« I am a library without books. »
[Je suis une bibliothèque sans livres.]
Quelque part le long de la frontière de la côte est américaine du milieu du XIXe siècle, deux couples voisins se battent contre la misère et l’isolement. Témoins d’un paysage splendide mais éprouvant, les testant physiquement et psychologiquement, ils devront trouver un moyen de survivre.
Avec The World to Come, Mona Fastvold offre une œuvre forte et touchante qui montre à quel point la vie pouvait être difficile autant pour les femmes que pour les hommes. Un film sans méchants, et pourtant…
La vie à la campagne au milieu du XIXe siècle est rude. Abigail (Katherine Waterston) et Dyer (Casey Affleck) travaillent du matin au soir pour vivre de leur ferme. Et je devrais dire « survivre ». Comme c’est malheureusement souvent le cas à l’époque, ils perdent leur enfant à un jeune âge. Et si la diphtérie n’emporte que la fillette, elle laisse le couple dans un piteux état.
Le choix de la réalisatrice d’user d’un rythme lent et d’une image sombre et terne augmente la sensation de malaise que ressent le spectateur en regardant ce couple évoluer. Jusqu’à ce que ces deux choses changent progressivement après l’arrivée de Tallie (Vanessa Kirby), la nouvelle voisine. À mesure que les deux femmes se rapprochent, le rythme s’accélère et l’image gagne en luminosité.
C’est grâce à la narration que nous fait Abigail, à mesure qu’elle écrit son journal, que le récit de The World to Come s’étale devant nos yeux. D’ailleurs, il n’y a que trois ou quatre plans dans tout le film où Abigail n’apparaît pas. Plus le récit avance, plus on comprend qu’à cette époque, le couple n’est pas au centre des relations « de couple ». La camaraderie entre voisins n’est pas non plus à l’ordre du jour. Lorsqu’Abigail et Tallie se lient d’amitié, cela cause des remous au sein des ménages. Dyer n’apprécie pas beaucoup la présence de la voisine auprès de sa femme. Tallie dérange l’ordre établi et, surtout, Abigail ne prend plus autant soin de ses — infinies — tâches à la maison.
Mais si Dyer n’aime pas la nouvelle amitié de son épouse, ce n’est rien en comparaison à la réaction du mari de Tallie. Les deux femmes devront donc garder leurs visites de plus en plus secrètes. Surtout lorsque leur relation deviendra ambigüe…
Éventuellement, elles sont séparées pour un temps. La réalisatrice présente de façon magistrale l’ennui d’Abigail avec l’utilisation des dates et des pages de son journal, qui se succèdent à un rythme très soutenu. Puis, Abigail dit (en narration) une phrase extraordinaire : « I am a library without books. »
Il aurait été facile de faire des maris les méchants de l’histoire. Quoi de mieux pour montrer l’amour impossible entre les deux femmes que de blâmer les hommes de leur vie ? Mais Fastvold résiste à la tentation. Le seul vilain dans cette histoire est la dureté de l’époque.
Non, il ne s’agit pas d’une œuvre joyeuse. J’en suis sorti quelque peu déprimé. Mais The World to Come est un film juste et marquant, avec des acteurs au sommet de leur art.
Note : 9/10
Bande-annonce :
Titre original : The World to Come
Durée : 98 minutes
Année : 2020
Pays : États-Unis
Réalisateur : Mona Fastvold
Scénario : Ron Hansen et Jim Shepard
Article minutieusement révisé par Révizio inc.
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