« – Est-ce que vous diriez que vous êtes, ce qu’on appelle, une fille facile?
– Dans ce cas pourquoi on demande pas à Nathan si c’est un garçon facile aussi? »
Lise (Mélissa Guers) a 18 ans, elle vit dans un quartier résidentiel sans histoire et vient d’avoir son bac. Mais depuis deux ans, Lise porte un bracelet électronique car elle est accusée d’avoir assassiné sa meilleure amie.
Avec La fille au bracelet, Stéphane Demoustier offre un film de procès très fort. Il nous amène dans l’univers juridique à travers la mystérieuse vie des adolescents.
On a toujours l’impression de connaître ses enfants, mais l’évidence apparaît inéluctablement : ce sont des êtres autonomes qui nous échappent de plus en plus en tant qu’adultes. S’il y a une chose que Demoustier réussit à bien montrer dans son film, c’est à quel point les adultes ne comprennent pas la jeune génération.
Le procès pour meurtre de la jeune femme tourne rapidement en un procès pour mœurs. Une grande partie des questions tournent autour de la sexualité de l’adolescente. Clairement, elle sera jugée plus en fonction de sa sexualité que du meurtre commis. Et c’est cette sexualité qui semble échapper aux adultes, même à la procureure qui n’est qu’au début de la trentaine. Comme quoi ce n’est pas long que nous oublions ce que c’était que d’être ado. Sans oublier que certaines choses ont changé depuis…
Le réalisateur expliquait ceci en entrevue :
« Je voulais regarder cette jeunesse sans la juger. Or, dans une affaire judiciaire, tout est exacerbé et le procès agit donc comme un miroir grossissant des rapports intergénérationnels. L’héroïne représente l’altérité absolue pour moi puisque c’est une femme et une adolescente. C’est pourquoi j’ai construit le scénario autour du mystère que représente à mes yeux cette jeune femme. »
Et le scénario est efficace et crédible. L’adolescente reste insondable, dans un monde différent de celui qu’imaginent les adultes du film. Il y a néanmoins la mère de Lise qui semble plus connectée à la réalité d’une jeune femme. Et c’est bien. Si personne n’avait compris dans quel univers vivent les jeunes, ç’aurait été moins crédible. Car il y a des « grands » qui comprennent malgré tout les ados.
Ce qui m’a beaucoup plu, c’est que La fille au bracelet est un film de procès. Disons que 80% du film se déroule en cour. Bien que je ne sois pas un expert en justice française, le film semble très crédible. Ce réalisme tient probablement du fait (en partie en tout cas) que le réalisateur a fait relire le scénario à des juges et des avocats afin de s’assurer que tout était crédible. Le résultat est superbe.
Il faut mentionner les dialogues, et surtout les silences. La joute qui se déroule entre la procureure (Demoustier) et Lise, crée une tension et une frustration chez le spectateur. Lise ne se conforme jamais à l’attitude que l’on attend d’une accusée. Cela peut être dû à sa personnalité, ou peut-être aussi à une forme d’auto-protection, voire l’expression d’une certaine vulnérabilité. Mais ça pourrait aussi être parce qu’elle est sur le point de craquer. Chacun interprète ces silences différemment. Il faut garder à l’esprit que c’est avant tout une adolescente et le mystère de cet âge reste entier.
Dès le tout premier plan, le spectateur se retrouve dans le doute. C’est que Lise a une totale absence de réaction quand on l’arrête. Est-ce parce qu’elle a tué Flora? Est-ce parce qu’elle est intimidée par la présence policière? Est-ce simplement le comportement d’une ado blasée? Ce sont ces questions qui tournent dans la tête du spectateur d’un bout à l’autre du film.
D’ailleurs, ce plan d’ouverture est, je crois, le seul plan dans lequel on voit toute la famille, ensemble. Le petit moment de bonheur avant la longue agonie. Le réalisateur expliquait qu’il voulait « une image d’Epinal, celle d’un temps heureux mais furtif, puisque la police apparaît très vite à l’écran et vient rompre cet instant fragile. Il était important que cette scène contraste en tout avec la suite. »
En regardant la distribution, on réalise que certains personnages-clés sont joués par des non-acteurs. Par exemple, le rôle du président du tribunal est interprété par un avocat, Me Pascal-Pierre Garbarini, et le rôle principal par une jeune femme qui n’avait jamais joué avant.
La fille au bracelet nous amène au cœur d’une sordide histoire de meurtre et, plus encore, quelque part où la société actuelle merde bien : le procès des mœurs sexuels d’une jeune femme. Un film prenant!
Note : 8.5/10
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