RODEO

Rodéo — La poésie des truck stops

 « On est pas des ostis de lâches qui retournent en arrière. »

RODEO - AFFICHE

Pris dans un conflit de séparation explosif, un père de famille décide de partir avec sa fillette de 9 ans, à bord de son Kenworth W900, dans l’espoir de participer au légendaire World’s Best Truck Rodeo, ultime célébration du camion se tenant annuellement dans les Badlands, en Alberta.

En mettant en scène les marginaux, il est toujours délicat de savoir les dépeindre sans être misérabiliste ou, au contraire, trop romantique. Où se situe Rodéo à travers tout ça? On penche définitivement plus du côté du romantisme. Joëlle Desjardins-Paquette, la réalisatrice et coscénariste, nous propose un road-movie parfois sombre, mais surtout empreint de lumière et d’optimisme. 

Une dualité, un déchirement

Le côté plus sombre du film s’inscrit dans la prémisse : Serge, interprété par Maxime Le Flaguais, un amateur de Camion à la vie instable qui, redoutant que son ex-femme l’empêche de voir sa fille, l’emmène incognito dans un voyage à travers le Canada. Même si Serge tente tant bien que mal de convaincre sa fille qu’ils sont en sécurité et que sa mère approuve le voyage, la jeune fille, Lily, s’inquiète, semble consciente et inquiète des conséquences qui attendent son père. Serge s’enfonce alors graduellement dans son mensonge et son angoisse. 

RODÉO - Lilou Roy Lanouette et Maxime Le Flaguais - Une dualité
Lily (Lilou Roy Lanouette) et Serge (Maxime Le Flaguais)

Il occupe un double rôle incompatible : fugitif et père protecteur. Cette dualité en fait un personnage humain auquel on peut s’identifier, mais, selon moi, ce déchirement aurait pu être nuancé pour complexifier le personnage. Celui-ci évite par contre de devenir un archétype du simple fait que des personnages de camionneurs sensibles, il n’y en a pas beaucoup au cinéma. 

Un film rassembleur?

RODÉO - Lilou Roy Lanouette et Maxime Le Flaguais - Un film rassembleur

Ce type de représentation me semble d’autant plus pertinent avec le contexte politique actuel, suffit d’évoquer le convoi de la liberté, évènement de l’hiver 2022 durant lequel des centaines de camionneurs ont occupé le centre-ville d’Ottawa. On s’accorde tous pour dénoncer le clivage qui se creuse entre la « droite » et la « gauche », les « élites » et le « peuple », les « citadins » et les « ruraux », mais peu d’entre nous semble capable de tendre la main à l’autre camp. Rodéo, un film à la fois accessible et poétique, serait-il en mesure de faire le pont entre ces deux camps? D’un côté, il permet à certains de mieux comprendre qui sont les camionneurs au-delà de leur apparence intimidante. De l’autre, il permet à ces derniers d’accéder à une représentation réaliste et optimiste. 

La poésie des truck stops 

Le côté plus lumineux s’incarne majoritairement dans l’esthétique du film, mais également en partie dans le personnage de Lily, interprété par Lilou Roy-Lanouette. Jeune fille qui, dans une enfance parfois trouble, est devenue courageuse et mature, mais également parfois effrontée et colérique. Malgré son caractère dur, ce qui fait le beau de son personnage est que, de temps en temps, elle accepte de jouer son rôle, celui de la fillette un peu naïve qui trouve son père fort. À travers leur voyage, on est quelquefois amené à voir le monde à travers son regard, ses yeux qui s’illuminent d’étonnement devant de nouveaux paysages. 

RODÉO - la poésie des truck stop

Des montagnes, forêts et ruisseaux du Québec et de l’Ontario jusqu’aux rocheuses de l’Alberta, en passant par les plaines du Manitoba et de la Saskatchewan, on découvre des lieux qui évoquent bien la sérénité que l’on peut ressentir dans cette traversée du Canada.  Par contre, on ne découvre pas seulement des paysages naturels, mais également l’autre côté des abords de l’autoroute transcanadienne : des raffineries, des trucks stops louches, des petits dépanneurs miteux, des magasins d’armes… La réussite du film est que, tout comme c’est probablement le cas pour ses personnages, on parvient à voir la beauté de ces endroits à première vue inesthétiques. 

Cette beauté du laid est au centre de l’approche formelle,  la poésie ressort de cet univers souvent rude. Il y a en effet une beauté dans la lourde fumée d’un camion en contre-jour, une chemise qui se laisse porter par les courants d’un ventilateur de salle de bain public ou les klaxons qui retentissent en harmonies pendant un rassemblement de camionneurs, il suffit de s’y attarder. Cette même rencontre se déploie dans la trame sonore qui, en mélangeant des instruments classiques et des sons industriels, crée des mélodies parfois apaisantes, parfois anxiogènes.  

À la fin de ce voyage, je suis en partie laissé sur ma faim. J’aurais aimé me poser un peu plus longtemps, vivre les moments d’attente qui sont partie intégrante des road trip. Tous les voyages ayant une fin, la réalisatrice à su choisir le bon moment pour terminer l’aventure en nous proposant une suite des évènements à la fois prévisibles et incertaines.  

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Rodéo
Durée
81 minutes
Année
2023
Pays
Canada
Réalisateur
Joëlle Desjardins-Paquette
Scénario
Joëlle Desjardins-Paquette, Sarah Lévesque
Note
7 /10

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Fiche technique

Titre original
Rodéo
Durée
81 minutes
Année
2023
Pays
Canada
Réalisateur
Joëlle Desjardins-Paquette
Scénario
Joëlle Desjardins-Paquette, Sarah Lévesque
Note
7 /10

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