« Toscanini disait : “Moi, je ne fais rien qui ne soit pas dans ma partition. “Ce à quoi Mahler répondait : “Dans la partition, il y a tout sauf l’essentiel. ” »

Zahia Ziouani (Oulaya Amamra) et sa sœur Fettouma (Lina El Arabi, qu’on a déjà pu voir au violon dans la série Philharmonia) sont deux adolescentes à leur dernière année en musique classique. Elles rêvent d’en faire leur métier, mais Zahia à de plus grandes aspirations; elle souhaite devenir cheffe de son propre orchestre. Malheureusement, le conservatoire n’est pas autant enclin à les laisser faire leur place aussi facilement. Dans un univers où le statut social et la renommée dictent qu’est-ce que le succès et l’échec, elles seront confrontées à la froide réalité entourant le monde de la musique. Grâce à la découverte de mentors généreux et à force de détermination, elles réussiront à créer leur propre orchestre, Divertimento, qui ignore les contraintes établies par le patriarcat dominant et rébarbatif.

L’œuvre réalisée par Marie-Castille Mention-Schaar (Les héritiers et Le ciel attendra) est inspirée d’une histoire vraie.

Maestro?

Divertimento ouvre sur une jeune enfant qui, le soir, sort de l’ombre de sa chambre guidée par des sons jamais entendus; les harmonies du Bolero de Ravel. Son père (Zinedine Soualem) l’invite doucement à venir écouter la diffusion. C’est le coup de foudre entre la bambine et le rôle de chef d’orchestre. Jusqu’ici tout va bien. L’introduction est presque émouvante et présage d’une œuvre musicalement riche.

Hélas, la musique de l’Acte I de Roméo et Juliette, Dance of the Knight, est incessante. Certes, elle sert à illustrer les diverses angoisses qui habitent la protagoniste. Tout comme Roméo qui s’invite au Bal masqué des Capulets, Zahia se sent dans un milieu qui ne veut pas d’elle suite à la révélation de son grand rêve d’être cheffe d’orchestre. La pièce musicale reste malgré tout d’un certain cliché et n’offre pas une dimension nouvelle. L’utilisation du morceau porte d’autant plus à la confusion puisque Zahia n’est pas celle qui tombe amoureuse. C’est plutôt Fettouma qui succombe à l’amour.

Agitato

La rivalité étudiante, la lutte des classes, le rôle des femmes dans la société, les parents en prison, l’âgisme, l’importance de l’assiduité, suivre ses rêves, la musique comme langage et l’importance systématique de nous rappeler qu’être chef d’orchestre ce n’est pas un métier de femme. À un moment, le mentor de Zahia (Niels Arestrup, loin d’être sur le pilote automatique) dit qu’aucune femme n’a le talent pour l’être, des imitatrices de leur maître, tout au plus, et rien ne vient ébranler cette position (on acquiesce même). L’approche manque de tact et fait sourciller plus d’une fois. Les protagonistes finissent par ressortir irritables plutôt que déterminées.

Le récit est déchiré et tient en place avec des morceaux trop petits. Dans son tout, l’œuvre semble belle et inspirante, mais c’est lorsque l’on porte une attention aux détails qu’il en ressort un aspect de courtepointe. Les thématiques sont nombreuses et abordées en peu de temps. On sent constamment qu’il manque à la fois de magie et de concret à cette intériorité créatrice, une énergie qui n’arrive pas à s’exprimer avec quelques scènes de « Air-Toscanini » sur un fond brumeux. Le flou est beaucoup utilisé au niveau visuel, démontrant la volonté de nous faire écouter le film les yeux fermés en profitant des mélodies des instruments, des voix et de la nature. Un exercice que je me gardai d’entreprendre à trop craindre l’impression d’écouter une chaîne radio qui n’a que trois chansons.

Lamento

C’est sur une note un peu basse que je laissais les sons de l’orchestre faire défiler une ribambelle de personnages inconnus (ou presque) au générique. J’avais effectivement l’impression de voir la finale d’une mini-série haute en couleurs et en émotions; série que j’aurais appréciée voir, mais ce ne fut pas le cas ici.

Honnêtement, le film a un bon départ, puis progressivement s’éloigne de sa marque jusqu’à complètement la rater. Les idées se perdent; surgissent de nulle part les embûches; vont et viennent des personnages secondaires tellement absents qu’une fois sur deux on se demande : « qui? », « pourquoi? », « quand? » ou « comment? ».

Ironique tout de même que le film veuille nous faire voir la possibilité de sortir des cadres et des opinons préconçus pour mener à bien ses ambitions, encore faut-il connaitre ses bases si on veut savoir quoi dépasser. Dommage, car je vois facilement comment une courte série (si on veut parler de tout le monde) ou un documentaire (tant qu’à terminer sur une autre lecture) auraient été de biens meilleurs formats et nous donner davantage envie de découvrir Divertimento. Un objectif qu’à mon avis le film exécute en decrescendo.

Bande-annonce