes et de suspens. Le spectateur se trouve ainsi plongé dans une expérience cinématographique captivante et immersive, incapable de détourner le regard des événements qui se déroulent à l’écran.
Un élément essentiel de cette dynamique réside dans l’interprétation magistrale de Joel Kinnaman, déjà collaborateur d’Adler sur The Secrets We Keep en 2020. Kinnaman parvient sans effort à susciter de l’empathie pour cet homme piégé dans des circonstances terrifiantes. Les tentatives de David pour tromper cet individu dérangé conduisent à des séquences d’action modestement efficaces, malgré un budget limité. Cependant, que ce soit le mystère entourant les raisons qui ont poussé cet inconnu à enlever David, ou la résolution finale de leur confrontation, Sympathy For The Devil évolue sur un terrain narratif familier, avec un rebondissement tardif qui n’est pas particulièrement surprenant.
Le film Sympathy For The Devil s’ancre dans un registre réaliste et grunge, conférant à la prise en otage des événements une dimension à la fois distrayante et captivante, qui fait évoluer le scénario de Luke Paradise vers une aventure débridée. Toutefois, il est impossible de passer sous silence la remarquable maîtrise des méthodes théâtrales de Nicolas Cage, qui se révèlent saisissantes et apportent un commentaire subtil sur la conventionnalité de l’histoire, tout en façonnant simultanément un personnage terrifiant. La conviction inébranlable de cet étrange personnage, intimement liée au destin de David, insuffle au film un constant courant d’angoisse.
Prévu pour une sortie le 28 juillet prochain dans nos salles de cinéma, Sympathy For The Devil brille indéniablement grâce à des performances d’acteur exceptionnelles qui insufflent une profondeur unique à l’histoire. Toutefois, malgré ces atouts indéniables, le scénario demeure regrettablement linéaire et prévisible, ce qui amoindrit considérablement sa capacité à surprendre le public. En conséquence, les spectateurs avides d’une intrigue plus complexe et surprenante pourraient être déçus par le manque d’innovation du récit.
Nicolas Cage est un nom qui résonne toujours aujourd’hui comme l’un des acteurs les plus fascinants d’Hollywood. Dans les années 1990, il enchaîne les rôles sous la direction de réalisateurs prestigieux tels que David Lynch, les frères Coen, John Woo, Brian De Palma et Martin Scorsese, pour ne citer qu’eux. Ces collaborations ont donné naissance à des films à succès tels que City of Angels (La Cité des anges) et Con Air (Air bagnards), qui ont marqué le box-office américain.
Cependant, certaines décisions financières peu avisées de la part du comédien ont également eu un impact sur sa carrière. Malgré ses revenus considérables, l’acteur a dépensé sans compter et accumulé des dettes monumentales. Cette spirale descendante l’a finalement conduit à tourner dans des films de moindre envergure, qualifiés de « direct-to-video ». Malheureusement, ces productions n’ont pas réussi à captiver le public (comme Tokarev en 2014, Trespass en 2011 et Bangkok Dangerous en 2008). Cela a entraîné Nicolas Cage dans une certaine marginalisation, et il est devenu rapidement un mème sur internet, suscitant à la fois des moqueries et une forme de fascination.
Pourtant, l’espoir d’une renaissance dans le monde du cinéma demeure pour Nicolas Cage. Récemment, il a su se démarquer avec des films tels que Mandy de Panos Cosmatos (2018), Color out of space de Richard Stanley (2019), Pig de Michael Sarnoski (2021) et Prisoners of the Ghostland de Sono Sion (2021). Ces collaborations ont révélé que l’acteur n’a rien perdu de son intensité dramatique et de son sens du spectacle.
Sympathy for the Devil est présenté à Fantasia le 22 juillet 2023.
Bande-annonce
© 2023 Le petit septième