Red Post on Escher Street – Entre tradition et renouveau

Redpost on Escher Street - afficheTadashi Kobayashi, un grand réalisateur de film, organise des auditions pour son nouveau projet. Plusieurs nouveaux acteurs et actrices appliquent, mais certains ne passent pas et participent comme figurants, jusqu’à ce que Kobayashi perde le contrôle. Le film pourrait-il être fini sans accros?

Sono Sion est sans aucun doute l’un des cinéastes les plus uniques et les plus prolifiques du cinéma japonais. De 1989 à 2020, il a réalisé près de 44 films, sans compter les courts métrages et les séries télé. À titre de comparaison, Martin Scorsese a réalisé dans la même période seulement la moitié de ce qu’a fait le réalisateur nippon. Avec des films comme Suicide Club, Love exposure et Why don’t you play in hell?, ce dernier s’est vite imposé comme un cinéaste particulier, avec un style n’hésitant pas à entrer dans les excès les plus fous et à présenter des personnages haut en couleurs, le tout mélangé avec une mise en scène des plus travaillées et une profonde critique de la société japonaise. Certains cinéphiles le considèrent même comme un poète punk. Mais alors qu’il prépare son arrivée dans le cinéma américain avec Prisoners of Ghostland, qui met en scène Nicolas Cage, il nous offre Red Post on Escher Street. Un cadeau que le Festival du nouveau cinéma nous offre en le présentant dans la catégorie Temps Ø de son édition virtuelle de 2020. 

Du pure Sono…

Redpost on Escher Street - Du pur SonoEn regardant le film, les habitués du réalisateur ne seront pas dépaysés. En effet, on y retrouve les différents thèmes que le réalisateur aime aborder; le plus évident est sans aucun doute celui de la représentation de la femme, le casting du film étant essentiellement féminin. Mais chacun de ses personnages représente une situation dans laquelle les femmes de la société moderne peuvent être coincées, comme le deuil de leur mari, le désir de s’émanciper ainsi que le manque de reconnaissance de la part des autres. 

Un Autre thème important est le désir de se sortir de l’anonymat, les filles passant une audition pour devenir la vedette d’un film. On peut aussi observer une critique du fanatisme, l’éclatement des institutions mises en place (représenté ici par le tournage d’un film) et son amour pour le cinéma et l’art spontané à travers le personnage du réalisateur et de son ex petite amie. En effet, leur désir de créer une grande oeuvre cinématographique rappelle les cinéastes en herbe de Why don’t you play in hell? et de Forest of love. Tout cela est abordé dans le film et en fait une pure oeuvre de Sono Sion.

…et du différent Sion

Redpost on Escher Street - et du différent SionCependant, d’autres aspects  du film sont très étonnants venant de sa part. Non pas que c’est mauvais, mais son style est très différent du reste de sa filmographie. Effectivement, alors que le cinéaste présente généralement des situations et une mise en scène très exagérées – par exemple les très nombreux plans-séquences très complexes de Tokyo Tribe -, Red Post on Escher Street est plus calme. La mise en scène n’en fait pas trop et reste très naturaliste et intimiste préférant prendre de près les émotions des ses actrices. Pareil pour la photographie du film, bien moins stylisée et beaucoup plus naturelle que celle des précédentes oeuvres. La même chose se produit pour ses personnages. Même si quelques uns d’entre eux ont un caractère très exagéré, comme le groupe des fans du réalisateur, les autres montrent une évolution beaucoup plus réaliste, loin du traitement habituel du cinéaste. Par contre, tout ce qui fait le style Sono Sion se retrouve à la fin, lors de l’événement le plus important du film, ce qui est d’ailleurs un choix judicieux.

Le résultat est donc étonnant, mais il est aussi plus frais et accessible pour un nouveau public. Car, même si la filmographie du réalisateur japonais est excellente, plusieurs de ses films pourront facilement rebuter les spectateurs peu familiers avec son style. Red Post on Escher Street mélange très bien le style habituel de Sono Sion ainsi qu’une forme de cinéma plus posée, ce qui en fait une très bonne porte d’entrée pour tous ceux qui voudraient  découvrir le cinéaste. Ils seront alors séduits par les superbes idées cinématographiques que ce dernier a insérées dans le film. Ils pourront par la suite se lancer dans ses oeuvres les plus folles et découvrir un cinéma unique en son genre. Même s’ils risquent de ne pas apprécier la longueur du film.

Red Post on Escher Street est donc à la fois un renouveau et une répétition du style Sono Sion. Même s’il est un poil trop long, il étonnera les habitués et il intéressera les nouveaux venus. Dans les deux cas, il séduira son public. Le long métrage est donc une autre belle pierre dans la longue carrière du poète punk japonais.

8/10

Bande-annonce

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