Bleeding Audio - Une

Bleeding Audio — « Le plus grand groupe qui n’a jamais été »

« On The Forms In The Light;
On The Floor We’re The Flood.
We Bleed, We Bleed, We Bleed
Audio Blood.»

Bleeding Audio - poster

Raconté à travers les yeux d’excentriques, charmants et humbles acolytes musicaux Shawn, Jon, Matt et Justin, Bleeding Audio raconte en détails la carrière en montagnes russes du groupe originaire d’Oakland The Matches. Comme plusieurs autres groupes du début des années 2000, ils étaient destinés à être la « next big thing ». Après avoir contribué à créer une communauté musicale serrée dans la Bay Area, The Matches ont percé et sont devenus un groupe de renommée internationale. Groupe éclectique d’artistes bizarroïdes, les artistes ont cultivé un public de fans dévoués et loyaux, mais restaient pratiquement sans le sou. Leur histoire chevauche les changements drastiques de l’industrie musicale depuis la relève de la révolution digitale – de chutes de ventes à l’épuisement des membres dû aux constantes tournées, en passant par le téléchargement illégal et les services de streaming tels qu’iTunes ou Spotify. Avec des interviews venant de certains des plus grands noms du pop punk tels que Mark Hopus (Blink-182), Nick Hexum (311) et Tom Higgenson (Plain White T’s), la tribune de la réalisatrice originaire de la Bay Area Chelsea Christer suit l’histoire et les récentes reformations des Matches pour creuser plus loin dans les défis auquel le musicien moyen fait face à l’ère digitale de l’industrie – et la communauté gardant ces dits artistes en vie.

Si Bleeding Audio promet une histoire grandiloquente et remplie de péripéties, histoire qui s‘en veut une où quatre pirates bravent la tempête artistique et économique pour parvenir à leur fin, carburant au pouvoir seul de l’amitié, le récit concrètement proposé est bien moins excitant. Un nombre énorme de documentaires de ce type se fraie un chemin à travers les festivals depuis plusieurs années (pensons par exemple à Gimmie Danger (2016), A Band Called Death (2012), ou plus récemment, The Sparks Brothers (2021). Bien sûr, ces documentaires parlent tous de groupes au mieux légendaires, au pire avec une histoire intéressante, mais ce qu’ils ont tous en commun est un traitement souvent pour le moins classique. L’histoire d’une dizaine d’années est racontée en 90 minutes de manière linéaire,  alternant images d’archives (souvent prises par le groupe lui-même) et entrevues de style talking heads (la pratique, pas le groupe) du band en question, entrevues souvent supportées de grands acteurs de l’industrie. À la fin du film, nous avons un portrait paradoxalement très plat (l’histoire est souvent racontée très en surface, faute de ne pas pouvoir faire un documentaire de dix heures à la Ken Burns) et éminemment subjectif (puisque souvent raconté par des amis très proches du groupe, ce qui n’est pas une mauvaise chose). Ici, Bleeding Audio n’échappe pas à la règle, et nous ressortons du visionnement avec une impression d’en avoir appris énormément sur un groupe que nous allons aussitôt oublier si nous n’étions pas déjà fans.

Tout est bien qui finit bien

Bleeding Audio - Tout est bien qui finit bien

Si dans ces documentaires, tel que promis, la musique qui est présentée est immanquablement bonne, le récit proposé en est souvent un, somme toute, très conventionnel, et à ce point-ci presque cliché : un groupe, peu importe l’époque ou le genre, commence à répéter dans un garage. Il se fait bien vite remarquer par la scène locale de par son talent seul, puis travaille fort, fort, fort (le documentariste met souvent beaucoup d’emphase sur ce point, et appuie celui-ci par de courtes entrevues de producteurs disant des phrases-choc, mais ultimement vides comme « ils étaient carrément le meilleur band » ou « ils étaient destinés à percer »). Le groupe passe ensuite les quelques années suivantes en tournée, où il n’est que peu payé, consomme des quantités excessives de plaisirs d’âme et de chair et se fait continuellement arnaquer par l’Industrie. Puis, fatigué, un des membres du groupe se retire pour devenir comptable (ou quelque chose du genre) et les autres sont d’accord pour se dire qu’il n’est plus possible de continuer, ou encore mieux, qu’il est temps de s’arrêter pendant qu’ils sont au sommet. Puis, quelques années plus tard, un ou une ancienne fan désire faire un documentaire sur le groupe, ce dernier organise une tournée, les billets sont tous vendus en 12 secondes, le groupe se rend compte qu’il a toujours un public, souvent plus grand qu’à « la vieille époque », il renaît de ses cendres, fait plus d’argent qu’il n’en a jamais fait, puis tout le monde est content. Puis, le film fait, il est scellé du slogan générique « The Greatest Band That Never Was ».

Une dynamique convenue

Bleeding Audio - Une dynamique convenue
The Matches en spectacle

Je suis conscient qu’il puisse paraître un peu réducteur de considérer comme tel ces documentaires, et que même pour ce qu’il propose, Bleeding Audio n’en est pas un particulièrement mauvais, mais étant moi-même un grand mélomane, je suis très souvent confronté à un dilemme lors du visionnement de ce type de film. Lors de la conception de ces documentaires, deux problèmes primordiaux semblent se poser à la réalisation : ou bien nous faisons un film pour les gens qui connaissent ce groupe soit disant légendaire, ou bien nous en faisons un pour les gens qui ne le connaissent pas. L’approche changera radicalement selon le choix : pour le premier, il s’agira d’approfondir la connaissance du groupe pour les fans (à l’aide de pans de son histoire et d’anecdotes méconnues) et pour le deuxième, il faudra faire comprendre précisément au spectateur en quoi le groupe est si légendaire qu’avancé par les entrevues. Bleeding Audio semble ne pas réellement savoir à qui il s’adresse. D’un côté, il semble vouloir introduire le groupe aux gens qui ne l’auraient pas connu à l’époque, et ce à l’aide de vagues entrevues où des grands noms de la musique pop punk ne font que répéter à quel point c’est un bon groupe, et de l’autre, il nous plonge dans des histoires très spécifiques qui prennent pour acquis que le spectateur est déjà très familier non seulement avec le groupe, mais avec la scène musicale dans son ensemble. Au final, si comme mentionné plus haut, il ne s’agit pas d’un film à priori mauvais, il me laisse assez indifférent. Ainsi, s’il est intéressant de voir un documentaire sur un genre qui a été excessivement populaire mais mal documenté et sur un groupe n’ayant pas réussi à se tailler une place aux côtés de sommets du genre tels que Green Day ou The Offspring, votre appréciation dépendra presque entièrement de votre appréciation de la musique pop punk du début des années 2000. Pour ma part, c’est quelque chose que je préfère laisser dans le passé.

Bande-annonce  

Fiche technique

Titre original
Bleeding Audio
Durée
91 minutes
Année
2020
Pays
États-Unis
Réalisateur
Chelsea Christer
Note
6 /10

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Fiche technique

Titre original
Bleeding Audio
Durée
91 minutes
Année
2020
Pays
États-Unis
Réalisateur
Chelsea Christer
Note
6 /10

© 2023 Le petit septième