« Je suis le plus jeune. Alors, ils vont tous mourir avant moi. Il fallait que je m’entraîne à être seul. »
Sam, 11 ans, est en vacances d’été avec sa famille sur une ravissante île néerlandaise. Il décide de s’isoler quelques heures chaque jour pour s’habituer à vivre seul, mais sa rencontre avec l’intrépide Tess va bousculer son projet. La jeune fille a un secret et entraîne Sam dans sa mystérieuse mission. Cet été va changer leurs vies…
Ma folle semaine avec Tess est l’adaptation filmique du roman éponyme d’Anna Woltz, originaire des Pays-Bas tout comme le réalisateur Steven Wouterlood, qui est d’ailleurs connu pour d’autres productions pour un jeune public. Celle-ci, l’histoire d’un garçon intrigué par l’idée de la mortalité et ramené à la joie de vivre par une fille qu’il rencontre lors des vacances d’été en famille, constitue son premier, et déjà acclamé, long métrage.
La première scène montre un gros plan sur Samuel, le personnage principal. Pendant que la caméra alterne entre son visage inerte et le ciel bleu où on détecte tantôt un cerf-volant tantôt des mouettes, on entend la réflexion du garçon en voix off : « Ça a commencé il y a un mois quand j’ai eu 10 ans. Depuis, j’arrive pas à me sortir cette idée de la tête : l’idée que tous les animaux et tous les êtres humains vont un jour ou l’autre finir par mourir. » D’accord. Aura-t-on donc peut-être affaire à un drame psychologique, l’histoire triste de l’enfant qui vient de perdre un parent, une sœur, un frère ? Mais, avant de pouvoir développer cette idée, Steven Wouterlood introduit la technique du contraste, propre à… Quel genre de film? – À la comédie, c’est ça.
D’un moment à l’autre, la caméra plane au-dessus de Samuel et donne à voir le reste de la scène d’action : une plage d’été – l’île de Terschelling en Hollande –, peuplée par des baigneurs et des familles et parmi elles celle du petit Rousseau. Son père et son frère le convainquent de sortir de sa tombe creusée dans le sable et entament une partie de foot, tous joyeux. Néanmoins, sa constatation pesante ne peut pas se botter en touche. Le soir, avant de s’endormir, Samuel conclut donc : « Je suis le plus jeune. Alors, ils vont tous mourir avant moi. Il fallait que je m’entraîne à être seul. »
Pour se préparer au mieux à l’inévitable dans le futur, le petit Rousseau se convertit en un petit Thoreau : en utilisant des objets jetés qu’il trouve sur le chemin, Samuel cherche une partie déserte de la plage et construit un petit abri sous lequel il s’installe – d’abord pendant deux heures, ensuite pendant quatre, six, huit, et ainsi de suite. Mais il existe une grosse faille dans son plan. C’est que Samuel n’est pas seul. Il a sa famille qui l’aime et qui – justement – ne le laisse pas seul. À cette dernière s’ajoute une distraction encore plus périlleuse : une fille !
Tess habite sur l’île avec sa mère aux idées hippies qui y loue un gîte de vacances et travaille comme secrétaire médicale. Habituée aux touristes allemands qui envahissent cette perle de la Hollande, Tess prend Samuel d’abord pour un autre intrus germanophone, lorsqu’elle le découvre l’observer dans son jardin. Mais, quand il s’avère être un compatriote, Samuel est soudain plus utile que prévu. Faute de partenaire pour apprendre à danser la salsa, elle le réquisitionne et bien sûr que ce sera elle qui, malgré les contestations de Samuel, prendra la part masculine.
Bien qu’ils soient presque du même âge – Tess a un an de plus –, Tess apparaît comme tout l’opposé de Samuel. Déjà son prénom monosyllabique, lorsqu’on le prononce, semble flotter librement en l’air alors que celui de Samuel semble lourd comme s’il pataugeait – ce qui lui arrive réellement à un moment donné dans le film, coincé dans la boue. Parfaitement interprétée par Josephine Arendsen – un coup d’œil sur l’affiche suffit pour s’en convaincre –, Tess incarne la liberté d’idées, la joie de vivre exprimées par ses vêtements multicolores, son rire, ses idées folles, et très vite Samuel développe plus que des sentiments d’amitié pour cette fille inouïe : « Les gens me trouvent souvent bizarre, mais cette fille, elle l’était cent fois plus ».
Bizarre, lorsqu’elle repart à vélo comme ça à le laisser tout seul dans les dunes sous le soleil perçant. Encore plus bizarre, lorsqu’elle l’invite peu après à un pique-nique. À deux, suppose-t-il. À quatre, révèle-t-elle. Avec le couple allemand logeant actuellement dans le gîte de vacances de sa mère, dont l’homme, Hugo, s’avère être son père. Elle lui avoue ainsi son secret le plus intime : son père ne serait pas mort dans une « éruption volcanique », suite à quoi elle ne l’aurait jamais connu, mais il serait vivant – et ici présent sur l’île… Hanté en général par des idées négatives, Samuel est encore une fois confronté à l’expérience d’abandon et de solitude qui, cette fois, est bien réelle. Mais comment, dans ces circonstances, mener à bout le projet de l’ermitage, si un projet social, celui d’avouer la vérité à Hugo, exige toute son attention?
Dans la vie d’adulte, dans ce genre de situations, tu es plus ou moins seul à te creuser la tête et à prendre ta décision. Dans la vie d’enfance – du moins, dans les films pour enfants – on peut être sûr qu’apparaît quelque part, à un moment donné, le deus ex machina qui remet tout en ordre.
Dans Ma folle semaine avec Tess, c’est un vieil ermite sur lequel Sam tombe pendant l’un de ses entraînements. Vivant seul depuis la mort de sa femme adorée, le reclus habite une cabane perdue où il collectionne les objets ramassés sur la plage. Le monsieur qui a l’air d’un mélange bizarre entre le capitaine Barbarossa des Pirates des Caraïbes et l’inventeur Géo Trouvetou apporte la clé aux ruminations pesantes du garçon : « Certaines personnes ramassent de l’argent, d’autres les timbres de poste pour leur collection, […] mais ce sont les beaux souvenirs que tu dois collectionner. »
Il faut donc passer autant de temps qu’on peut avec les gens qu’on aime, tant qu’on les aura, au lieu d’anticiper la solitude – qui arrivera de toute manière. Qu’est-ce qui suivra alors ? Vous l’aurez deviné juste – un happy end…
Ma folle semaine avec Tess n’est finalement pas aussi « fou » qu’annoncé. C’est un film qui fête les valeurs communes comme l’amitié, la famille, la solidarité et le goût à la vie, et ceci dans une intrigue qui nous fait rire et chaud au cœur et nous transpose sur une île magnifique illustrant à merveille son message (le tourisme hollandais s’en remerciera ☺). N’empêche qu’il reste un film plutôt superficiel aux solutions un peu trop faciles.
Mais tel est sûrement l’apanage de l’enfance : le droit de croire en des contes de fées…
Note : 8/10
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