« Y’a des choses qui s’expliquent pas, pis c’est correct de même. »
Sam (Samuel Brassard) est un être cérébral, passionné par les sons. Le soir de sa rupture amoureuse avec Cath (Catherine-Audrey Lachapelle), tandis qu’il rentre chez lui à pied, une Mélodie de provenance inconnue perturbe son trajet du retour. Sam est alors victime d’un phénomène inexplicable, suite auquel il perd momentanément connaissance. Lorsqu’il reprend conscience, quelques heures plus tard, la seule chose dont il se souvient est cette étrange Mélodie qui commence à le suivre et le hanter. Accompagné de ses amis Alex (Alex Trahan) et Véro (Véronique Lafleur), Sam tente alors d’établir un contact avec ce mystérieux Bruit répétitif, à la recherche d’un sens à ce qui a pu se passer. Et si, le soir de sa rupture, Sam avait été victime d’un enlèvement extraterrestre? Sa certitude face à cette hypothèse coïncide alors avec la perte du fameux signal. Désespéré à trouver d’ultimes explications, Sam part s’isoler dans le bois, dans un camp de ressourcement alternatif où chaque participant y incarne un animal totem. Réincarné en Chat, Sam y fait alors des rencontres déterminantes et est confronté à des réponses inattendues.
Après les courts-métrages très remarqués, Les méduses et surtout Pre-Drink, le jeune réalisateur Marc-Antoine Lemire nous revient avec un premier long métrage et une proposition qui, si elle reste un peu inégale par moments, demeure l’une des plus originales de ce qui s’est donné en matière de cinéma québécois récemment. En effet, bien qu’il soit possible d’expliquer la prémisse du film, il est bien difficile de décrire précisément à quoi s’attendre. En ce sens, Mistral Spatial est (sans mauvais jeu de mots – d’accord, peut-être un peu…) un véritable OVNI dans le paysage culturel actuel.
Marketé comme un film de science-fiction, c’est avant tout un film très personnel, sans doute inspiré des expériences du réalisateur (sans l’enlèvement par des extra-terrestres, j’espère), à quoi viennent se greffer les codes de films de différents genres. Dénotons d’ailleurs que le film est séparé en trois actes bien distincts (et intégrés de manière diégétique assez amusante) ayant tous un style formel et narratif assez différent, témoignant au passage de l’état d’esprit du personnage principal face à la rupture qu’il vit ainsi que son cheminement dans ce processus. Le premier acte ouvre directement le film avec cette dite rupture, racontant le tout dans un style « drame de chambre ». Ici, pas d’artifices, seulement les réflexions du personnage principal et de courtes interruptions, dans ces scènes où ses amis Véro (jouée par une Véronique Lafleur, aimable et rassurante) et Alex (Alex Trahan, moins convainquant et parfois même agaçant). C’est à partir du deuxième acte que nous dérogeons davantage de l’ambiance théâtrale du premier : dans celui-ci, Lemire parie sur une mise en scène sombre, appuyée par une image en noir et blanc très contrastée rappelant des films d’horreur/science-fiction des années 1950. Ce sera d’ailleurs un pari très réussi, puisqu’il parviendra à plusieurs moments à faire s’installer une ambiance inquiétante alors que Sam plonge de plus en plus dans son obsession pour les UFOs, arrivant à certains moments très près de faire des découvertes bouleversantes. On fait cependant un demi-tour complet dans le dernier acte, dans lequel le personnage principal laisse tout derrière lui pour aller passer quelques semaines dans un camp spirituel où chacun.e est déguisé.e en animal et agissant comme tel dans le but de trouver son for intérieur. Dans cet acte final, l’ambiance glauque et inquiétante du deuxième acte est complètement délaissée pour laisser place à quelque chose de davantage comédique et sobre, qui, s’il rappelle fortement les œuvres de Stéphane Lafleur, nous laisse toutefois en terrains connus (encore un mauvais jeu de mots).
On pourrait vite penser que le fait d’instaurer trois ambiances si différentes dans un laps de temps si court pourrait poser le problème de séquences de qualité inégale, mais ce serait à mon sens avoir tort. Ce qui transparaît avant tout dans Mistral Spatial, c’est la volonté que possède le réalisateur de s’amuser et de proposer quelque chose de nouveau (ou, du moins, différent) dans un cinéma québécois qui semble de plus en plus manquer de souffle. Il dira d’ailleurs dans une entrevue tenue par Hélène Faradji pour Radio-Canada : « Les œuvres édulcorées, tièdes, ne m’intéressent pas. J’aime mieux aller au cinéma et détester profondément une proposition que de voir un film aussi vite oublié, et j’ai envie de tendre vers ça : des propositions plus radicales, qui expérimentent, vont loin. » En ce sens, le film est réussi : chaque scène ou presque propose quelque chose d’original, et il est particulièrement rafraîchissant de sentir la micro équipe de tournage (Lemire raconte qu’il s’agit d’un film à petit budget, avec une équipe ne dépassant jamais sept ou huit personnes sur le tournage) s’égayer et sacrifier la logique interne narrative pour un délire formel éclaté. Si le film n’est cependant pas réussi à tous les niveaux (notamment en ce qui concerne les performances parfois molles des acteurs et actrices, et plus spécifiquement le personnage d’Alex Trahan, qui surjoue de manière exagérée rappelant parfois presque les émissions d’ados du début des années 2000 tel que Ramdam ou Watatatow), il sera difficile de sortir de Mistral Spatial complètement indifférent, et je conseille à tous et à toutes d’aller voir en salle cet ovni ludique et différent.
Bande-annonce
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