« J’ai définitivement une aventure avec votre femme. »
Sexual Drive est un triptyque non conventionnel — à parts égales de thriller, de comédie sexuelle et de gastronomie — suivant la vie apparemment sans lien de trois personnes à travers le Japon et leurs appétits, à la fois culinaires et charnels. Dans la première histoire, le designer Enatsu s’inquiète de son mariage sans sexe. Ensuite, l’employé de bureau Akane se remet d’attaques de panique provoquées par la conduite. Dans le dernier tiers, l’agent de publicité d’élite Ikeyama veut mettre fin à une relation avec sa maîtresse. Reliant tous les trois est un homme mesquin, disant s’appeler Kurita. Il apparaît à chacun et leur présente un secret. À la fois choquant et révoltant, Kurita révèle peu à peu, à chacun, des vérités profondes et alléchantes concernant leurs pulsions sexuelles…
Avec Sexual Drive, Kôta Yoshida redéfinit l’idée du thriller sexuel. Tel son personnage central, ce film surprendra le spectateur et lui en apprendra sur lui-même…
Ce qui est incroyable avec le film de Yoshida, c’est qu’il flirte avec la copulation tout en restant dans l’abstrait. On dit souvent qu’il y a un lien fort entre la nourriture et la sexualité. Ce n’est pas pour rien que l’un des hashtags les plus populaires de Instagram est #PornFood. Ici, le réalisateur utilise la nourriture afin de remplacer les ébats.
Dans sa première vignette, « Natto », un homme mystérieux nommé Kurita simule un cunnilingus sur une boîte dudit plat de soja, comparant sa texture filandreuse et sa senteur subtilement piquante à une vulve. Une partie de son nom, « Kuri », signifie, d’ailleurs, châtaigne, un souvenir que ce personnage énigmatique laisse derrière lui dans les trois chapitres, après une leçon d’éveil sexuel pour ceux qu’il rencontre. “Kuri” est probablement aussi un jeu de mots, car c’est aussi un mot que certains utiliseraient pour désigner le clitoris.
Dans « Mapo Tofu », Kurita révèle son penchant masochiste, qu’il aurait développé après avoir été victime d’intimidation et de mutilation par l’héroïne de la vignette, ce qui provoque ensuite quelque chose en elle. C’est une représentation de S&M jamais vue auparavant : pas de fouets, pas de latex, juste la saveur chaude comme de la lave du plat du Sichuan qui évoque à parts égales la douleur et le plaisir. Cette rencontre inspire plus tard un plan de la femme en train de cuisiner du tofu mapo. Scène qui rivalise avec la plupart des scènes de sexe jamais montrées.
Le dernier chapitre, « Ramen With Extra Back Fat », reconnaît l’expérience transcendante de manger des ramen, en le détournant vers un appétit charnel. Les hommes transpirent et avalent des nouilles salaces. Il n’y a pas de tranches de porc que l’on puisse pousser avec amour, mais plutôt un tas de gras dorsal que le narrateur (Kurita) compare à un monstre. La femme qui reçoit ce ramen tremble et se soumet à la violence de son plat, imitant sa moiteur. À la recherche d’une libération sexuelle, elle dévore le plat avec l’ardeur qu’elle offrirait à son partenaire.
On dit que la tête est à la base de l’excitation et de la jouissance. C’est exactement ce que démontre Sexual Drive. Dans l’exécution singulière de la pornographie culinaire de Yoshida, tout sauf l’excitation est abstrait.
Les fantasmes, ou histoires racontés par Kurida restent racontés avec une certaine pudeur typique du Japon. Il ne serait pas juste de dire qu’il s’agit de pornographie. Pourtant, les mots et les réactions des personnages (surtout des femmes) font le travail pour le spectateur. Est-ce que ce serait aussi efficace sur un public féminin? Je ne pourrais dire. Mais ça fonctionne très bien sur un homme. Jamais un film qui ne montre pas de peau n’aura été aussi excitant à regarder.
Fantasia se termine ce soir. Si vous cherchez un peu d’émotion dans votre journée, faites vite et lancez-vous dans cette expérience sensorielle.
Je n’irais pas jusqu’à dire que Sexual Drive est un grand film. Mais il est génial. Il est rare que l’abstrait soit si concret.
Un film à ne pas manquer!
Note : 8/10
Sexual Drive est présenté au festival Fantasia du 5 au 25 août 2021.
Bande-annonce
Titre original : Sexual Drive
Durée : 70 minutes
Année : 2021
Pays : Japon
Réalisateur : Kôta Yoshida
Scénario : Kôta Yoshida
© 2023 Le petit septième