« La seule chose que tu puisses faire pour une personne qui est partie, c’est de vivre. S’il te plaît, prends bien soin de toi. Et de la personne que tu aimes, qui vit dans ton cœur. »
La femme de bureau Shiino Tomoyo (Mei Nagano), qui passe ses journées déprimée, apprend par les informations télévisées que sa meilleure amie, Mariko Ikagawa, est décédée. Réfléchissant à ce qu’elle pourrait faire pour Mariko (Nao), qui avait été abusée par son père depuis qu’elle était enfant, Shiino décide de voler et d’emporter les cendres pour sauver l’âme de Mariko. Shiino, qui a volé les cendres à la maison des parents de Mariko et s’est échappé par la fenêtre, décide d’honorer la dépouille de Mariko et de partir en voyage avec elle. La destination choisie, Shiino s’y dirige avec les souvenirs de Mariko dans son cœur et plusieurs défis en vue.
Avec My Broken Mariko (マイ・ブロークン・マリコ), adapté du manga du même nom, Yuki Tanada offre une œuvre sensible, touchante et parfois étonnamment drôle. Un film qui touche des sujets délicats d’une manière légère et marquante.
Au moment où elle entend qu’une dénommée Mariko s’est jetée du cinquième étage, Shiino est prise de panique. Serait-ce son amie d’enfance? Lorsqu’elle confirme qu’il s’agit bien de son amie, Shiino se sent coupable, responsable. Constamment prise dans un tourbillon mémoriel, elle décide d’emmener la défunte à la plage comme elle l’a toujours souhaité. Le voyage introspectif de la bouillante et distraite Shiino Tomoyo commence mal. Un motocycliste lui vole son sac avec tous ses effets personnels, dont les innombrables lettres que Mariko lui a écrites.
Le voyage de Shiino deviendra alors une sorte de course contre la montre, car sa mémoire se fait de moins en moins sélective. Le ressentiment et la culpabilité s’invitent alors de plus en plus aux obsèques.
L’honneur est quelque chose d’important au pays du soleil levant. Shiino doit donc sauver son amie. Elle ne peut pas la laisser à son père, lui qui a abusé d’elle toute sa vie. Ce mélange de culpabilité et de désir d’honorer son amie donne place à des comportements qu’on ne voit pas souvent dans le cinéma japonais. En effet, la femme a un tempérament bouillant et lance des insultes à qui veut bien l’entendre. Je n’avais jamais vu un personnage hurler et invectiver les gens autant dans un film japonais. Cela dit, j’aurais aimé comprendre les mots dans la langue originale et non pas seulement les sous-titres. Mais que voulez-vous? Je dois faire avec pour le moment.
My Broken Mariko est, à la base, un manga créé par l’autrice Hirako Waka. C’est au moyen d’une réalisation sobre où la caméra met en images les beautés côtières japonaises baignées d’une lumière naturelle immersive que la Yuki Tanada fusionne le passé et le présent à la perfection afin d’exposer les émotions explosives de Tomoyo.
Le flash-back est une technique avec laquelle j’ai beaucoup de difficulté. La plupart du temps, on l’utilise lorsqu’on manque de talent pour faire passer une émotion ou un sentiment, ou qu’on ne réussit pas à faire comprendre qui est le personnage. Mais ici, l’insertion de ces scènes du passé sert merveilleusement bien le récit. Comme Mariko n’est pas réellement présente dans le présent, il aurait été difficile d’expliquer qui elle était sans utiliser le passé.
Les images sombres et sobres sont utilisées efficacement pour montrer ce qu’a vécu la pauvre fillette. Ajoutons un maquillage précis et tout y est : les agressions physiques et sexuelles sont comprises par le spectateur. Malgré la lourdeur des thèmes (décès, viol, abus…), My Broken Mariko reste plutôt léger. Jamais on ne tombe dans le misérabilisme. Le personnage de Mariko est magnifique dans sa tristesse. Lorsqu’on la voit, elle est souriante, vivante et belle. Une femme résiliente, qui tente de tirer tout le bonheur qu’elle peut de sa vie de misère.
Sans tomber dans les longues explications, on voit tous les ravages que les abus peuvent causer psychologiquement et émotionnellement. Mariko fréquente constamment des garçons et des hommes qui la violentent, elle n’a pas d’amis en dehors de Shiino, elle est insécure et possessive envers sa seule amie. À deux reprises elle la menace de se suicider si Shiino l’abandonne ou si elle se trouve un amoureux.
My Broken Mariko bouleverse, sans plonger le spectateur dans le désespoir, au moyen de personnages adorables dans toute leur humanité et leur douce excentricité.
Si vous cherchez un film touchant, mais qui ne vous fera pas larmoyer, ne manquez pas votre chance de voir ce film. En plus, nous sommes les premiers à avoir la chance de voir cette œuvre.
My Broken Mariko est présenté en première mondiale à Fantasia, les 14 et 16 juillet 2022.
Bande-annonce
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