La saveur des ramen – De Takasaki à Singapour

« La nourriture est, après la langue, le marqueur le plus fort d’une identité culturelle ».
Ben Rogers

Ramen - afficheMasato (Takumi Saito), jeune chef de Ramen au Japon, a toujours rêvé de partir à Singapour pour retrouver le goût des plats que lui cuisinait sa mère (Beatrice Chien) quand il était enfant. Alors qu’il entreprend le voyage culinaire d’une vie, il découvre des secrets familiaux profondément enfouis. Trouvera-t-il la recette pour réconcilier les souvenirs du passé?

Avec La saveur des ramen (Ramen), sélectionné à Berlin en 2018, Eric Khoo nous offre un voyage culinaire et politique entre le Japon et la Chine, entre les ramen et le Bak Kut Teh.

Histoire culinaire

Afin de parler de ce qui sépare les Japonais et les Singapouriens, le réalisateur a décidé de passer par l’art culinaire. Il expliquait d’ailleurs son choix ainsi : « J’ai le sentiment qu’on peut […] dire que l’alimentation définit qui nous sommes et comment nous vivons. En outre, je crois sincèrement que la cuisine permet de rassembler les gens en toute circonstance. »

Mais avant d’aller plus loin, assurons-nous de bien connaître les deux recettes qui caractérisent ces deux cultures.

Ramen

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Le restaurant du père de Masato

Après être remontés jusqu’à l’origine des ramen, les historiens ont découvert que ce plat vient en réalité… de Chine. En effet, cette soupe chinoise a été apportée au Japon par des commerçants chinois à la fin du XIXe siècle. Jusqu’en 1950, les ramen étaient appelés « shina soba », soit les « soba chinois ». Désormais, le terme « ramen » est le plus répandu. Le plat est composé de nouilles à la chinoise servies dans un bouillon de viande ou, plus rarement, de poisson, agrémenté de sauce soja ou miso. Sur le plat sont ajoutés des tranches de porc (cha shu), des feuilles d’algues (nori) et des oignons verts (negi). Chaque région du Japon propose sa propre version : on déguste, par exemple, des ramen au bouillon au porc à Kyushu et des ramen au miso à Hokkaido.

Bak Kut Teh

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Masato qui apprend de son oncle

Le bak kut teh est une soupe de porc à la chinoise très populaire à Singapour. Il en existe deux variétés : le « teochew » est un bouillon de poivre et d’ail dans lequel le porc cuit de longues heures et le « hokkien » est un bouillon mijoté d’herbes et d’épices telles que l’ail, les clous de girofle, la cannelle, la coriandre et le fenouil. À Singapour, c’est le bak kut teh version « teochew » qui est le plus populaire. Les travailleurs immigrés chinois aimaient commencer leur journée de travail avec ce plat peu cher et réconfortant.

Entre l’anglais, le japonais et le cantonais

Tout au long de La saveur des ramen, on navigue entre l’anglais, le japonais et le cantonais. Évidemment, avec les sous-titres (vous comprenez ces 3 langues, vous?) on ne le remarque pas trop, mais cet échange de langue est incroyablement bien placé dans le film. Non, nous ne sommes pas dans un film hollywoodien, où tous les peuples de toutes les cultures parleraient anglais.

Ramen Shop - Entre anglais japonais et cantonais
Masato et Jeanette

Bien entendu, pour moi, les nuances entre le japonais et le cantonais sont assez floues. Par contre, en se promenant entre ces 3 langues, le réalisateur montre bien l’histoire de Singapour. On y voit que plusieurs Japonais y vivent et que cette langue semble maîtrisée par plusieurs locaux… D’ailleurs, la Seconde Guerre mondiale a laissé des traces et, encore aujourd’hui, certaines personnes âgées cultivent une haine envers le Japon et ses habitants. Ces gens sont représentés par le personnage de Madame Lee.

Et, l’anglais représente la langue universelle. Cette possibilité qu’ont les gens de communiquer dans une langue neutre. Mais qu’arrive-t-il lorsqu’une Cantonaise et un Japonais ne peuvent communiquer par l’anglais? C’est là qu’intervient une langue encore plus universelle : la nourriture.

Bâtir son passé

La saveur des ramen - Batir son passé
Les parents de Masato

Masato est né d’un père japonais et d’une mère singapourienne. Il repart au Japon lorsque sa mère meurt, mais son père ne lui parle pas de cette mère qu’il n’a que très peu connue. Malgré l’amour de son père (un amour froid que l’on tend à associer aux Japonais), Masato souffre en silence depuis des années. C’est seulement après la mort de son père qu’il décide de partir en voyage pour connaître la vérité sur le passé de sa mère et pour découvrir tout un pan de l’histoire de sa famille qu’il ignorait.

Parmi les choses qu’il ignorait, il y a 50 ans de relations diplomatiques entre le Japon et Singapour. C’est cette relation difficile entre les deux pays qui est au centre du mystère familial de Masato. Et quelle bonne idée de passer par la nourriture pour aborder ce thème.

Il serait difficile de détailler comment Khoo s’y prend sans dévoiler de punchs. Mais ce choix permet de comprendre facilement la situation politique qui unit les deux pays.

Mais encore…

RAMEN- Mais encore
Masato (Takumi Saito)

Les thèmes de l’acceptation, du pardon et de la réconciliation sont très présents dans le film : « Je veux célébrer les relations, non seulement entre les êtres humains, mais aussi entre les êtres humains et la nourriture. »

Le bak kut teh et les ramen sont devenus des emblèmes de leur pays d’origine. Leur succès coïncide avec la montée économique du Japon et de Singapour. C’est par la création de ces mets que les parents de Masato se sont rencontrés, et c’est par la création de ces plats que Masato pourra résoudre le mystère de sa famille.

La saveur des ramen nous rappelle que la cuisine, au-delà de notre besoin primaire de nous nourrir, nous réconforte, nous unit et emplit nos âmes.

Note : 9/10

Visionnez la bande-annonce :

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