« L’art dégénéré était pour eux une monnaie d’échange. »
En 1937, à Munich, les troupes d’Hitler organisent deux expositions visant à défendre les valeurs aryennes. D’un côté, on stigmatise et interdit ce qui est considéré comme de l’art dégénéré, et de l’autre, on glorifie l’art dit « classique ». Ces expositions tapageuses marquent le coup d’envoi du grand pillage d’œuvres d’art orchestré par Hitler et Goering. Près de 80 ans se sont écoulés depuis que le régime nazi s’est lancé à l’assaut de ce qu’il considérait comme une expression cosmopolite et communiste de l’art. Ce documentaire fascinant met en lumière des tableaux signés par des artistes grandioses tels Picasso, Botticelli et Renoir, et s’intéresse à l’influence des arts dans les régimes politiques.
Hitler vs Picasso and the others, de Claudio Poli, nous rappelle que la Deuxième Guerre mondiale s’est aussi déroulée au niveau culturel; les nazis ayant décidé qu’il y avait 2 types d’art : le bon et le mauvais. Un documentaire au format quelque peu différent.
La narration de Hitler vs Picasso and the others est assurée par Toni Servillo. D’ailleurs, on reconnait bien le type « italien » dans la façon de narrer : un homme qui nous raconte une histoire en prenant le temps, par moment, de nous regarder directement afin de créer, ou garder, un contact avec celui à qui il parle. Il nous met presque la main sur l’épaule.
Justement, le ton change légèrement dans ces moments. Et ça fonctionne assez bien, même si je n’étais pas convaincu au départ. C’est un peu étrange d’avoir l’impression que le narrateur nous parle personnellement. Surtout avec un sujet aussi lourd que Hitler et sa volonté d’éradiquer une culture complète, et tout ce qui ne correspondait pas à ses goûts.
Malgré le plaisir que j’avais à écouter Toni Servillo, je dois avouer que le fait qu’on se promène entre quatre langues (français, anglais, allemand et italien) rend la compréhension parfois difficile. Disons que ce n’est pas un film à regarder si on est très fatigué.
Je sais que Picasso était le chef de file du mouvement cubiste. Mais comme il n’est pas l’artiste le plus souvent mentionné dans le film, et qu’il n’est pas plus important que les autres qui ont été ciblés par les nazis à ce moment, je ne comprends pas réellement le choix du titre. Je sais qu’il ne s’agit que d’un titre, mais ça me dérange tout de même.
D’ailleurs, Hitler n’est pas vraiment non plus le personnage de la faction allemande dont on parle le plus dans ce film. Le titre est-il seulement un genre de ligne à pêche? Un « clic bait »?
Bien qu’il soit vraiment très intéressant, Hitler vs Picasso and the others est dur à suivre, surtout pour les non-experts. Pour suivre sans effort, vous devez avoir de grandes connaissances en histoire, en art et en politique. Et vous devez être en mesure d’assimiler beaucoup de noms. Car des personnages, il y en a. Peut-être que ce documentaire s’adresse plus à un public européen que nord-américain.
Peut-être que le réalisateur aurait dû focusser sur un ou deux grands thèmes plutôt que sur la multitude de sujets qu’il traite ici. L’opposition entre art classique et art dégénéré et le vol des œuvres aux propriétaires d’origine; ça aurait été bien suffisant. Pourquoi ajouter d’autres aspects comme les héritiers qui cherchent à retrouver les œuvres appartenant à leurs aïeux et le combat des Juifs? Oui, ces sujets méritent d’être traités. Mais peut-être que de mettre tout ça ensemble n’était pas la meilleure façon d’y parvenir.
Par contre, ne vous méprenez pas, ce film vaut l’effort. Personnellement, j’ai appris beaucoup de choses.
Si l’histoire politique et l’histoire de l’art vous intéressent, Hitler vs Picasso and the others est pour vous. Si vous êtes curieux de nature et que vous n’avez pas peur d’un petit défi, même constat. Mais si vous avez envie d’une soirée de paresse intellectuelle, ce n’est peut-être pas le film à voir.
Quoi qu’il en soit, ce film vous fera voir un autre côté de Hitler. Et une autre méthode utilisée par les nazis pour faire disparaitre ce qu’ils jugeaient néfaste.
Note : 7/10
Le film est présenté les 22 et 29 mars dans le cadre du FIFA 2019.
Visionnez la bande-annonce :
© 2023 Le petit septième