« Je suis née à Stanford en 1994. Stanford, dans l’État du Connecticut. Je suis morte en 2008. Dans la maison. »
Bridgeport, 17 janvier 2008. Une adolescente est retrouvée pendue dans sa chambre. Alors que tout laisse croire à un suicide, le rapport d’autopsie révèle une autre évidence. Dix ans plus tard, la réalisatrice et cousine de l’adolescente examine les causes passées ainsi que les conséquences futures de ce crime non résolu. Telle une biographie imaginée, le film explorera la relation entre la sécurité du lieu habitable et la violence qui peut la mettre en péril.
L’espoir fait vivre
Dès les premières minutes du film, le « personnage » de Tessa énonce le postulat de l’entreprise : « Ce qu’on propose : une annonce des choses à venir. Installer la possibilité d’un voyage fluide, dans le temps et dans l’espace. Mon histoire est à la fois tragique et remplie d’espoir. L’espoir fait vivre. »
Ce qu’on remarque vite en débutant le film, c’est qu’on a affaire à un univers particulier, à mi-chemin entre la fiction et le réel. Jusqu’à présent, rien d’inhabituel pour la réalisatrice de plusieurs courts-métrages à l’ambiance onirique similaire tels que Chanson pour le Nouveau Monde, Drei Atlas ou encore Une forteresse. À l’image des plans à l’intérieur d’une voiture de paysages qui défilent à toute vitesse, Charles cherche à voyager, à se remémorer de douloureux évènements du passé, cherche à confronter ce qui est réellement arrivé, ce qui est arrivé dans cette maison. Il serait un peu réducteur de ne considérer que Cette maison n’est qu’un docu-fiction. Il s’agit avant tout d’un essai, au sens littéraire figuré comme au sens propre; une collection de réflexions personnelles et subjectives sur un sujet proche de l’auteur.
L’état des choses
Pour ce faire, elle emploie des dispositifs bien particuliers, n’hésitant pas à mettre sa propre voix en scène dans des moments opportuns, mettant par le fait même au clair la perspective personnelle de son approche. Elle ponctue ses séquences d’images glanées dans plusieurs pays, tantôt en Haïti, au Canada et aux États-Unis, témoignant de la portée des événements et de la distance jusqu’à laquelle le ressac de celui-ci s’est laissé ressentir. Elle remet en scène des éléments de la vie de sa cousine à l’aide d’une scène de théâtre avec décors minimalistes et épars. Cette économie de moyens permet surprenamment, comme spectateur, de se rapprocher encore plus du sujet, à la manière de souvenirs qui nous viennent; nous jouons et rejouons un certain moment dans notre tête, ne nous remémorons que les éléments importants, les gens, les meubles, les évènements. Nous en venons à déformer la réalité; nous nous consolons parfois de la signification d’une tragédie, se dire que là représente la seule manière de faire la paix, si cela est même possible. Parfois, cela n’est pas possible. Deux choix s’offrent alors à nous; refouler le souvenir, ou essayer et réessayer d’en sortir une signification quelconque.
C’est ce dilemme qui transpire tout au long de Cette maison. Cette volonté de dégager le sens d’un événement tout en ayant de la difficulté à confronter celui-ci. Il ne serait pas déraisonnable de penser que c’est pour cette raison que la réalisatrice laissa autant de temps passer entre la mort de sa cousine et la production de ce film. Dans tous les cas, il serait difficile de ressortir complètement indifférent de ce bijou formel qui représente un véritable vent de fraîcheur dans le cinéma québécois actuel, et je ne peux qu’avoir hâte de voir ce que Miryam Charles nous prépare pour ses deux prochains longs-métrages de fiction actuellement en développement.
