« Les invisibles, je vais les rendre visibles. »
Marianne Winckler (Juliette Binoche) est une écrivaine reconnue. Elle veut vivre de l’intérieur le quotidien et la précarité des travailleuses préposées au nettoyage, aux ménages des espaces commerciaux. Elle va à l’embauche et se retrouve à travailler très dur, de nuit, à laver des chiottes et courir comme une folle pour être au même rythme que les équipes dont elle fait partie. Elle se laisse prendre d’amitié avec quelques jeunes femmes qui ne jouent pas à la travailleuse, des femmes qui doivent gagner leur vie et éviter de se faire renvoyer, car le taux de chômage est très élevé.
À première vue, je craignais de voir Juliette Binoche dans un rôle d’ouvrière, elle qui nous a si souvent éblouie dans des rôles de femmes somptueuses, plus bourgeoises. Mais je dois avouer qu’elle remplit parfaitement ce rôle d’ouvrière à la petite misère comme on dit. Elle est crédible, attachante et touchante.
Pour ce qui est du film d’Emmanuel Carrère, le déroulement du scénario se fait intelligemment. On entre dans ce monde de travail précaire, de misère et de petits logements ordinaires. Une chose remarquable dans son film, il n’y a personne de méchant. Personne n’est ennemi du bien.
Bien que ce film n’apporte rien de très nouveau, de très créatif, il demeure intéressant. Une recette de scénario qui découle librement de Le Quai de Ouistreham, un roman de Florence Aubenas et qui situe l’action au Port de Caen-Ouistreham en France.
Évidemment, le drame de l’histoire, c’est la découverte par les amies proches de Marianne qu’elle est une fausse ouvrière. La tension dramatique est jouée très sobrement, des silences, des regards déçus, la fin d’une solidarité qui s’avère fausse.
Les actrices sont formidables, les scènes de travail, de nettoyage des urinoirs, les lits souillés à changer, tout est admirablement rendu. On travaille avec elles. C’est documentaire sans tomber dans le genre.
Juliette Binoche me fait penser à Meryl Streep. Une dame noble, impliquée dans des causes sociales. C’est elle qui voulait faire ce film, parler des femmes prisonnières de conditions de travail très précaire et sans issue.
Une note positive aussi à la distribution, des femmes qui n’ont pas l’air d’actrices, des grosses, des édentées, des tatous, du bowling (bouligne comme elles disent); la classe ouvrière légèrement caricaturée.
Donc, un film qui parle d’imposture, mais surtout de la misère ordinaire. Celle qui se vit dans le quotidien de millions de femmes, parfois immigrantes, mais toujours qui essaient de se tenir la tête hors de l’eau.
Une scène montre aussi des réfugiés soudanais qui marchent au petit matin, comme pour montrer qu’il y a toujours pire que soi…
Le titre de ce film aurait aussi pu être La vie des autres…
À voir pour Binoche, mais surtout pour la condition des femmes de notre monde.
Bande-annonce
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