« Libraries are the bedrock of civilization. »
[Les bibliothèques sont le socle de la civilisation.]
Yoli Von Riesen (Alison Pill) et Elf (Sarah Gadon) sont deux sœurs qui s’aiment, mais pour lesquelles la réalité est à l’opposée. L’une une pianiste talentueuse obsédée par l’idée de mettre fin à ses jours, l’autre une écrivaine en difficulté qui, aux prises avec cette décision, fait de profondes découvertes sur elle-même.
Alors que Yoli et Elf établissent leurs positions, le passé dicte le présent — non seulement le choix de leur père, mais leur éducation mennonite oppressante. Alors que Yoli transforme ces souvenirs en raisons de vivre, Elf les voit comme des marqueurs d’une conclusion inévitable.
Avec All my Puny Sorrows, basé sur le roman éponyme de Miriam Toews, Michael McGowan offre une histoire déchirante sur la vie, la mort, le suicide et la dichotomie amour/haine que des sœurs peuvent ressentir l’une envers l’autre par moments.
Ça faisait quelques mois que je n’étais pas tombé sur un film qui traite du suicide assisté. Bien que All my Puny Sorrows aborde plus le thème du suicide au sens large, l’idée du suicide assisté y est tout de même présente.
Mais ce qui est intéressant ici, c’est l’opposition que le scénario met en place avec les deux personnages principaux des sœurs, ainsi que les personnages des parents des deux filles. Yoli Von Riesen a pris une série de mauvaises décisions à la suite d’un mariage raté. Sa carrière d’écrivain bat de l’aile, ses incursions dans la romance ne sont pas réfléchies, ses finances sont en désordre et elle est toujours hantée par le suicide de son père (Donal Logue) il y a dix ans. Mais tout comme sa mère avant elle, elle traverse la vie avec une résilience et une force de caractère magistrale. En revanche, sa sœur Elf semble vivre la vie opposée. C’est une pianiste au succès international, qui a un mari fantastique (Aly Mawji), des admirateurs qui l’adorent et une carrière qui l’envoie dans le monde entier pour jouer dans des salles de concert à guichets fermés et qui lui apporte une grande sécurité financière. Cependant, comme son père avant elle, elle n’a qu’un désir : mourir.
Avec son film, McGowan jette un regard — et un jugement — sur la valeur des raisons amenant une personne à vouloir mourir. Cela crée une œuvre forte sur les relations familiales.
Parce qu’Elf veut mourir et Yoli veut qu’elle vive, les deux sœurs sont des ennemis qui s’aiment. D’ailleurs, les scènes de conflit entre les deux sœurs se succèdent, menant à une escalade de ton et de frustration des deux côtés. Elf demande à Yoli de l’amener en Suisse, pour ajouter, une fois que sa sœur a accepté, que c’est pour pouvoir se présenter dans une clinique où on pratique l’euthanasie. La relation entre les deux femmes est pleine de réalisme. Le spectateur ne peut faire autrement que de se sentir coincé dans un possible dilemme moral.
Sans grande surprise, on peut imaginer, grâce aux scènes se déroulant 10 ans plus tôt, que la rigoureuse vie religieuse de la famille est pour quelque chose dans le haut taux d’insatisfaction de ses membres face à leur vie. Mais la réalité est telle que chaque personne vit cette insatisfaction différemment.
On pourrait aussi voir, dans l’unité familiale et dans son niveau de bonheur, que le dicton qui dit que les idiots sont plus heureux est vrai. Les Von Riesen sont une famille extrêmement littéraire. Elf croit que « les bibliothèques sont le fondement de la civilisation » et, bien sûr, Yoli est une écrivaine. L’une des plus grandes réalisations du père a été de créer une humble bibliothèque dans leur communauté. Une partie du vocabulaire commun de la famille est qu’ils utilisent des citations et des extraits de livres comme pierres de touche pour aider à expliquer, protéger et éclairer. Citer des sources dans la littérature est une sorte d’armure pour les aider à faire face à l’impossible présent – et encore plus impossible futur.
Et parce que leur relation est imprégnée d’intimité et d’esprit, cela rend l’impasse encore plus profonde.
En fin de compte, ce qui rend All My Puny Sorrows si compliqué et si subtilement édifiant, c’est que le chagrin dévastateur de l’histoire est contrebalancé par l’amour incroyable unissant les 3 femmes résilientes de l’histoire : Yuni,sa mère et sa fille.
Et comme c’est souvent le cas, et de façon ironique, de la tristesse vient l’art et l’illumination. Quant au spectateur, il ressort de cette expérience avec un sentiment doux/amer et un désir de persévérance accru.
Note : 8.5/10
All My Puny Sorrows est présenté au VIFF, les 3, 6 et 10 octobre 2021.
Titre original : All My Puny Sorrows
Durée : 103 minutes
Année : 2021
Pays : Canada
Réalisateur : Michael McGowan
Scénario : Michael McGowan
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