« The Internet is coming for you, get ready! »
[Internet vous attaque, préparez-vous!]
Commander X (alias Christopher Doyon) a passé du temps dans les rues de Toronto et du Mexique à se cacher du FBI. Mais c’est sur Internet, où il se sent le plus à l’aise, que cet infâme hacktiviste a gagné en notoriété. Grâce à son affiliation avec Anonymous, le réseau en ligne délibérément insaisissable et responsable d’avoir envoyé des entreprises au plancher et de perturbations politiques, Commander X avait une plate-forme pour épouser ses convictions et se lier d’amitié avec des personnalités puissantes comme Julian Assange. Il s’attribue le mérite d’avoir paralysé les sociétés de cartes de crédit qui tentaient de mettre à l’écart Wikileaks et revendique également un rôle dans le printemps arabe. Il est tout à fait raisonnable d’être sceptique quant à la raison pour laquelle un Doyon au franc-parler veut révéler ses exploits et exposer un groupe qui protège son identité secrète.
Nous sommes à une époque où les conspirations en ligne prolifèrent malgré un examen minutieux. Le moment était donc parfait pour entendre le discours de quelqu’un qui a été à l’avant-garde de cette ère de l’information. Gary Lang propose, avec The Face of Anonymous, un profil de quelques personnes ayant participé de près ou de loin aux débuts du mouvement Anonymous.
The Face of Anonymous présente une série de protagonistes, dont quelques personnes ayant contribué à la création du mouvement Anonymous. Le plus amusant dans tout ça, c’est que le documentaire démontre assez bien qu’on peut maintenant dire d’une personne avec qui on a travaillé à monter une conspiration : « je ne le connais pas ». Il semble que ces hommes ne se soient jamais rencontrés autrement que par la magie du web.
Il semble, d’ailleurs, que les uns n’ont pas beaucoup de respect pour les autres. Et pourtant, ils ont réussi à faire tomber des gouvernements, mis au carreau les sites de Visa, Master Card et PayPal, et ainsi de suite. C’est donc par les témoignages du Commander X, Ian Thornton, Greg Housh, Barrett Brown, et plusieurs autres que l’histoire d’Anonymous prend forme ici.
Mais le documentaire met surtout l’accent sur Christopher Doyon, un bien triste personnage. Il aurait, non seulement, été la figure emblématique du mouvement, mais aussi la raison de la chute du groupe d’Hacktivistes. C’est par le biais du romancier torontois, Ian Thornton que nous sommes présentés au Commander X, Thornton avoue, d’ailleurs, qu’au début il ne pouvait pas croire que le mendiant maigre, usé et bavard avec lequel il s’était lié d’amitié était un cyber (warlord) chef de guerre qui fuyait le FBI depuis six ans.
Nous apprenons ensuite que Doyon est un révolutionnaire de la vieille école. Adolescent passionné d’informatique, il a fui une enfance difficile dans la campagne du Maine, se déplaçant à la manière de Zelig à travers divers points chauds d’activistes et se mettant au piratage bien avant que la plupart d’entre nous n’entendent le terme. Il se considère comme un combattant de la liberté qui a contribué à façonner le 21e siècle. Rien de moins.
Mais à mesure que le film avance, on découvre que l’homme est loin d’être le Batman qu’il prétend être. Le portrait de Doyon est aussi honnête qu’on peut le vouloir. Loin de l’auréoler, le film nous montre surtout un homme isolé, abandonné par le mouvement qu’il a créé, et sans grande valeur. Un homme qui s’est exilé au Mexique et demande l’asile politique sans même avoir appris 3 mots d’espagnol (au bout de 2 ans à survivre au pays.
C’est à la fin du printemps 2020 — au milieu de la pandémie de coronavirus, de Black Lives Matter et de la couverture de l’investiture présidentielle américaine — que les grands médias ont rapporté que le réseau anarchique « hacktiviste » Anonymous était de retour après plusieurs années de calme relatif. « Nous exposerons vos nombreux crimes au monde », a déclaré un messager masqué au département de police de Minneapolis dans un clip qui est devenu viral, captivant des millions de jeunes téléspectateurs. C’était le retour du fameux « We are legion, expect us. »
C’était aussi le moment parfait pour Lang de raconter les débuts d’un mouvement qui aura permis de montrer à quel point le monde numérique pouvait s’attaquer au monde physique.
Et avec The Face of Anonymous, le réalisateur nous rappelle que lorsque PayPal, Mastercard et VISA ont décidé d’empêcher les gens d’utiliser leurs services pour soutenir Wikileaks, Anonymous a mené la charge pour bombarder leurs sites Web, coûtant soi-disant des millions aux 3 géants. Que lorsque le gouvernement égyptien a coupé Internet pendant le printemps arabe, Anonymous a mis en place divers moyens afin de permettre aux manifestants de poursuivre leur combat et de faire tomber les gouvernements.
Au final, ce film reste fascinant malgré quelques faiblesses. À voir ne serait-ce que pour décrypter le phénomène Anonymous.
Note : 8/10
The Face of Anonymous est présenté aux Hot Docs, en ligne, du 29 avril au 9 mai 2021.
Bande-annonce
Titre original : The Face of Anonymous
Durée : 87 minutes
Année : 2020
Pays : Canada
Réalisateur : Gary Lang
Scénario : Gary Lang
© 2023 Le petit septième