« N’est-il pas possible, en 1935, de mener sa carrière, sa vie de femme, en toute égalité? »
Le film de François Ozon, intitulé Mon crime, s’inspire de la pièce de théâtre Mon Crime de Georges Berr et Louis Verneuil pour nous plonger dans l’univers du cinéma français des années 1930. L’intrigue suit l’histoire de Madeleine Verdier (jouée par Nadia Tereszkiewicz), une jeune actrice sans succès, qui est accusée du meurtre d’un célèbre producteur. Heureusement, elle est défendue par sa meilleure amie, Pauline (jouée par Rebecca Marder), une avocate fauchée, qui réussit à la faire acquitter en plaidant la légitime défense. Les deux jeunes femmes vont ensuite utiliser la bêtise et l’immoralité de la société patriarcale pour atteindre leurs objectifs. Le film nous montre leur nouvelle vie faite de succès et de gloire, jusqu’à ce que la vérité éclate et mette tout en péril.
Dès les premières minutes du film, une illusion d’optique se dévoile avec le matte-painting d’une piscine, symbolisant le double-jeu et la duperie dans un univers factice. Cette scène rappelle d’ailleurs l‘ouverture de Sunset Boulevard de Billy Wilder qui commence de manière similaire. Le film de François Ozon aborde les thèmes de l’amour, de la célébrité et de la manipulation, dans un Paris des années 30 ironique, macabre et burlesque. La société corrompue par l’appât du gain est dénoncée et la justice est inversée pour préserver les apparences. Dans cet univers absurde, commettre un crime est considéré comme un acte de courage, voire même d’utilité publique.
Mon crime allie subtilement le comique et le dramatique pour dénoncer l’impossibilité pour les femmes de se défendre « honorablement » dans une société patriarcale corrompue. À l’instar du courant cinématographique des films noirs, Madeleine Verdier, notre héroïne, utilise le mensonge et l’apparence physique ou sociale pour se défendre, comme l’ont fait les femmes fatales dans les films de l’ère pré-Code Hollywood.
François Ozon adopte souvent des angles originaux pour révéler des aspects modernes et inattendus lorsqu’il aborde le passé. Ce penchant pour l’inattendu est particulièrement évident dans ses reconstitutions historiques et ses adaptations théâtrales, où il recrée avec brio l’ambiance et l’esthétique de l’époque. Il y intègre des dialogues cocasses, des costumes et une photographie vive et colorée, s’inspirant de grands noms du cinéma tels que Sacha Guitry, Raimu et Michel Simon. Appuyé par le travail du décorateur Jean Rabasse qui ajoute une dimension particulière à chaque objet, offrant un récit visuel évocateur, depuis la chambre de bonne où vivent les deux héroïnes jusqu’à leur hôtel particulier et à la villa du producteur. Le film est bien réalisé, bien rythmé et bénéficie d’un excellent travail d’équipe. Les dialogues sont souvent humoristiques et spirituels, et l’on prend plaisir à voir nos héroïnes utiliser leur intelligence et leur vivacité d’esprit pour tromper et déjouer les hommes qui les entourent.
Dans ses robes aux fanfreluches extravagantes, Isabelle Huppert s’impose à l’écran avec une puissance captivante, redonnant ainsi un nouveau souffle au film. On pourrait presque imaginer qu’elle dissimule une fusée sous ses atours flamboyants, tant ses apparitions sont explosives et exubérantes.
Le film Mon crime est un examen tranchant de la société et de la justice qui est à la fois ironique et morbidement révélateur. Visuellement éblouissant, François Ozon s’ajoute à une longue liste de réalisateurs ayant réussi à adapter des pièces de théâtre pour le cinéma avec brio.
Bande-annonce
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