« Faudra faire un test ADN. Imaginez si elle a les gènes de la pauvreté. »
Paul Château-Têtard (Philippe Katerine), vieux garçon de 45 ans et pur produit du 16e arrondissement de Paris, prend le métro pour la première fois de sa vie et tombe amoureux d’une jeune guichetière, Ava (Anaïs Demoustier). Leur mariage n’est pas du goût de « maman », Adélaïde Château-Têtard (Josiane Balasko), qu’on appelle aussi la Reine Mère. Pourtant, cette dernière s’en accommode : un héritier serait le bienvenu. Mais le bébé tarde à venir…
Une guerre sans pitié s’engage entre les deux femmes, la Reine-mère étant persuadée qu’Ava trompe son fils. Il doit bien y avoir un amant quelque part…
Avec La pièce rapportée, Antonin Peretjatko propose une comédie sur la lutte des classes et comment une pauvre peut soudainement se retrouver dans une nouvelle classe sociale. Ce qui, évidemment, ne plait pas aux anciens…
La pièce rapportée se veut un vaudeville sur le rapport des classes, ou plus précisément sur le mélange de classes sociales parisiennes. Mais on peut fortement douter de la valeur scénaristique du film.
On a l’impression que la formule est usée. Un peu comme si ce film avait été réalisé dans les années 1990, alors que ce genre de cinéma fonctionnait plutôt bien. Mais l’utilisation d’un narrateur omniscient guidant le récit tout en prenant position n’apporte pas beaucoup de rire au spectateur. Au début, il est même agaçant, voire gênant. Finalement, on finit par s’y habituer plus qu’à l’apprécier. C’est un peu comme un petit caillou dans une chaussure qui finit par se déplacer. On le sent, mais il ne nous agace qu’un peu.
D’ailleurs, le modèle du film à la cendrillon est assez surutilisé aussi. Ce n’est pourtant pas tant l’habitude des Français, qui sont généralement plus efficaces que ça lorsqu’ils font des comédies romantiques. Heureusement qu’il y a, ici, un volet politique qui frappe assez juste.
Par exemple, on ne se gêne pas pour critiquer les méthodes éthiquement douteuses que les fortunés peuvent utiliser pour s’enrichir. Ici, ce sont les origines de la fortune des Château-Têtard qui s’est bâtie sur une absence totale de scrupules. De génération en génération, ils ont rendu service à des dictateurs, ont profité de l’Occupation, etc. : tout est un bon prétexte pour faire de l’argent. Il semblerait, d’ailleurs, que plusieurs grands patrons français auraient été décorés par Pinochet.
Et le personnage principal — qu’on doit aimer en tant que spectateur — d’Ava ne se pose pas trop de questions. Une fois, au début, elle fait remarquer à Paul que Pinochet était un dictateur. Mais quand on lui « démontre » par A + B que non, à partir de là elle ferme les yeux sur tout ce qui peut poser des problèmes au niveau de l’acquisition d’argent de sa nouvelle famille.
Je disais, donc, qu’Ava n’a pas de conscience politique. Elle subit une condition de classe modeste et puis, par chance, elle pénètre un milieu aisé, avec tous ses avantages (et inconvénients). Au point que lorsqu’elle passe devant un bidonville, elle y prête à peine attention, elle constate des inégalités, mais ce n’est plus son problème. Le film montre une société où l’espoir de devenir riche enlève toute envie de justice sociale.
Puis, avec la guerre que se livrent les deux femmes, La pièce rapportée montre la violence socioéconomique, les rapports de pouvoir et de domination qui s’exercent à tous les échelons de la société… Ces rapports de pouvoir et de hiérarchie, ils sont partout.
Le réalisateur a eu la brillante idée d’inclure à son film des problématiques très actuelles, telles que les gilets jaunes, la théorie du ruissellement, ou encore la suppression de l’ISF. Ces références d’ordre politique sauvent le film. Ça et la performance des deux femmes : Anaïs Demoustier et Josiane Balasko.
La première est dans un registre plus subtil, montrant une belle naïveté. Elle offre une performance digne d’une grande du vaudeville. La scène où elle se retrouve nue dans un étui de violoncelle est particulièrement drôle.
La seconde, quant à elle, elle offre une superbe performance beaucoup plus théâtrale, qui sied parfaitement à son personnage haut en couleur.
Je ne peux pas dire que j’ai beaucoup apprécié La pièce rapportée. Mais je crois qu’il s’agit d’un film léger qui plaira au cinéphile moyen. De ce fait, il ne s’agit pas d’un film de festival typique, mais d’un film qui divertit sans prise de tête. Certains diraient qu’après 2 années de pandémie, c’est le genre de film qui fait du bien.
Personnellement, ce fut surtout l’occasion d’apprécier Anaïs Demoustier dans un rôle différent de ce qu’elle fait habituellement. J’adore cette actrice. Du coup, je vous invite à regarder ce film.
La pièce rapportée est présenté à Cinéfranco, du 3 au 20 novembre 2022.
Bande-annonce
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