« C’est bon, on sait. Il y a tout qui crève, il fait chaud… La température finira par baisser. »
La sécheresse de 1976. Sous le soleil implacable de cet été, Gus quitte l’enfance. La nature se désagrège, les sentiments s’exacerbent, le noyau familial éclate : tout craque et se fissure jusqu’à ce que l’impensable arrive. Les orages tant espérés balaieront une campagne épuisée et emporteront un monde avec eux
Avec Le milieu de l’horizon, Delphine Lehericey crée, à partir de l’œuvre de Roland Buti, un film fort et universel, qui résonne à la frontière du naturalisme et de l’onirisme.
Dans son film, Lehericey décrit de façon très juste les difficultés vécues par les gens qui possèdent une ferme. En vivant une canicule d’une envergure jamais vue, c’est effectivement impossible que tous les cultivateurs en sortent indemnes.
Une vie qui est déjà très exigeante devient alors insoutenable. Et cette pesanteur se sent de plus en plus au sein de la famille à mesure que le film avance. Évidemment, lorsqu’une famille commence à être dysfonctionnelle, ce n’est pas la faute d’une seule personne. Ici, Jean travaille comme un forcené et tout s’écroule à cause d’un événement hors de son contrôle : le climat. Son stress est à son paroxysme. Alors, quand sa femme commence à agir de façon étrange, ce sera la goutte de trop…
Laetitia Casta et Thibaut Evrard sont excellents et jamais on en vient à prendre position dans le couple. Et pourtant, ce serait facile de mettre la faute sur l’un ou l’autre. C’est là la preuve d’une mise en scène réussie et d’un jeu d’acteur au point.
Pour Gus, Cette canicule se transformera en un été catastrophique où il entrevoit le monde tel que les adultes le lui laisseront, et tel que nous le connaissons aujourd’hui. Un monde où la nature est désormais perçue dans sa fragilité, où travailler la terre ne rapporte ni argent ni noblesse, où les relations de couple ne sont plus réglées par les valeurs de la famille traditionnelle et où la place des femmes a changé.
Pour Gus, l’été 1976 vient marquer la fin de l’enfance. C’est en traversant des épreuves et des bouleversements que Gus grandit. A l’image des adultes qui l’entourent, il est confronté au fait que chaque chose a une fin, mais aussi à celle des sentiments et de l’amour.
Le garçon se retrouvera coincé entre sa mère, qu’il juge très sévèrement car il a l’impression qu’elle l’abandonne, et son père, qui le force à travailler sur une ferme alors qu’il n’en a pas envie. Dès qu’il en a l’occasion, il se pousse pour aller voir leur vieux cheval ou la jolie Mado. La jeune adolescente deviendra le salut de Gus. Cette relation représente le moment où les amis d’enfance découvrent l’amour, ensemble. Ils sont, l’un pour l’autre, la seule certitude, le seul réconfort, dans un monde qui semble disparaître autour d’eux.
C’est par le traitement de cette relation que la réalisatrice montre l’évolution du garçon. Et que le dénouement du film arrivera.
Le milieu de l’horizon, c’est aussi et avant tout un film sur la découverte de soi. Autant pour le jeune garçon qui découvre les femmes, l’amour, repense l’amitié et le rôle de la famille, que pour Nicole, la mère, qui découvre l’existence d’une vie autre que la famille qu’elle connait. Jean, lui, n’aura d’autre choix que de découvrir que, malgré tous les efforts du monde, il y a certaines choses sur lesquelles nous n’avons pas de contrôle…
Seule réelle faiblesse : le début trop long. Ça m’a pris une bonne demi-heure avant d’embarquer. Tout de même, le deuxième film de Delphine Lehericey est à voir. Une œuvre qui risque de bien vieillir.
Note : 8/10
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