«– Pourquoi tu n’es pas parti?
– J’ai tenté de fuir, mais on m’a arrêté. »
Plus de quarante ans après avoir fui la guerre du Vietnam par le Laos, une Canadienne réfugiée Boat People effectue un retour aux sources afin de mieux comprendre son histoire familiale. Elle part retrouver une tante âgée restée là-bas avec qui sa famille avait perdu le contact depuis plus de 50 ans. Ces retrouvailles émouvantes sont l’occasion d’un voyage de découverte et de quête identitaire au travers du pays d’origine, mais également du Laos et du Cambodge qui avec le Vietnam composaient jadis l’Indochine Française. À travers des rencontres avec des gens ordinaires au parcours extraordinaire, le film tisse des liens entre l’éclosion de la guerre dans cette région du monde et des décennies de colonisation.
Long métrage documentaire dans lequel Thi Be Nguyen (à la scénarisation) et Marie-Hélène Panisset (à la réalisation) (re)parcourent le difficile chemin jusqu’aux origines. Une route sinueuse, marquée par quelques détours – un portrait sans cadre.
Après un premier documentaire dans lequel la question des boat people a été abordée – par l’entremise de témoignages de survivants – le duo formé par Nguyen et Panisset travaille sur une certaine suite, un « après » dans lequel elles s’intéressent à ceux et celles qui sont restés au Vietnam, que cela ait été par choix ou par obligation. En filigrane, l’histoire familiale de la scénariste – un peu pour terminer ce qui a été entamé dans Une nuit sans lune.
Les premières minutes du documentaire proposent de retracer l’histoire de l’Indochine française, et ce, par le biais des trois pays : le Vietnam, le Laos et le Cambodge. De nombreux intervenants prennent la parole et rapidement, la trame narrative emprunte plusieurs voies.
C’est dans un désir d’en apprendre un peu plus sur sa propre histoire que Nguyen entame le voyage qui est relaté dans le documentaire. À la suite d’un contretemps, les plans changent rapidement et plutôt que d’assister à une rencontre entre sœurs, le film prend les allures d’un voyage familial.
À l’équipe s’ajoute aussi un officier du gouvernement vietnamien qui supervise la captation. Un échange entre lui et la scénariste le mentionne sans aucun détour : le documentaire doit se faire sous les conditions du gouvernement. C’est lui qui délivre les permis et c’est lui qui décide des lieux où il est possible de filmer.
Les personnes rencontrées tout au long du documentaire sont là pour rappeler au public qu’il est possible de faire mieux. Que la mémoire des lieux peut devenir une mémoire collective. Que l’art peut renaître de ses cendres et brûler plus que jamais. Que la famille est partout.
Le corps se rappelle les traumas vécus et le documentaire, par ses images sans filtre, nous confronte à l’horreur humaine. De gros plans sur certaines parties du corps suggèrent qu’au-delà des paroles, de ce qui est dit, il y a la réaction instinctive de la chair.
Un malaise profond pour les scènes filmées à Tuol Sleng, ancienne prison de l’époque de Khmers Rouges (1975-1979), pendant lesquelles une voix hors champ récite les règles de ce lieu où des milliers de Cambodgiens furent torturés. Il n’est pas possible de tout couvrir dans un documentaire de 90 minutes et c’est peut-être maladroit que d’avoir cherché à couvrir une portion si importante de l’histoire du Cambodge en quelques minutes… presque théâtrales. Dans aucun cas, les traumas des uns ne devraient être utilisés à faire « avancer » une histoire – parce que les survivants et les générations qui suivent portent encore en eux cette mémoire traumatique. Les intentions ne sont assurément pas de mal faire, mais l’exécution est certainement malhabile et certains pourraient parler d’appropriation.
Une partie du documentaire s’intéresse au travail philanthropique d’une Suissesse dont le cœur appartient maintenant au Vietnam. Ce moment permet à la personne qui visionne d’en apprendre plus sur la mission de l’Association Maison Chance, mais aussi sur l’envers des conflits armés. C’est notamment le cas lorsqu’il est question l’utilisation de l’agent orange au Vietnam. L’équipe part à la rencontre de survivants, de dommages collatéraux. Importante réflexion sur la guerre, mais aussi sur les conséquences de celle-ci. Parce qu’au-delà des vainqueurs et des perdants, il y a aussi la population qui a juste subi les combats. Des traumas qui sont passés de génération en génération, pour en affecter trois et probablement d’autres à venir.
Certains passages du documentaire semblent être « forcés » dans une trame narrative quelque peu maladroite. À plusieurs moments, le documentaire semblait dévier de son objectif de départ. Entre les témoignages, les visites aux musées, les histoires personnelles et les moments en famille, lors de l’écoute du long métrage, il a fallu revenir aux propos de départ à plusieurs reprises.
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Un documentaire maladroit dans lequel on s’égare, par moments, mais marqué par des intentions nobles. Le retour aux origines peut-il être une quête collective?
Note : 6,5/10
Bande-annonce
Titre original : Coming Home : Par-delà une nuit sans lune
Durée : 92 minutes
Année : 2019
Pays : Canada (Québec)
Réalisateur : Marie-Hélène Panisset
Scénario : Thi Be Nguyen
© 2023 Le petit septième