An act of Worship - une

[Tribeca] An Act of Worship — Croire, mais à quel prix

« Farooq!?! What a wierd name. I don’t know why your parents named you that. You should be Jimmy. I’m gonna call you Jimmy. »
[Farooq!?! Quel nom bizarre. Je ne sais pas pourquoi tes parents t’ont nommé ainsi. Tu devrais être Jimmy. Je vais t’appeler Jimmy.]

Director Nausheen Dadabhoy
Nausheen Dadabhoy

An Act of Worship est un portrait polyphonique des 30 dernières années de la vie musulmane en Amérique. Raconté à travers le prisme des musulmans vivant aux États-Unis, le film offre un contre-récit de moments charnières de l’histoire des États-Unis et explore l’impact de la rhétorique et de la politique anti-musulmans sur les jeunes musulmans qui ont atteint la majorité après le 11 septembre. En raison de leur connaissance de première main et de leur accès intime à la communauté musulmane, l’équipe de tournage est en mesure de prendre en charge le récit, qui a déjà été façonné par des étrangers.

Avec son documentaire — qui est présenté à Tribeca cette semaine —, Nausheen Dadabhoy offre une vision pessimiste de ce qu’est la vie d’un musulman aux États-Unis. De plus, elle crée une œuvre un peu trop subjective qui tombe parfois dans ce qui semble être une recherche de pitié.

Contexte

Le contexte est important, puisque c’est sur celui-ci que se base le documentaire pour situer les actions des 3 protagonistes. 

Khadega in AN ACT OF WORSHIP - Contexte
Khadega

Après les attentats du 11 septembre 2001, les États-Unis sont passés d’une rhétorique anti-musulmane qui présentait les musulmans comme une menace étrangère, à une rhétorique les présentant comme une menace qui existait sur le sol américain. Le 12 septembre 2001, il y avait déjà une campagne pour arrêter les musulmans vivant aux États-Unis, et en octobre 2001, le Patriot Act était promulgué. En 2002, le NYPD a lancé un programme de surveillance des musulmans dans la grande région de New York. Au même moment, le gouvernement fédéral a mis en place le système d’enregistrement des entrées et sorties de sécurité nationale (NSEERS), également connu sous le nom de « registre musulman » original. Environ 83 000 hommes et garçons non citoyens âgés de 16 ans et plus ont été enregistrés. Aucun n’a été inculpé d’activités liées au terrorisme, mais 13 000 ont fait l’objet d’une procédure d’expulsion.

Avec le discours du président Obama en 2009 au « monde musulman » en Égypte, de nombreux musulmans ont commencé à espérer que le changement allait arriver. Mais ce n’était pas le cas.

À la suite des attentats de San Bernardino en 2015, le futur candidat à la présidentielle Donald Trump a appelé à un « arrêt total et complet des musulmans entrants aux États-Unis ». La rhétorique et les politiques antimusulmanes de Trump ont alimenté une augmentation du nombre de crimes haineux contre les musulmans pendant son mandat, qui ont même dépassé les niveaux les plus élevés de ceux signalés après le 11 septembre, selon le Pew Research Center. Bien que le président Biden ait annulé l’interdiction de voyager par décret, la décision de la Cour suprême de 2018 de la maintenir a marqué un tournant pour les musulmans américains. L’islamophobie sanctionnée par l’État est redevenue une partie de notre histoire.

Qui et pourquoi

An Act of Worship suit trois militantes qui ont atteint la majorité depuis le 11 septembre et qui font partie d’une nouvelle génération de musulmans en Amérique. L’une (Aber) est organisatrice communautaire d’une initiative de ville sanctuaire à New York, une autre est une jeune militante du Michigan (Khadega), portant le hijab, et qui apprend à surmonter les attentes de la société à son égard, et la troisième (Ameena) est une avocate californienne qui défend sa communauté tout en cherchant un équilibre entre son engagement et sa famille. Entrelacé avec le récit de chaque femme, le documentaire est une chronologie historique qui revient sur les moments cruciaux affectant la communauté musulmane depuis les années 1990.

Aber and her mother in AN ACT OF WORSHIP - Qui et pourquoi
Aber et sa mère

Le grand problème de ce film est que tout au long du récit, la réalisatrice semble ne pas savoir ce qu’elle veut démontrer. Cherche-t-elle à faire le portrait de femmes fortes, résilientes, ou simplement de faire pitié. 

La partie la plus intéressante est celle qui présente Ameena. Cette femme qui a décidé de devenir avocate pour défendre les droits des musulmanes vivant en Californie. Son histoire est touchante, inspirante et montre une grande force de caractère dans un cheminement difficile à travers les enjeux raciaux et religieux des États-Unis. 

Ensuite, il y a Aber, jeune femme résiliente, qui a perdu son père par la force de la déportation. Son histoire est complexe. Le père accepte son sort, puisqu’il a commis un geste illégal. Tout en montrant la tristesse que cette déportation amène, la réalisatrice amène un questionnement sur les chances réelles qu’ont les immigrants de vivre — et non survivre — lorsqu’ils s’installent dans leur (mauvais) rêve américain.

Puis il y a Khadega… Là j’entre dans une zone dangereuse, mais je vais m’y risquer. Cette partie est pénible, voire pathétique. La jeune femme utilise tous ces arguments que certaines personnes issues de minorités utilisent afin de faire pitié et de faire en sorte que les autres se sentent mal. La fameuse phrase de « je suis noire, je dois donc travailler 3 fois plus que quiconque pour être entendue » on l’a entendue en masse. Si seulement la jeune femme avait des arguments. Mais le seul moment où on la voit argumenter avec un candidat républicain raciste, elle ne réussit à présenter aucun argument permettant de le déstabiliser. Au contraire, en tant que spectateur, on n’a d’autre choix que de constater que la femme ne fait que chialer sans avoir de réel argument permettant de défendre ce qu’elle dit. L’argument de l’esclavage pour dénoncer les enjeux actuels ostracisant les musulmans n’est pas très convaincant. Surtout lorsqu’il est rapidement et facilement défait par l’homme raciste. Et la jeune militante termine avec un argument massue : « what an ass… » Effectivement, c’est un gros con. Mais ma pauvre, toi aussi tu as l’air d’une pauvre conne dans cette histoire. Désolé, mais c’est comme ça. 

Un peu plus…

J’ai aussi un problème avec l’image. La réalisatrice a choisi d’utiliser plusieurs séquences vidéo, filmées par des musulmans, lors de fêtes de familles, d’événements ou d’occasions spécifiques. L’utilisation de ces images vise à retrouver la paternité de l’histoire de sa communauté. Mais elles sont d’une piètre qualité, au point où ça devient dérangeant au niveau de l’écoute. À regarder une image qui saute pendant plusieurs secondes, on décroche du message. 

Aber in Nausheen Dadabhoy AN ACT OF WORSHIP - un peu plus
Aber lorsqu’elle était plus jeune

Bien que An Act of Worship présente des idées intéressantes et des portraits pertinents, il ne permettra, au final, que de (re)constater que les musulmans subissent de l’inégalité aux États-Unis. Honnêtement, qui ne le sait pas? 

Et au final, il laisse le spectateur avec un étrange sentiment : les musulmans font tout ce qu’ils peuvent pour être mis à part aux États-Unis. J’ose croire que ce n’est pas le cas. Mais c’est la sensation qui reste à la fin du visionnement…

An Act of Worship est présenté au Tribeca Film Festival, les 9, 10 et 12 juin 2022.

Bande-annonce

Fiche technique

Titre original
An Act of Worship
Durée
83 minutes
Année
2022
Pays
États-Unis
Réalisateur
Nausheen Dadabhoy
Note
6 /10

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Fiche technique

Titre original
An Act of Worship
Durée
83 minutes
Année
2022
Pays
États-Unis
Réalisateur
Nausheen Dadabhoy
Note
6 /10

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