« Et alors, un vrai musulman ne sert pas la main d’une femme. »
En Belgique, aujourd’hui, Le jeune Ahmed présente le destin de ce jeune musulman de 13 ans (Idir Ben Addi), pris entre les idéaux de pureté de son imam et les appels de la vie.
Le jeune Ahmed, le plus récent film des frères Dardenne, touche à un sujet très délicat : la radicalisation d’un jeune adolescent. Mais, surtout, il traite des effets de cette radicalisation sur l’enfant et sur tout sonentourage.
Traiter de l’Islamisme et de la radicalisation des musulmans est toujours risqué. On risque de se faire accuser de racisme, d’islamophobie ou de toutes sortes d’idéologies du même genre à éradiquer. Mais les frères Dardenne réussissent un coup de maître en présentant de façon sobre la radicalisation de cet adolescent.
Évidemment, chaque radicalisé possède sa propre histoire. Ici, c’est l’œuvre de l’imam d’Ahmed. Les réalisateurs ont choisi de ne pas montrer la radicalisation en commençant par ses balbutiements, mais plutôt d’initier le film alors que le garçon est déjà sous le joug du maître. Ce choix permet de ne pas se perdre dans une série de tentatives de manipulation de la part de l’imam, mais de focaliser sur les conséquences pour le jeune homme au moment où la radicalisation arrive à son paroxysme.
On voit bien quelques scènes dans lesquelles le maître manipule, ou place des idées dans la tête de son suiveur. Il lui répète à maintes reprise à quel point Inez, sa tutrice d’arabe, est une impure et une méchante femme qui essaie de détruire les musulmans en leur apprenant l’arabe autrement que par le Coran. On le voit encenser le cousin d’Ahmed, mort en martyr pour la cause.
Puis, il y a les imam qui prêchent par le web. Ceux qui contribuent à la radicalisation d’un esprit déjà affaibli.
Mais ce sont surtout les effets que cette radicalisation crée sur Ahmed, ainsi que sur son entourage que présentent les frères Dardenne. Le garçon se retrouve en centre de détention pour enfants après avoir tenté de tuer Inez, l’impure.
L’effet est aussi bien présent chez le spectateur. Malgré la sobriété de la mise en scène – exceptionnelle – on ne peut faire autrement qu’être révulsé par les commentaires d’Ahmed. Sa vision des autres, principalement des femmes, est terrible. Sa compulsion à se laver les mains, à prier, est sidérante. Il est prêt à être durement puni pour ne pas manquer l’heure de la prière d’une minute.
L’intrigue de Le jeune Ahmed tourne principalement autour de la « guérison » d’Ahmed. Est-ce qu’il comprend ce qu’il a fait? Est-ce qu’il peut être sauvé? Est-il trop tard pour qu’il réussisse à voir le mal qu’il fait et pourquoi il le fait? Est-il lui-même une triste victime d’un imam radicalisateur?
D’une façon assez intéressante, on ne sent pas de jugement dans la réalisation des Dardenne. Ils abordent la question de la radicalisation d’un point de vue qui relève presque du documentaire. Le seul point qui achoppe, c’est la relation entre Ahmed et Louise, une adolescente avec qui il doit travailler dans son processus de réhabilitation. On reste un peu incertain devant son manque de gêne envers ses désirs de découverte de l’amour. Trop rapidement elle commence à flirter avec Ahmed. Et elle est… disons… très directive et fonceuse pour une jeune femme de son âge. Surtout qu’elle semble être, elle aussi, sans expérience. Mais Ahmed reste fidèle à lui-même et à sa conception des femmes jusqu’à la fin…
Une question reste au centre de ce film : peut-on aider quelqu’un qui ne veut pas s’aider lui-même? Là est la grande difficulté avec les personnes radicalisées, surtout à un jeune âge. Ils ne voient simplement pas en quoi leur point de vue est mauvais, voir mal. Ils sont tellement convaincus de la justesse de leur cause que même le maître, ici, perd le contrôle de son élève.
Le jeune Ahmed est un film puissant et frappant, d’une sobriété parfaite. On comprend assez bien que, au final, il n’y a que des victimes… ou presque.
Note : 9/10
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