« Parfois je trouve les autres filles belles. Et j’aime aussi ça quand je viens à toucher le corps d’une autre fille. »
Dans le microcosme multiculturel de son quartier berlinois, il y a de nombreuses premières fois pour Nora (Lena Urzendowsky), 14 ans. Elle a ses règles pour la première fois, fume de la marijuana, découvre son amour pour les autres filles et rencontre la sauvage Romy (Jella Haase). Avec elle, la zone bruyante de Kreuzberg semble soudainement infiniment vaste et pleine de beauté cachée. Alors que la chaleur colle à sa peau, Nora donne son cœur à la « wild » Romy et apprend à se tenir debout.
Avec Cocoon, Leonie Krippendorff offre un film touchant sur le concept du passage vers l’âge adulte. Elle mise sur l’utilisation de thèmes classiques du genre, sans tomber dans le cliché.
Après avoir visionné ce film, j’en suis venu à me demander comment ça se fait que je me retrouve à voir une si grande quantité de films traitant de l’adolescence au féminin… Ce questionnement me vient-il du fait que ces films traitent souvent du thème de l’identité?
Quoiqu’il en soit, Cocoon nous amène au moment précis de la vie de Nora où elle sortira de son cocon. La réalisatrice a eu la bonne idée d’illustrer ce passage de la fille très timide à la fille plus extravertie, en la mettant en parallèle avec l’insecte que l’adolescente élève : une chenille. Une comparaison qui peut sembler facile, mais qui est très bien utilisée.
Nora vient d’un milieu pauvre. Elle n’a que 14 ans et elle se questionne. Mais elle ne sait où chercher des réponses. Même l’enseignant d’éducation sexuelle ne l’aide pas vraiment lorsqu’elle lui demande conseil. Et comme c’est souvent le cas dans la réalité, elle devra trouver ses réponses par elle-même.
Non, ce n’est pas facile de faire son chemin dans la vie lorsque le seul modèle qu’on a est sa sœur de 2 ans son ainée. Surtout qu’elle n’est pas un modèle de responsabilité. Les deux filles sont plutôt laissées à elles-mêmes. Leur mère est absente, travaillant dans un bar et passant le reste de son temps à boire et à sortir.
Les personnes comme Nora et Jule, sa sœur, n’ont d’autre choix que de s’arranger. Et dans ces familles cela demande de la chance pour réussir à s’en sortir. Pour l’adolescente de 14 ans, cela passera par la rencontre de Romy.
Et donc, malgré la laideur du monde qui entoure Nora, la réalisatrice réussit à créer une œuvre belle, douce et touchante. Et la rencontre entre Romy et Nora donnera une belle opportunité à la réalisatrice de montrer la beauté dans la vie des personnages et non seulement à l’image. Ce passage du laid au beau – dans la vie du personnage – se fait tout en douceur. Tout s’installe par un simple regard. Un plan d’une demi-seconde. On comprend alors que l’histoire vient de basculer. Puis on attend que cela tourne au vinaigre…
Que serait l’adolescence sans des difficultés, de la peine, de l’amour et des peines d’amour?
La puberté et les questions qui l’entourent semblent être quelque chose d’intemporel. Pas étonnant que le sujet revienne encore et encore au cinéma. Et malheureusement, c’est souvent le genre des comédies grasses qui ramasse ce thème. Mais lorsque le réalisme social s’empare de la chose, ça peut donner de petits bijoux.
Comme le disait la réalisatrice lors d’une entrevue, « Deux générations après moi, Nora traite toujours des mêmes sujets: qui suis-je, quel genre de monde est-ce, comment veux-je me positionner et qui veux-je aimer? » Il semble que Krippendorff a bien gardé en mémoire ce qu’est cette période difficile. Évidemment, je ne suis pas et je n’ai jamais été une adolescente de 14 ans, j’en suis conscient. Mais quand on observe réellement le monde qui nous entoure on remarque des choses.
Quand on regarde Nora passer de la petite fille ultra timide qui suit sa sœur partout et qui se laisse mener par cette dernière, à la jeune femme qui « ose » affirmer son amour pour une fille en public, on ne peut que se revoir au même âge. L’enjeu n’est pas nécessairement important. Dans ce cas-ci, il s’agit d’accepter et de vivre son homosexualité. Mais à cet âge, on se retrouve dans un tourbillon de questionnements. Et Cocoon illustre merveilleusement bien ce moment charnière.
Cocoon raconte une histoire importante. C’est une histoire sur combien il est libérateur de se libérer de l’image créée par les médias et la société afin de se sentir vrai.
Et telle la chenille qui se transforme en papillon à la sortie de son cocon, Nora se transformera pour devenir qui elle est vraiment.
Note : 8.5/10
Bande-annonce
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