« 224 684 euros. Félicitations! »
Brindille (Antoine Bertrand), Casquette (Philippe Rebbot) et La Flèche (Côme Levin) vivent comme ils peuvent, au jour le jour, dans le bois de Vincennes. Mais leur situation précaire devrait changer du tout au tout le jour où ils gagnent au Loto. Encore faut-il pouvoir encaisser l’argent, car sans domicile, sans carte d’identité à jour et sans compte bancaire, pas de paiement!
Avec Trois fois rien, Nadège Loiseau offre un film drôle et touchant sur les problèmes qu’on peut vivre en tant que SDF, mais aussi sur les dangers de gagner à la loto.
Pour son film, la réalisatrice s’est inspirée de l’époque où elle habitait à Charenton.
« Ayant vécu quelques années à Charenton, j’ai croisé des SDF qui vivaient dans le bois de Vincennes dans leur campement de fortune. À force de les croiser tous les jours, j’ai fait connaissance avec eux. Ils ont été ma référence pour nourrir les personnages de ce film. »
Traiter d’un sujet comme la précarité ou des gens sans domicile fixe ce n’est pas évident pour la majorité des gens. Ce sont des situations particulières et difficiles à saisir si on ne les a pas vécues. C’est aussi très facile de tomber dans les clichés ou de trop vouloir les éviter. Voilà les pièges que Loiseau a brillamment réussi à éviter.
Mais Trois fois rien est plus qu’une comédie sur 3 SDF qui se retrouvent avec un gros lot. C’est une façon de montrer que pour s’en sortir, il y a de nombreux obstacles placés là par la société. Ici il s’agit de la France, mais au Québec, les défis seraient les mêmes.
Les séquences dans les banques et dans les administrations sont délirantes : On y voit – avec humour – un cercle vicieux qui confine les 3 personnages dans leur misère. Ça rappelle la fameuse chanson des Colocs, Passe moé la puck. La réalisatrice aurait pu faire son film uniquement sur ça et elle n’aurait pas manqué de matériel tellement cette situation est ridicule. Pour retirer un gros lot, il faut avoir une adresse. Mais pour avoir un appartement, il faut de l’argent. C’est là que la réalisatrice mise le plus sur l’humour. Ces séquences où les 3 hommes tentent de récolter leur argent sont judicieusement humoristiques.
Puis le film bascule…
Trois fois rien suit à merveille la recette de la comédie dramatique. Je ne le dis pas de façon négative. Parfois, les réalisateurs tentent d’en faire trop : trop de rire, trop d’émotion. Ou, au contraire, ils n’en font pas suffisamment et on ne ressent rien.
Mais ici, Loiseau s’empare d’un sujet dur, relié à notre quotidien, et elle réussit à nous faire rire (surtout dans la première moitié du film) et à nous bousculer et à nous faire pleurer — en tout cas, ça a marché pour moi — dans la deuxième partie du film. Sa recette est judicieuse. Elle donne une belle profondeur à ses personnages, tout en leur gardant une part de mystère. Chacun d’eux à sa propre cause ou raison pour s’être retrouvé en situation d’itinérance. Le spectateur, lui, en découvrira une partie à mesure que l’histoire progresse. Brindille, ça aurait pu être moi. Peut-être est-ce la raison pour laquelle ce film m’a tant touché. Parfois, on se retrouve à regarder un film sans savoir ce que c’est et on tombe sur quelque chose qui est très proche de soi.
Je dois dire que Philippe Rebbot et Antoine Bertrand sont particulièrement bons dans un rôle très difficile. Ces rôles d’hommes vulnérables et seuls ensemble méritent d’être regardés avec le plus grand respect, car il est facile de tomber dans la caricature. Et ce n’est pas le cas ici.
Du côté plus anecdotique, j’ai envie de vous parler rapidement des difficultés qu’on peut rencontrer quand on tourne ce genre de films. La réalisatrice explique ceci en parlant des scènes où les personnages gagnent au loto :
« On fait une comédie sur des SDF », inutile de dire que ça a été très compliqué à plein d’endroits. Ce n’est pas si anecdotique par exemple que la Française des jeux ait refusé qu’on utilise son nom et son logo au motif que le film n’était pas « dans l’ADN de leur marque ».
Ne vous demandez pas pourquoi peu de films traitent de façon réaliste de sujets durs touchant des institutions publiques. Je vous invite fortement à aller voir Trois fois rien en salles et rencontrez ces 3 hommes, SDF, ces « trois fois rien » aux yeux de la société.
Bande-annonce
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