« People just don’t know what’s going to happen. You know that great Eleanor Roosevelt quote ‘Do something that scares you every day’ – well, that’s the cannabis business right know. »
[Les gens ne savent tout simplement pas ce qui va se passer. Tu sais, cette citation magnifique d’Eleanor Roosevelt “Fais quelque chose qui t’effraie chaque jour” – bon, c’est le business du cannabis en ce moment.]

Six femmes cultivatrices, vendeuses ou défenseuses du cannabis en Californie – des vieux routiers aux novices –, le documentaire Lady Buds (2021) de Chris J. Russo accompagne ses protagonistes féminins tout au long de leurs combats entrepreneuriaux à la suite de la fameuse « California Proposition 64 », référendum pour la légalisation complète du cannabis dans l’État fédéral après la légalisation partielle en 1996, pour des besoins médicaux. Avec le résultat positif du référendum de 2016, la consommation libre de cette drogue y a fait naître toute une industrie de nouveaux cultivateurs, tout en permettant aux anciens cultivateurs, ayant travaillé dans l’ombre jusque-là, de sortir de leurs cachettes. Or, avec la concurrence des grandes entreprises, les petits ont du mal à survivre, surtout dans la jungle de la bureaucratie américaine…

The American Dream 

On ne s’y attendrait pas – revoilà, les stéréotypes bien connus! –, mais la plupart du cannabis de Californie est produit par des femmes qui, elles aussi, avec la communauté LBGTQ, ont contribué à la première étape de la légalisation lors de la crise du SIDA dans les années 1990 – où les effets antalgiques de cette plante étaient la dernière lueur d’espoir pour les agonisants. C’est cette découverte qui a amené la réalisatrice à produire ce film : 

« This important finding, along with hearing cannabis farmers speak about going legal as ‘coming out of the shadows’ after living a double life for decades, mirrored my personal experience of ‘coming out of the closet.’ As a queer-identified filmmaker, I understand what it means to be an outlier, and I relate to the renegade spirit of the women who risk their freedom for something they passionately believe in. » [Cette découverte importante, et le fait que j’entendais les cultivateurs décrire le passage à la légalité comme une “sortie de l’ombre” après avoir mené une double vie pendant des décennies, a reflété ma propre expérience de la “sortie du placard”. En tant que réalisatrice queer je comprends ce que cela veut dire d’être un marginal, et je m’identifie à l’esprit renégat des femmes courant le risque de perdre leur liberté pour quelque chose en quoi elles croient passionnément.]

L’objectif déclaré était donc de brosser le portrait de ces « superhéroïnes » californiennes qui, en dépit de tous les obstacles, ne cessent de poursuivre leurs buts et représentent ainsi des modèles positifs pour nous tous. 

Les héroïnes

Quelles sont donc ces « Lady Buds », ces « ladies » mercantilisant les bourgeons (« buds ») de la plante cannabique? À part les pionnières de la première heure, les « Bud sisters », il y a l’ancienne gérante de restaurants new-yorkaise Karyn Wagner, distributrice couronnée de succès, racontant de ses débuts quand elle transportait la marchandise précieuse très prisée par ses amis de la côte Est, bien cachée dans ses sacs de Louis Vuitton. Chiah Rodrigues, tout comme son mari et ses deux fils, ne connaît que la production du cannabis – avec son père comme producteur local, elle a dû faire attention à ce qu’elle rapportait à l’école – afin de ne pas dévoiler le gagne-pain familial. Maintenant, il n’est pas interdit de vendre le cannabis – mais la bureaucratie américaine rend l’installation d’une propre entreprise difficile, surtout pour les petits cultivateurs – Sue Taylor, pensionnée de 72 ans et ancienne principale d’une école catholique, en sait quelque chose : depuis une décennie elle travaille afin de réaliser son plus grand rêve – rendre la drogue lénifiante accessible aux séniors, car : « Most seniors that I work with are on from 15 to 26 pills a day. And they are not getting any better. Cannabis can help almost every ailment that seniors have. »  – « La plupart des séniors avec lesquels je travaille prennent entre 15 et 26 comprimés par jour. Et ils ne vont pas mieux. Le cannabis peut aider avec pratiquement tous les maux que les séniors ont. » Enfin, il y a l’activiste queer latine Felicia Carbajal, venue à San Francisco afin de vivre ouvertement sa sexualité et engagée dès lors dans la légalisation du stimulant – surtout pour les groupes marginalisés. 

Du suspense

S’alternent dans Lady Buds des entretiens avec les femmes, filmées lors de leur travail dans les champs, aux divers offices, chez elles avec leurs familles, et des extraits de la couverture médiatique à la télé. Ces derniers documentant l’évolution de la situation après l’entrée en vigueur de « Prop 64 » – aux frais des petites entreprises locales. Nos mesdames californiennes trouveront-elles un moyen pour être à la hauteur des grands concurrents? Cette question de base, avec la musique de fond entraînante, font en sorte que ce documentaire développe, par moments, des éléments rappelant le thriller. Mais qui serait plus qualifié pour relever ce défi que des femmes qui, montrées souvent au ralenti, se déclarent elles-mêmes comme des « rebelles », prennent un smoothie aux feuilles de cannabis et de pastèque comme petit-déj, passent à une dégustation cannabique dans l’après-midi et finissent la journée par une opération secrète : la livraison des revenus par courrier…   Le générique du film donne ainsi le ton : après avoir reçu un sac en papier plein de billets, Karyn Wagner, entourée d’énormes quantités de cannabis dans une pièce sur son domaine, prend une pose fière. Les bras croisés, le regard provocant, elle a l’air de quelqu’un que rien n’arrête. Apparaît ensuite le titre en caractères colorés, grandissant et vibrant, qui fait tout de suite penser à la génération hippie. Mais ces femmes-là, Lady Buds le montre de manière convaincante, sont loin d’être dans la lune. 

Aux Hot Docs!

Lady Buds sera présenté dans le cadre du festival international de documentaire Hot Docs. Si vous êtes intéressé par la politique de la légalisation du cannabis aux États-Unis, vue sous un angle féminin, profitez de cette occasion et regardez-le!

Note : 6/10 

Bande-annonce

Fiche Technique : 

Titre original : Lady Buds
Durée : 96 minutes
Année : 2021
Pays : États-Unis
Réalisateur : Chris J. Russo
Scénario : Chris J. Russo et Tamara Maloney

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