Other Cannibals - une

[VIFF] Altri Cannibali — Le goût des gens

« …penso : che gusto posso avere la gente? »
[… je pense : quel goût peuvent avoir les gens?]

Altri cannibali - locandina

À la dérive dans la profondeur provinciale italienne, deux hommes tentent de briser le plus vieux tabou de l’humanité.

Avec Altri cannibali (Other Cannibals), Francesco Sossai propose un film choquant qui traite d’un grand tabou : le cannibalisme. Du coup, il offre une vision perturbante de notre monde.

À la poursuite d’un tabou

Le nom du personnage principal est Fausto et ce n’est pas un hasard. Il s’agit bien d’un personnage « faustien » : son désir est impie, et il a soif du moment présent. Ivan, en revanche, semble incarner une âme classique russe : sombre et intellectuelle.

Other Cannibals - à la poursuite du tabou

On voit, d’ailleurs, l’inspiration de l’œuvre que Pouchkine a écrite pour sa vision personnelle du mythe faustien. Celle où Fausto dit au démon qui l’escorte : « Démon, je m’ennuie. » On y voit l’ambiance qui flotte dans Altri Cannibali. Ivan est en effet inspiré par des personnages comme Ivan Karamazov, des gens qui ont un grand esprit et une grande profondeur, mais qui sont en quelque sorte aussi pathétiques et imparfaits. Bien qu’ils ont créé un genre d’univers conceptuel autour d’eux, Fausto et Ivan restent deux personnages très ancrés dans la réalité — « deux types de personnes très répandus dans cette région : l’ouvrier d’usine qui n’a jamais quitté la maison et l’étudiant qui n’a jamais terminé l’université » explique le réalisateur. Il ajoute ceci : 

 « Mes deux comédiens ont beaucoup apporté à leurs personnages — je les ai laissés vagabonder et essayer beaucoup pendant les longs mois de répétitions ensemble. Mon travail consistait essentiellement à filtrer leurs suggestions afin de les guider pour qu’ils se retrouvent dans le personnage. Pour trouver quelque chose qu’ils ne savaient pas qu’ils avaient en eux-mêmes. »

Ces deux hommes qui ne se connaissent pas vraiment se rencontrent donc pour réaliser leur fantasme de cannibalisme. Dès les premières secondes du film, on ressent un genre de malaise. Le réalisateur filme cette fiction comme s’il s’agissait d’un documentaire provenant directement du cinéma direct des années 60-70. Les scènes où Fausto est avec sa famille sont particulièrement « vraies ». On croirait espionner une famille typique de la campagne italienne. 

Du coup, lorsqu’on réalise que les deux hommes sont vraiment là dans le but de manger un humain, on ne peut que ressentir un profond malaise. Et pour ajouter au poids ambiant, le réalisateur utilise merveilleusement son décor naturel que sont les dolomites. 

Entre rêve et cauchemar

En effet, le réalisateur met en parallèle la relation entre ces hommes et le paysage environnant : une petite zone industrielle des Dolomites italiennes où les montagnes donnent parfois l’impression d’y être enfermés pour toujours et parfois font rêver d’endroits lointains, d’une évasion impossible. Un lieu plein d’horreur et de beauté. Étant originaire de cette région, le réalisateur savait exactement à quoi s’attendre en utilisant ce décor.

Other Cannibals - entre rêve et cauchemar
Séquence de abattage du porc

Comme j’écrivais plus haut, Sossai utilise un style visuel très proche du documentaire. Il y a une scène, d’ailleurs, qui est réellement du documentaire lorsqu’il filme l’abattage du cochon, une scène majeure dans le long métrage. Cette scène est comme un reality check — tant pour les personnages que pour le spectateur — quant au fantasmes cannibales de Fausto et Ivan.

Vous avez déjà vu un cochon se faire égorger? C’est assez perturbant. Oubliez, ici, la protection de l’intégrité des animaux. Le cultivateur et ses employés amènent le cochon alors que ses pattes arrières sont attachées à deux cordes tenues par les hommes. On amène la bête loin des buildings, on le fait tomber sur le côté puis on lui tire une balle dans la tête. Balle qui ne tue pas le porc, mais qui le lance dans une série de légères consultations. Puis on lui enfonce un couteau dans la gorge et on le laisse « danse » sur le sol jusqu’à ce qu’on soit capable de mettre un gros bol sous son cou pour récupérer le sang qui s’écoule. Et pour être bien sûr que le spectateur sera dégoûté, on assiste à la découpe de la bête. Pour moi, c’était la première fois que je voyais un animal se faire fendre le crâne à coup de hache. 

Un peu plus…

Altri cannibali est un peu comme une enquête documentée sur la relation entre deux hommes liés par une idée secrète afin de pouvoir les observer alors qu’ils luttent pour accepter la décision qu’ils ont prise. Et comme c’est souvent le cas dans ce genre de situations, plus l’idée se rapproche de la réalité, plus elle révèle son vrai visage : un prétexte pour s’évader de la réalité.

Other Cannibals - un peu plus
Ivan (Diego Pagotto)

Le film de Sossai amène donc le spectateur à réfléchir sur la réalité et à faire une introspection sur ses propres désirs et ses propres tabous. 

Si, comme moi, vous aimez les films qui vous feront sortir de votre zone de confort, ne manquez pas Alti cannibali. Si cette œuvre ne vous bouscule pas, vous êtes bien inquiétant. 😆

Altri cannibali est présenté au VIFF, les 3 et 5 octobre 2022.

Bande-annonce

Fiche technique

Titre original
Altri Cannibali
Durée
96 minutes
Année
2021
Pays
Allemagne
Réalisateur
Francesco Sossai
Scénario
Francesco Sossai et Adriano Candiago
Note
8 /10

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Fiche technique

Titre original
Altri Cannibali
Durée
96 minutes
Année
2021
Pays
Allemagne
Réalisateur
Francesco Sossai
Scénario
Francesco Sossai et Adriano Candiago
Note
8 /10

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