Un autre festival est enfin de retour en salles après 2 longues, très longues années à ne pas pouvoir rencontrer les spectateurs en vrai. Samedi, j’étais au film d’ouverture de l’édition montréalaise du ICFF 2022. Pour l’occasion, c’est le superbe film E noi come stronzi rimanemmo a guardare (Et nous, comme des idiots, sommes restés là à regarder), de Pierfrancesco Diliberto qui était présenté.
Covid en a d’ailleurs profité pour nous rappeler qu’elle n’était pas morte. Fabio De Luigi, ainsi que deux représentants officiels ont dû annuler leur présence dû à notre grand ennemi qui sait faire croire aux gens qu’il n’existe plus juste pour frapper lorsque c’est le moment. Malgré tout, la soirée fut un succès, la grande salle du Guzzo étant presque remplie à pleine capacité.
En passant, j’aimerais mentionner que de projeter un festival dans une de ces salles qui représentent tout ce que le cinéma ne devrait pas être est, pour moi, un très mauvais choix. Vincent Guzzo a déjà prouvé à plusieurs reprises qu’il est l’ennemi du cinéma de qualité. D’ailleurs, le slogan qu’il affiche sur les écrans avant les projections représente bien la merde de sa marque : Go big or go home. On peut dire qu’il n’aura pas mieux compris le message que Les Films Séville. Dommage.
Ce fut tout de même un beau moment, et l’occasion pour moi de revoir Francesco Esposito, le directeur du volet montréalais du ICFF. J’ai aussi eu l’occasion de jaser avec 2 dames du public qui étaient intriguées par mon intérêt envers le cinéma italien. Il semble que nous ne soyons pas suffisamment à s’intéresser au cinéma italien. Je voudrais donc inviter tous les non-Italiens de Montréal à s’intéresser à ce festival et au fl dont je vais brièvement parler dans les lignes qui suivent.
« Ciao Arturo. Io sono Stella, la tua Fubber friend ideale. »
[Salut Arturo. Je suis Stella, ta Fuuber Friend idéale.]
Arturo (Fabio De Luigi) est un manager effréné qui, sans s’en douter, introduit l’algorithme qui le rendra superflu dans son entreprise. Ainsi, d’un seul coup, il perd sa petite amie, son travail et ses amis. Afin de ne pas se retrouver sans toit, il s’adaptera pour travailler comme livreur pour FUUBER, une grande multinationale, géant de la technologie. La seule consolation à sa solitude est Stella, un hologramme né d’une application développée par FUUBER elle-même. Mais après la première semaine d’essai gratuit, alors qu’Arturo est désormais lié à la figure de Stella, il n’a plus les moyens de renouveler son abonnement. Arturo va se retrouver obligé de travailler dur pour retrouver l’amour et la liberté, à supposer qu’ils existent vraiment…
Avec E noi come stronzi rimanemmo a guardare, Pierfrancesco Diliberto utilise la comédie romantique pour questionner notre dépendance à la technologie, la solitude et notre compréhension de ce que signifie « donner accès à nos données personnelles ».
Pas encore une maudite comédie romantique?!? C’est un peu ce que je me disais lorsque je me suis installé dans la grande salle, entouré d’Italiens, samedi dernier. Mais j’étais juste content d’être à cette projection. J’ai donc décidé de me laisser embarquer dans ce film qui ne m’inspirait pas tellement.
Mais la scène d’ouverture est tellement incroyable, que je n’ai eu d’autre choix que de m’asseoir correctement et tenter de comprendre ce qui m’arrivait. J’explique. Le film débute sur un couple qui passe un test sur une app d’analyse de compatibilité amoureuse. Un fail total. Puis, un homme franchement étrange invite Arturo et sa future ex à se joindre à la danse. S’ensuit une scène digne d’un film de Gaspar Noé ou encore Pasolini. Un groupe de personnes dans la quarantaine danse, vêtue à la Hitler et en SS, sur une musique festive. Une longue chorégraphie qui amène directement le spectateur à se dire « dans quoi est-ce que je viens de m’embarquer? ».
J’ai eu besoin d’une bonne nuit de sommeil pour comprendre à quoi servait cette scène. Pourtant, c’est si simple. Elle est reliée au titre et au sujet principal du film : jusqu’où sommes-nous prêts à aller sans rien dire? Que sommes-nous prêt à accepter en tant que personne et en tant que société? Jusqu’où irons-nous avant de nous réveiller?
Ah oui, j’oubliais… Il y a une histoire d’amour entre Arturo et l’hologramme de son application Fuuber Friend. Mais on comprend vite que cette histoire d’amour n’est qu’un prétexte bien utilisé par le réalisateur pour critiquer notre société.
Diliberto mélange réalité actuelle avec futur proche et possible afin de créer un univers plausible et quelque peu effrayant. Même le dernier des imbéciles fera le lien entre Fuuber et les géants du numérique actuels. Au départ, on pense surtout à UBER, mais plus le film avance et plus on imagine Facebook, ou encore les grandes entreprises chinoises ou japonaises.
Dans un monde où quelques géants possèdent presque tout, notre réalité n’est pas très loin de ce que l’on montre dans E noi come stronzi rimanemmo a guardare. Facebook (Meta) est le plus bel exemple : il connaît notre vie entière grâce à Facebook, il connaît notre façon de communiquer, et avec qui on communique grâce à Messenger ou WhatsApp et il sait à qui on s’intéresse sans les connaitre avec Instagram.
Fuuber, l’entité du film, est un monstre du même genre. Il possède une entreprise de livraison de nourriture, de livraison de colis, et une application d’amis artificiels. Bien que cette dernière puisse sembler complètement farfelue, ça existe déjà au Japon. La seule différence est que la réalité actuelle n’offre pas d’hologramme. Cela dit, il existe des applications de location d’amis ou encore d’amis virtuels.
Sans vouloir dévoiler le punch du film, le héros se retrouve coincé dans ces technologies envahissantes. Lorsqu’il perd son travail, il cherche un emploi. Mais comme tout se fait maintenant en ligne, il se retrouve coincé. En effet, aucun site de recherche d’emploi ne semble permettre d’entrer un âge supérieur à 40 ans. Et lorsqu’il parle au soutien technique, il se fait répondre : on n’y peut rien, c’est l’algorithme qui décide. Ah oui, l’algorithme. Nous vivons effectivement à l’époque où ces choses que personne ne semble comprendre décident de nos vies. Ces algorithmes décident de ce que nous verrons, de ce que nous apprendrons, de qui nous rencontrerons et surtout de tout ce que nous ne saurons pas. Et avec l’intelligence artificielle, il y a de moins en moins de décisions qui semblent laissées à l’humain moyen.
Le film se termine d’ailleurs sur un grand questionnement. Ou plutôt sur un constat terrible. Le propriétaire s’adresse au spectateur en lui disant merci, car grâce à nos données, il est devenu riche et que nous sommes coincés. Et il a bien raison.
Peut-être qu’on devrait prendre un peu plus le temps de lire les documents qui expliquent ce à quoi on s’engage en s’inscrivant sur une plateforme comme Facebook, Uber ou TikTok. Oui, une comédie romantique peut amener ce genre de questionnement…
E noi come stronzi rimanemmo a guardare est présenté au ICFF le 2 juillet 2022.
Bande-annonce
Le mois de juillet, c’est aussi le retour du ciné-parc Dante, dans la Petite Italie. Tous les mercredis, du 6 juillet au 31 août, un film italien avec sous-titres français ou anglais sera projeté dans le parc. Voici la programmation 2022 :
6 juillet – Sulla giostra, un opéra féminin mis en scène par Giorgia Cecere, avec deux protagonistes extraordinaires à savoir Claudia Gerini et Lucia Sardo. Le film, tourné dans divers endroits des Pouilles, met particulièrement en valeur la beauté du paysage.
13 juillet – Troppa Famiglia (Too much Family) de Pierluigi Di Lallo, une histoire qui se concentre sur les dynamiques familiales difficiles. Le casting du film, tourné dans les Abruzzes, comprend, entre autres, Antonello Fassari et Ricky Memphys.
20 juillet – Vecchie canaglie de Chiara Sani, pour les amateurs de comédie avec notamment Lino Banfi !
27 juillet – Lasciarsi un giorno a Roma (Breaking up in Rome) de Edoardo Leo histoire romantique réalisée et interprétée par Edoardo Leo où la ville éternelle,Rome, toujours présente est particulièrement mise en valeur par le réalisateur.
3 août – L’afide e la formica de Mario Vitale, film tourné en Calabre qui se concentre sur la rencontre entre Fatima, une étudiante d’origine marocaine et un professeur d’éducation physique joué par Beppe Fiorello.
10 août – Il silenzio grande (The Great Silence) de Alessandro Gassman :rendez-vous à Naples pour ce grand succès italien
17 août – I fratelli De Filippo de Sergio Rubini, film enchanteur sur les premières années de carrière d’Eduardo, Peppino et Titina.
24 août – Ennio de Giuseppe Tornatore, le documentaire sur la vie du maestro Morricone tourné par le réalisateur oscarisé Giuseppe Tornatore. Un film incontournable et passionnant qui se concentre sur le processus créatif de l’un des compositeurs les plus brillants de l’histoire du cinéma mondial
31 août – film surprise
On s’en reparle!
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