« — J’ai rendez-vous avec Micheline ce soir.
— Oui, comme tout le monde!»
En 1981, Hubert Bonisseur de La Bath (Jean Dujardin) se rend en Afrique de l’Est, au Kenya, pour aider le dirigeant à mater des rebelles dans le cadre de la Françafrique. Pour cette nouvelle mission, plus délicate, plus périlleuse et plus torride que jamais, il est contraint de faire équipe avec un jeune collègue, le prometteur OSS 1001 (Pierre Niney).
Douze années (et quelques déboires) se sont écoulées depuis le dernier périple de notre espion français au Brésil (OSS 117 : Rio ne répond plus [2009]). Même si Jean Dujardin et le scénariste Jean-François Halin sont de retour pour ce nouveau volet, le réalisateur Michel Hazanavicius confie sa place à Nicolas Bedos (La belle époque [2019], Les infidèles [2012]) pour reprendre le flambeau. Est-ce que ce petit changement est prometteur ou plutôt décevant?
Avant de parler du film, j’aimerais revenir un peu en arrière et vous en dire un peu plus sur l’historique qui se cache derrière le personnage d’Hubert Bonisseur de La Bath.
0SS 117, c’est d’abord et avant tout une série de romans d’espionnage créée en août 1949 par l’écrivain français Jean Bruce, en pleine Guerre froide (ce qui rend le contexte plus prolifique à l’inspiration sur l’espionnage). À la mort de l’auteur en 1963, sa femme Josette, puis ses enfants François et Martine, reprendront les aventures d’OSS jusqu’en 1992. Eh bien oui, notre agent secret français n’a rien à envier à James Bond, son confrère des services secrets britannique, qui lui, a vu le jour en 1953.
Dans le roman, le héros est donc Américain, puisque l’Office of Stategic Services (OSS) est un service de renseignement dépendant de Washington (et ancêtre de la CIA). Pour rendre son personnage plus français, Jean Bruce lui donne le nom d’Hubert Bonisseur de La Bath, issu d’une vieille famille aristocratique ayant fui la Révolution de 1789 pour se réfugier en Louisiane. Quatorze films ont ainsi vu le jour entre 1957 et aujourd’hui. Le cinéaste André Hunebelle en a réalisé quatre dans les années 60. Il était déjà bien connu en France avec la trilogie Fantômas. Il n’y aura plus aucun film sur ce personnage jusqu’à ce que Michel Hazanavicius reprenne le flambeau en 2006. OSS 117 devient alors une comédie parodiant le film d’espionnage à l’ancienne, transformant Hubert Bonisseur de La Bath en Français xénophobe, misogyne et prétentieux comme nous le connaissons si bien.
Nous sommes alors en 1981, les temps ont changé, les mœurs évoluent, mais Hubert Bonisseur de La Bath (Jean Dujardin) devient ici Émile Cousin (sa nouvelle identité) et il reste fidèle à lui-même. Il glorifie toujours le général De Gaulle, émet toujours des remarques racistes, homophobes et sexistes dès qu’il en a l’occasion, et se comporte toujours de façon déplacée envers la gent féminine. Ce décalage entre l’homme et l’époque sera symbolisé par l’arrivée du jeune et moderne OSS 1001, incarnée par Pierre Niney, qui permettra une nouvelle dynamique en confrontant plus que jamais Hubert au monde moderne. Ainsi, durant la première heure du film, Hubert est en pleine perdition : l’effritement de sa virilité est mis à l’épreuve (il bande mou), il est devenu spectateur de son propre vieillissement et surtout sa manière d’agir est totalement remise en question. Même s’il tente tant bien que mal de changer, il en est incapable. De plus, il se fait voler la vedette par son jeune acolyte OSS 1001.
Mais l’agent 117 ne sonne plus pareil dans le cinéma d’après #metoo. Le regard de l’industrie cinématographique comme celui des spectateurs-rices a également changé. L’exercice semble beaucoup plus périlleux en 2021 qu’en 2006 ou 2009. En somme, Bedos se voit confier la lourde tâche d’assurer la continuité et cela se ressent un peu trop. Malgré le choix audacieux de sa part et de celle de Jean-François Halin, le scénariste, ainsi que la bonne performance de Dujardin, il faut reconnaître que remettre le style OSS au cœur des débats actuels est une recette qui ne fonctionne plus comme avant.
Les dialogues et la répartit entre les personnages sont moins bien pensés. Quelques incohérences temporelles se font ressentir (pourquoi aller en 1981 et non en 1975 par exemple?) Pourquoi Oss 117 s’adapte-t-il sans problème à l’ère informatique? Tout au long du film, les auteurs jonglent entre la provocation (propre au personnage du film) et à une nouvelle acception du « politiquement correct » (tel que l’imagine Bedos). Ce qui rend le tout un peu moins assumé et un peu moins satirique, car rappelons le, le but est de se moquer avant tout de ce genre de comportement et en aucun cas d’en faire l’apologie.
Il faut bien reconnaître que ce dernier opus est la suite d’une des comédies françaises les plus cultes et les plus appréciées de ces 15 dernières années. Ce qui bonifie encore plus avec le temps les deux premiers volets par rapport à la qualité des répliques, des décors et de la mise en scène. Difficile à battre…
Oss 117 : Alerte rouge en Afrique Noire reste en soi un beau film bien tourné techniquement même si le montage se distingue un peu moins que dans les deux premiers films. Niveau direction artistique, les années 80 se font un peu moins ressentir. Ce qui est intéressant, c’est de remarquer que le générique du début rappelle incontestablement les génériques d’introduction des anciens James Bond (en particulier Goldeneyes et The Living Daylights), mais il y a une petite subtilité, celle de la typographie qui reste proche de celle des livres originaux. Un beau mélange d’influences.
En conclusion. Nous pourrions dire que ce film est un peu à l’image de René Coty : amicale et populaire, mais qui ne marquera pas l’histoire.
En salle au Québec depuis le 4 août sous le titre de : 0SS 117 : Bons baisers d’Afrique. En France, le titre original est: Alerte rouge en Afrique Noire.
Proposé par la formidable émission de Luc Lagier: Blow Up.
C’est quoi Jean Dujardin?
Note : 6 /10
Bande-annonce
Titre original : OSS 117 : Alerte rouge en Afrique Noir
Durée : 116 minutes
Année : 2021
Pays : France
Réalisateur : Nicolas Bedos
Scénario : Jean-François Halin
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