A bunch of amateurs 3

A Bunch of Amateurs – Si la cinéphilie est morte, alors le cinéma aussi

« — You’re not a professional.
— Neither are you! »
[ Tu n’es pas un professionnel!
— Et toi non plus!]

A bunch of amateurs - affiche

Une bande de cinéastes britanniques amateurs issus de la classe ouvrière et n’ayant plus rien à perdre s’attaque à l’une des plus grandes comédies musicales d’Hollywood afin de sauver leur cinéclub bien-aimé. Le plus ancien club de cinéastes amateurs de Grande-Bretagne lutte pour sa survie, tandis que ses membres vieillissent au milieu de souvenirs vacillants et d’épreuves. Dans la ville industrielle de Bradford, au nord de l’Angleterre, une poignée d’irréductibles cinéastes amateurs s’accrochent désespérément à leurs rêves, et les uns aux autres, dans ce regard chaleureux et drôle sur la folie artistique partagée qui s’adresse au rêveur délirant qui sommeille en chacun de nous.

De lumière et de nitrate

Tout cinéphile, même s’il ou elle ne sait pas nécessairement mettre les mots dessus, reconnaît les différents paradoxes inhérents à l’expérience de visionnement de films en salles, de cinéma ou de ciné club. Nous nous déplaçons, parfois sur une distance relativement grande, parfois accompagnés, nous payons pour aller nous asseoir dans une grande salle (climatisée, si on est chanceux; les protagonistes de ce film n’ont pas ce luxe). La quantité de spectateurs présents amène souvent aussi avec elle une certaine excitation; dans une salle de cinéma, peu importe nos valeurs, croyances ou vies, nous bifurquons tous vers le même endroit pour quelques heures et pour les mêmes raisons, et cela nous ravit, plus souvent qu’autrement inconsciemment. 

A bunch of amateurs - de lumière et de nitrate
Projection du ciné club

Cependant, une fois les rideaux ouverts et les lumières fermées, l’excitation se dissipe pour laisser place à l’évasion, le temps de quelques heures. Et à partir de maintenant, nous ne pensons plus au fait que le visionnement d’un film en soi, même s’il se fait souvent de manière collective, est une activité essentiellement solitaire. Nous réfléchissons durant le film, nous nous laissons montrer nos émotions, nous sourions, nous pleurons subtilement. Puis, les lumières se rallument. Les spectateurs se regardent, sortent en silence, puis nous entendons, dans les escaliers roulants; « Pis, t’as-tu aimé ça? » 

Un village d’irréductibles Britanniques

Depuis 1932, dans la petite ville de Bradford, au Royaume-Uni, se réunissent tous les lundis  une bande de cinéphiles et cinéastes (très) amateurs pour échanger sur le cinéma dans un petit immeuble décrépit hébergeant le BCC (Bradford Cinema Club), un des plus vieux cinéclubs toujours actifs (information à vérifier, mais que les protagonistes excités du film répètent tous plusieurs fois durant le film, non pas sans une certaine fierté). Là, les partisans, la grande majorité âgés de plus de 60 ans, regardent les comédies musicales de leur jeunesse, rient, échangent. Ces derniers ne sont pas étrangers au processus de création d’un film; ils en font eux-mêmes, avec les moyens du bord. Des caméras VHS, du son en prise direct, des costumes sortis tout droit de la friperie… 

A Bunch of amateurs - Un village

Ce qui saute d’abords aux yeux, c’est de voir des humains qui, presque 125 après les premiers films des frères Lumière, s’émerveillent toujours autant devant des images en mouvement, et particulièrement lorsqu’il s’agit des leurs. En cette époque d’artifices, de multivers et d’écrans verts, ce village d’irréductibles Britanniques n’a d’yeux que pour leur dernier film, tantôt un court métrage où un dandy anachronique se sauvant de la mort (un acteur avec une faux en plastique et un revêtement noir presque transparent), un autre moment un remake de grands classiques hollywoodiens tels que Ohklahoma!. Ces amateurs ne sont cependant pas les plus assidus dans la production de leurs films; il leur arrive souvent d’en tourner plusieurs en même temps et de n’en finir aucun. Cela leur importe peu; ici, c’est le procédé qui importe, c’est de tourner, sans connaissance réelle de la manière de tourner un film (au sens professionnel du terme). C’est de regarder des rushs, bien entourés. C’est les compromis que nous devons faire, les chicanes auxquelles nous nous adonnons inévitablement dans notre folie créatrice pour ne pas « dénaturer notre bébé ». Ça aussi, c’est l’expérience collective du cinéma.

L’union fait la force

A bunch of amateurs - Union fait la force

La grande force du film, c’est le pari que fait la réalisatrice de faire confiance à ses intervenants. Cette dernière a accès à une mine d’or en matière de personnalités fortes, et elle le sait. La caméra sait à la fois s’invisibiliser tout en se trouvant toujours au centre de l’action, des rires, des embrouilles, des pleurs. Il est évident que Hopkins connaît très bien, et personnellement, ses sujets et que ces derniers lui font très confiance. Cela nous permet d’avoir accès à des moments beaucoup plus intimes, et alors que la première partie du film se contente de nous montrer à quel point ces joyeux lurons sont amusants et inspirants, la deuxième partie n’hésite pas à visiter des sujets beaucoup plus sérieux et sombres tels que la mort, la vieillesse et la perte alors que le cinéclub risque de fermer définitivement, ses membres se faisant trop vieux ou pauvres pour l’entretenir de manière viable.

En outre, bien que le traitement soit somme toute assez conventionnel, c’est dans ce cas-ci ce qui fait la force du film. A Bunch of Amateurs nous montre à travers une suite de portraits naturalistes que nous ne sommes jamais très loin de Michael Bay en terme de folie créatrice, et qu’il est bon de se souvenir des raisons pour lesquelles le cinéma nous excite toujours autant.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
A Bunch of Amateurs
Durée
94 minutes
Année
2022
Pays
Royaume-Uni
Réalisateur
Kim Hopkins
Scénario
Kim Hopkins
Note
7 /10

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Fiche technique

Titre original
A Bunch of Amateurs
Durée
94 minutes
Année
2022
Pays
Royaume-Uni
Réalisateur
Kim Hopkins
Scénario
Kim Hopkins
Note
7 /10

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