Deux amis d’enfance s’embrassent pour les besoins d’un court métrage amateur. Suite à ce baiser d’apparence anodine, un doute récurrent s’installe, confrontant les deux garçons à leurs préférences, bouleversant l’équilibre de leur cercle social et, bientôt, leurs existences.
La tête coiffée de trois chapeaux (réalisateur, scénariste, acteur), l’infatigable Xavier Dolan revient sur nos écrans avec un film intimiste et prenant.
Le qualificatif « flamboyante » sied parfaitement à la filmographie de Dolan. Le réalisateur prend cependant un peu de distance vis-à-vis de ce « cinéma-esclandre » avec sa dernière œuvre, plus sobre en termes de mise en scène et moins mélodramatique. Longuement applaudi par l’auditoire cannois, Matthias et Maxime met en scène une bande d’amis plutôt qu’un plus habituel duo ou trio.
Loin de rompre avec toutes ses habitudes (dont celle d’assurer une réalisation virtuose), Dolan explore dans cet opus des thèmes qui l’habitent depuis ses débuts, soit l’amour et la relation tumultueuse à la mère. Le film, qui s’ouvre sur un panneau publicitaire à l’esthétique « pré-cathodique » montrant une famille nucléaire, questionne la tolérance au changement à travers un récit on ne peut plus minimaliste.
Les membres de la bande, dont aucun n’est accessoire, partagent une amitié profonde et de longue date. Le spectateur développe une sympathie pour chacun d’eux dès les premières scènes du film, d’ailleurs marquées par une heureuse cacophonie qui évoque l’ambiance exaltée des soupers de familles nombreuses. Le montage, effréné, fait se multiplier les plans courts et dynamiques, rendant palpable l’excitation relative aux retrouvailles. Une musique rythmée habille ces scènes de réjouissances, contrastant avec l’air de piano qui occupe en roi une partie intégrante de la bande sonore.
Les interactions du groupe sont marquées par des échanges survoltés, mordants et souvent teintés d’une cruauté mêlée d’affection. Force est d’admettre que Xavier Dolan est un dialoguiste formidable et inspiré, car entre autres arts, il possède celui du « mot-missile », autrement dit de l’insulte bien envoyée. Les personnages du film héritent en effet de lignes de dialogue mémorables et incisives.
À ces lignes bruyantes s’oppose le silence qui s’installe entre Matthias (Gabriel d’Almeida Freitas) et Maxime (Xavier Dolan) à la suite de leur baiser. Un baiser échangé à des fins de fiction, certes, mais qui prend une importance réelle et capitale. L’un et l’autre, désormais au fait de leur attirance commune, doivent faire face à la potentialité déstabilisante de s’y abandonner. C’est l’instant d’hésitation qui précède le geste qui intéresse Dolan. Sa contenance au niveau des effets de mise en scène répond harmonieusement à celle, taraudante, de ses personnages épris.
En un mot, Dolan, avec Matthias et Maxime, prouve une fois de plus qu’il a une tête à chapeaux.
Note : 8/10
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